[Critique] Drive (Nicolas Winding Refn)

Après Valhalla Rising, le cinéaste danois Nicolas Winding Refn retourne aux Etats-Unis pour adapter, à la demande de l’acteur Ryan Gosling, le roman Drive de James Sallis. Une rencontre sur l’asphalte qui donne lieu à un film époustouflant.

Un véritable héros

A Los Angeles, dans un contexte mafieux, Drive réactualise le mythe du héros véritable, celui qui n’a aucun super pouvoir, aux actes régis par un altruisme disparu, tentant de préserver les bribes d’innocence d’un monde gangrené jusqu’à la moelle. Ce héros sans nom, qui élève la conduite au rang d’art, est incarné par Ryan Gosling, exceptionnel à chaque instant. La démarche assurée et le visage fermé, cet as du volant, cascadeur diurne, braqueur nocturne, apparaît, à priori, comme un être froid, dénué de tout sentiment. Les émotions jaillissent pourtant au travers du regard, d’une assurance effrayante lors des courses poursuites automobiles, et d’une bienveillance grandiose en présence d’Irene (Carey Mulligan) et de son fils Benicio (Kaden Leos).
S’il s’ouvre sur une séquence de conduite qui entre directement au panthéon du cinéma, présentant le mode opératoire du pilote et sa capacité incroyable à échapper aux forces de police, le long-métrage de Nicolas Winding Refn ne relève pas du film de bagnole : c’est avant tout une romance platonique qui entraîne son protagoniste dans un engrenage létal. L’énamourement est d’une candeur débarrassée de toute mièvrerie. Des regards complices, une main qui vient en épouser une autre et un baiser pudique sont les uniques manifestations d’une relation affective qui sera parasitée par la réapparition d’un mari et d’un braquage désastreux.

L’enjeu, d’une grande simplicité – enrayer le carnage gravitant autour d’un sac d’argent – , n’est même pas dénaturé par les figures caricaturales de mafieux, le seul obstacle sur lequel le film aurait pu achopper – on vibre dans cette croisade du bien, débordant d’adrénaline, jusqu’à la dernière minute. Drive est le film « cool » par excellence, celui qui procure un plaisir immédiat et inamissible. Refn transcende son sujet grâce à une direction d’acteur et une mise en scène grandioses – le Prix de la Mise en scène reçu à Cannes est amplement mérité. La beauté formelle des plans qui composent ce film à la tension permanente – caractéristique qui tient également de l’excellent travail de montage –, échappe pourtant à une démonstration esthétisante de maîtrise des outils cinématographiques, même lors de séquences rythmées par des morceaux électroniques de la scène underground – Kavinsky, College, Desire, The Chromatics.
Les acteurs, élevés par les contre-plongées, sont sublimés par des éclairages qui confine au songe, un aspect soutenu par les compositions éthérées de Cliff Martinez et l’abondance des ralentis. Ainsi, le film se déroule dans une sorte de flottement plein de grâce, une grâce tiraillée ça et là par des explosions d’ultra-violence, habituelles dans l’univers du cinéaste danois mais qui saisissent d’autant plus ici par le contraste qu’elles provoquent.

Magnifique parcours d’un justicier solitaire au charisme éblouissant, Drive est le parangon du divertissement de l’année 2011. Alors qu’au cours du film, une conversation autour d’une stock-car décatie amène le cliché « c’est la beauté intérieure qui compte, » Nicolas Winding Refn et Ryan Gosling harmonisent éclat extérieur et grandeur de caractère. Un film flamboyant et jouissif.

4.5 étoiles

Drive

Film américain
Réalisateur : Nicolas Winding Refn
Avec : Ryan Gosling, Carrey Mulligan, Bryan Cranston, Christina Hendricks, Oscar Isaac, Ron Perlman
Scénario de : Hossein Amini, d’après le roman éponyme de James Sallis
Durée : 100 min
Genre : Thriller, Action, Romance
Date de sortie en France : 5 octobre 2011
Distributeur : Le Pacte


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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13 commentaires

  1. Waou, ça a l’air de « claquer », mais peut on vraiment dire qu’il s’agit d’un film américain??
    Réalisateur et acteurs sont assez nombreux a avoir un nom a consonnance « europe du nord », non?
    Ca me rappel un peu « le grand casse », un film des années 70 avec des poursuites hallucinantes a travers les etats unis, réalisé quasiment sans trucage sur les vitesses pratiquées.
    Mais là, l’histoire a l’air un peu plus construite.
    En tout cas tu m’as donné envie de le voir…

  2. Bien hâte de le découvrir !!!

  3. Je le recommande vivement (c’est le seul film que j’ai vu trois fois cette année).

    @domdom2006 : la nationalité du film est déterminée par la production. Je n’ai pas vu ‘le grand casse’ mais ‘Drive’ n’est pas un film d’action au sens classique du terme, mais il tient effectivement de ces films des années 70 avec de belles caisses, des braquages et des ennuis à la clef !

  4. Drive se veut matérialiser un pur produit cinéphile, un rêve de destruction de frontières qui pourraient différencier un Mann d’un Friedkin (To Live and Die in LA) en passant par le Taxi Driver de Scorsese. Certes, on en a cure de ce scénario (plus fin qu’il n’y paraît attention) très classique de braquages, de courses poursuites et de règlements de comptes. La force de ce nouveau Refn vient de l’envoûtante charge plastique qu’il a offert à son film, sorte de réunion improbable entre les antiques Westerns/Chambaras et la photographie léchée qui analyse les nervures d’une ville moderne plongée dans la nuit. A ce titre, je tiens à faire remarquer que Refn a semble t-il été stupéfié par l’esthétique de Collateral, car les avenues de la ville sont éclairées de telle sorte que, une fois plongées dans l’obscurité, elles se transforment en veines transportant du sang. Le rendu est juste captivant

    En clair, Ryan Gosling (magnétique à souhait) circule en figure fantomatique principale de ce Western urbain. Il est calme, imperturbable, imprévisible et d’une sociopathie latente qui peut s’exprimer dans des pointes terrifiantes. Ce n’est pas un héros, juste un homme comme nous atterré par la tournure que prend notre société, enclavée dans ses folies dévastatrices. Enjolivé de mystères sur ses origines, ce sombre individu parcourt les grandes artères de la mégalopole des anges en quête d’âmes à secourir et de criminels à corriger. Ce scorpion solitaire arpente la nuit dans sa voiture, mains gantées de cuir et regard captant la déshumanisation de son environnement.

    Refn sait filmer. Et de nouveau, il risque de décontenancer le grand public car derrière ses sous-entendus nostalgiques du cinéma d’action US, se cache un point de vue exigeant sur la composition des plans (très longs) et sur une obsession constante à (trop) vouloir doter ses cadres d’une géométrie parfaite. Drive schématise la pulsion cinéphile en suintant la passion par tous les pores.

    A l’instar d’un Malick, Refn considère que l’alchimie peut opérer sans nécessairement passer par la case « script ». Entendez par là que les personnages parlent peu, seuls l’atmosphère, les jeux de lumières, les focales et la bande son exemplaire nous somment de conduire sans s’arrêter pour contempler la ville. De GTA à Taxi Driver, Drive s’illustre par cette veine identique à partir en quête de sa source existentielle au volant de son bolide. Les clés sont certainement présentes dans les lumières des lampadaires, sur le marquage des autoroutes et au détour d’une sortie vers la nationale… Que l’action soit magnifiquement mise en scène et que le sang coule, ça c’est de l’enrobage. Le principal étant de voguer avec Gosling la nuit avec du Kavinsky à fond. Et c’est magique.

  5. Eh bien Nasser merci pour cet excellent commentaire-critique. Drive, c’est pour demain !

  6. La bombe de l’année. Une pure jouissance cinématographique.

  7. Nous mettons la même note et avons une impression assez similaire. Ton article est excellent. Flamboyant et jouissif, yes sir !

  8. Amis cinéphile bonsoir.

    Je viens de regarder cette pellicule et je tiens à vous dire que l’ambiance globale m’a énormément rappelé death sentence avec en bonus de belles musiques très eighties .

    Allez en attente du Blu – Ray

  9. Bonsoir Greg 🙂 Death Sentence de James Wan ? Pas vu.
    Vivement le 15 février oui !

  10. Oui avec c’est ça, avec Kevin Bacon. tu ne l’as pas vu? il y a une raison particulière ou juste un oubli :)?

  11. Juste un « oubli », il y a tellement de films qui sortent chaque semaine ! Mais je garde ce titre sur ma liste des films à voir.

  12. Très bon film même s’il peut mettre mal à l’aise par l’ambiance qu’il dégage.
    Une violence qui parait plus vrai que nature par le jeu d’acteur énorme et la lenteur des scène qui font monter la pression tout le long du film.

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