Critique : Rosalie

Pour son deuxième long métrage, la réalisatrice Stéphanie Di Giusto s’inspire de la vie de Clémentine Delait, une femme à barbe ayant connu la célébrité au début du XXe siècle mais en décalant le récit en 1870. Dans une France meurtrie par la guerre franco-allemande, l’arrivée de cette femme singulière dans un village de Bretagne crée des remous dans un film terriblement inconsistant. 

Portrait poussif

C’était une autre époque, bien avant les applications de rencontre, quand il fallait encore poser pour une photographie. Rosalie (Nadia Tereszkiewicz) et Abel Deluc (Benoît Magimel) ne se sont jamais rencontrés, ni vus avant leur mariage. Dans un premier temps, ce patron d’un café en perdition se montre heureux d’avoir une épouse aussi jolie, jusqu’à leur première nuit dans le même lit : Rosalie cache un secret, une pilosité exceptionnelle pour une femme, qui s’étend à son visage, qu’elle rase soigneusement. Le rejet est complet de la part de cet homme gravement blessé durant la guerre, et son comportement rustre envers sa femme interroge dans le village. Rosalie, au caractère fort, décide de prendre avantage de sa singularité : sa barbe sera un argument pour relancer la clientèle du café, mais sa présence dérange certains, et d’autant plus lorsqu’elle ira jusqu’à poser pour des photos de charme. 

Juliette Armanet et Nadia Tererszkiewicz

Saluons la direction artistique qui nous projette à la fin du XIXe siècle, des décors aux costumes avec un travail soigné pour créer la pilosité de Rosalie – qui valu à Nadia Tereszkiewicz de débuter chaque journée au milieu de la nuit pour la pose de ces poils, un par un ! Si nos deux protagonistes se montrent convaincants, personnages cabossés et bien campés, Rosalie peine à trouver l’axe et la dynamique pour donner de la consistance à ses thématiques, de la condition de la femme à celle des ouvriers dans une France en transformations. Les éléments sont là, mais nous restons en surface, dans une œuvre particulièrement arythmique, voire atone – la bande originale du film s’absente curieusement en son cœur. Transparaît autant un manque de maturité dans le scénario derrière cette œuvre que dans son montage. Il manque cruellement une étincelle cinématographique qui nous ferait basculer dans le romanesque, dans le tragique, dans ce qui nous saisit quand la cruauté et l’injustice frappent. Il faut dire déjà que la force du premier long métrage de Stéphanie Di Giusto, La Danseuse (2016), résidait avant tout dans des scènes de danses particulièrement soignées, où le directeur de la photographie Benoît Debie façonnait les mouvements « soyeux » d’une Soko habitée. Un argument formel inexistant ici.

Benoît Magimel

Alors qu’au-delà de l’hirsutisme – c’est ainsi que l’on qualifie ce qui affecte notre protagoniste –, la pilosité féminine, des jambes aux aisselles, alimente régulièrement des débats sur le corps féminin, cette œuvre sur l’acceptation de soi manque d’établir le moindre raccord avec notre époque. C’est probablement trop demander à un long métrage aussi rasoir.

2 étoiles

Benoît Magimel, Nadia Tererszkiewicz et Stéphanie Di Giusto au Forum des Images

Merci à Allociné pour la découverte du film en avant-première au Forum des Images. Stéphanie Di Giusto, Nadia Tereszkiewicz et Benoît Magimel ont évoqué leurs anecdotes de tournage dans la plus grande décontraction – et même avec beaucoup d’humour pour Benoît Magimel.

 

Affiche du film Rosalie

Rosalie

Film français, belge
Réalisatrice : Stéphanie Di Giusto
Avec : Nadia Tereszkiewicz, Benoît Magimel, Benjamin Biolay, Guillaume Gouix, Gustave Kervern, Juliette Armanet
Scénario de : Stéphanie Di Giusto
Durée : 115 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 10 avril 2024
Distributeur : Gaumont Distribution

 

Photos du film Copyright Marie-Camille Orlando – 2023 TRESOR FILMS – GAUMONT – LDRPII – ARTÉMIS PRODUCTIONS

Article rédigé par Dom

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