Critique : Lost River

Le premier film réalisé par Ryan Gosling avait suscité un engouement phénoménal lors de son passage à Cannes en 2014, dans la section Un Certain regard. Certains voulaient voir le film, mais beaucoup voulaient voir Ryan, en chair et en os. La folie, ou presque. Ils sont loin les jours où le canadien pouvait se balader incognito sur la croisette alors que Drive de Nicolas Winding Refn s’apprêtait à recevoir le prix de la mise en scène. Mais qu’y a-t-il derrière le Lost River de Gosling ? Eléments de réponse dans cette critique.

Contrée maudite

Pas simple pour un comédien ayant connu une ascension fulgurante de passer derrière les caméras. Pas simple car bien qu’il puisse compter sur une communauté de fans qui ne manqueront pas le film, il peut aussi compter sur un contingent de critiques prêt à lui tailler un costume – et pas le genre de costume qu’il porte avec classe dans Crazy, Stupid, Love ! Dans les faits, Lost River ne peut faire l’unanimité, et c’est en soit une bonne chose : Gosling ne tombe pas dans le piège du film pensé pour plaire, du premier long parfaitement formaté et structuré. Avec son rythme hypnotique, sa trame narrative lâche et son cadre désolé, ce surprenant long métrage prouve que Ryan Gosling a un véritable regard de cinéaste. La seule règle à laquelle il ne déroge pas étant celle des éléments autobiographiques propres à la première œuvre. Ainsi, Ryan Gosling relie dans Lost River les conséquences de la crise économique américaine ayant ravagé des quartiers entiers de Detroit avec des peurs enfantines. Lost River, une contrée maudite, abandonnée, où les bicoques en bois défigurées attendent le coup de grâce. Mais il y a ceux qui ne peuvent pas partir, car c’est leur foyer et qu’ils n’ont aucun autre endroit où aller. Billy (Christina Hendricks) élève un garçon haut comme trois pommes, Franky, et son frère aîné, déjà un jeune homme débrouillard qui refourgue du cuivre et de la ferraille, Bones (Iain de Caestecker). Pas de figure paternelle, tout comme avec la petite voisine Rat (Saoirse Ronan), qui vit avec sa grand mère perdue dans les souvenirs de son couple disparu. Une terreur rode, Bully (Matt Smith) et un étrange cabaret s’ouvre à Billy qui doit régler les loyers en retard.

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Si l’influence de certains réalisateurs avec lesquels Ryan Gosling a travaillé se ressent dans Lost River, comme Derek Cianfrance et Nicolas Winding Refn, son premier film pourrait être rapproché du premier long métrage de Harmony Korine, Gummo. Certes moins glauque, ils partagent tous deux ce cadre d’une Amérique dévastée, où ses enfants errent, cherchant à tuer le quotidien et à survivre. Et, pour relier les deux hommes, il y a le chef opérateur Benoît Debie, dont le travail fantastique a donné toute la noblesse perverse à Spring Breakers. Tourné en 35 mm et en numérique, Lost River présente une photographie sublime, expressive, qui foisonne de détails à la lueur de néons, de postes de télévision ou sous le toucher fragile de la Lune. On erre dans Lost River comme dans un cauchemar, avec toute son étrangeté, ses petites légendes et ces figures qui s’écartent du réel, pour aller vers la fantasmagorie, la terreur – Eva Mendes en reine du gore et Ben Mendelsohn, l’autre visage du mal du film. Dans cette troupe d’acteur irréprochables, où Reda Kateb apparaît en chauffeur de taxi, Saoirse Ronan montre un nouveau visage, dessiné par la grâce et la maturité d’une actrice qui s’affirme de plus en plus. Autant le combat d’une mère célibataire que d’un jeune homme aux portes de l’amour, Lost River pourrait être vu comme le prologue de Drive, retraçant la jeunesse de l’as du volant mutique. Porté par une atmosphère envoûtante, et quelques séquences fascinantes, Lost River libère les démons insoupçonnés d’un Ryan Gosling qui réussit sa première expérience de cinéaste.

3.5 étoiles

 

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Lost River

Film américain
Réalisateur : Ryan Gosling
Avec : Iain de Caestecker, Saoirse Ronan, Christina Hendricks, Eva Mendes, Matt Smith, Ben Mendelsohn, Reda Kateb
Scénario de :
Durée : 95 min
Genre : Thriller, Fantastique
Date de sortie en France : 8 avril 2015
Distributeur : The Jokers / Le Pacte

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. Yo !

    L’idée est intéressante. J’adhère à ton point de vue. En tout cas, ce film est une perle.

    Mon avis détaillé sur celui-ci : https://cinebotizok.wordpress.com/2015/04/21/botizok-lost-river-2015/

    See ya ! :3

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