Critique : Au Poste !

De retour des Etats-Unis, Quentin Dupieux entend bien rendre hommage au polar français des années 80 avec Au Poste !, farce surréaliste qui confronte Benoït Poelvoorde à Grégoire Ludig. C’est marrant, avant de sombrer par son caractère répétitif et des références ostentatoires.

Le charme discret de la garde à vue

Sur une petite heure et dix minutes, Quentin Dupieux confronte sous un mode loufoque et surréaliste un commissaire à un potentiel meurtrier. L’atmosphère visuelle convoque le Miller de Garde à vue et le Blier de Buffet froid, et ce, sur un ton loufoque et surréaliste cher à Dupieux, chantre français du non-sens et de la perdition joyeuse dans l’absurdité depuis ses premiers pas comme cinéaste. Dans un faux huis clos qui respire grâce à des flashbacks et autres sortes de projections, Dupieux déploie encore une fois un vrai sens du dialogue où se succèdent les jeux sur les mots et situations, les tics de langage et les perches tendues vers tous les quiproquos. Dans cette affaire traitée à la légère, en apparence, Fugain (Grégoire Ludig) se clame innocent, tandis que le commissaire Buron (Benoît Poelvoorde) applique méthodiquement la procédure à suivre, avant d’abandonner son poste pour laisser le suspect à la surveillance de son étrange collègue, Philippe (Marc Fraize). Là se tient le segment le plus plaisant du film, car dans ce délire où rode l’ombre de David Lynch, tout semble possible, un peu comme dans la fantastique saison 3 de la série Twin Peaks. Mais au lieu d’atteindre une forme d’ouverture vers l’insolite, le film va se complaire dans son attitude initiale, là où des œuvres comme Wrong et Réalité parviennent à franchir un cap vers des horizons délicieusement absurdes.

Il faut dire que dans son mode narratif, Au Poste ! s’appuie lourdement sur un des chefs- d’œuvre de Luis Buñuel, Le Charme discret de la bourgeoisie, dans lequel un groupe d’amis de la haute société ne parvient pas à se retrouver pour un simple dîner, continuellement interrompus par des événements de plus en plus surréalistes. Seulement le long métrage de Dupieux ne possède pas la même dynamique, ni le propos politique et ces mystères qui confèrent un charme, justement, inébranlable, à l’œuvre du cinéaste espagnol. D’un autre côté, difficile de renier un film qui déploie aussi énormément d’autodérision, comme dans cet aveu qui qualifie l’œuvre se déroulant comme étant à moitié géniale et à moitié ratée – c’est un peu ce qu’on en pense ici, pourtant fervents admirateurs des films tournés sur les terres de l’oncle Sam par Quentin Dupieux. Peut-être que Au Poste ! donne le sentiment de voir un film à la fois trop refermé sur lui-même, et dont les pistes extravagantes s’avèrent attendues. Mais peut-être que ce film marque avant tout une transition, un retour au pays dont voici la première marche vers des univers aussi troublants que jubilatoires. Singulier dans le paysage des comédies françaises actuelles, Au Poste !, avec ses comédiens si plaisants, reste un petit OVNI qui manque d’une folie qui lui serait propre. On reste quelque peu sur notre faim, c’est pour ça.

2.5 étoiles

 

Au Poste !

Film français
Réalisateur : Quentin Dupieux
Avec : Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize, Anaïs Demoustier, Philippe Duquesne, Orelsan
Scénario de : Quentin Dupieux
Durée : 73 min
Genre : Comédien
Date de sortie en France : 4 juillet 2018
Distributeur : Diaphana Distribution

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. Je n’ai pas vu le film mais j’aimerais assez initié un échange. Le film dure 1h13 d’après ce que j’ai lu sur internet. Bien qu’on ne puisse pas juger le plaisir qu’on prend à voir une oeuvre sur sa durée, celle-ci constitue tout de même un élément à prendre en compte.

    Vu le prix d’une place de cinéma, et vu que je dois me taper 25 min de pub / bande annonce avant, je trouve que l’addition finale est plutôt lourde. Alors je regrette, mais indépendamment des qualités du film, il faut quand même se dire qu’à ce tarif, c’est du loisir cher payé. A voir peut-être en bluray en solde mais sans cela, je dis non.

    Suis-je le seul à appréhender les choses ainsi ? Ca me fait penser à un cd que j’aurais acheter au prix fort et qui dure 30 min. Pareil, dans ce genre de situations, c’est niet.

  2. Salut Madus,
    A partir d’une heure, on considère un film comme un long métrage. Perso, j’ai une carte de cinéma, donc je peux regarder les films sans compter. En général, je préfère un film qui ne s’égare pas en matière de rythme plutôt qu’un film trop long et qui perd en qualité par manque de fluidité.
    Bon, pour ce film précis, j’avoue être relativement déçu comme tu as pu le lire.

    Pour les CD pour ma part j’en achète très peu désormais et la plupart du temps en promotion. En général, quand un album ne dépasse pas la barre des 30 min, le prix est aussi un peu réduit, enfin, j’ai l’impression !

  3. Pingback :Critique : Daaaaaali ! - Silence... Action !

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