Critique : Rubber (Quentin Dupieux)

Rubber - Quentin Dupieux

Rubber

Film français
Réalisateur : Quentin Dupieux
Avec : Stephen Spinella, Roxane Mesquida, Jack Plotnick, Wings Hauser
Scénario de : Quentin Dupieux
Directeur de la photographie : Quentin Dupieux
Monteur : Quentin Dupieux
Durée : 85 mn
Genre : Comédie, Epouvante, Fantastique
Date de sortie en France : 10 novembre 2010

 

 

 

 

 

La trame :

La folie meurtrière d’un pneu serial killer dans un désert américain.

Bande Annonce (VOST) :

 

Critique

Quentin Dupieux est encore un nom méconnu dans le monde du cinéma, la faute à une (courte) filmographie probablement trop élitiste ou avant-gardiste. Artiste reconnu de la scène électronique française, où il évolue sous le pseudonyme de Mr. Oizo – récemment, il a produit de nombreux morceaux de l’excellent album d’Uffie –, Quentin Dupieux apporte avec ce projet farfelu de mettre en scène un pneu assassin, un film plus profond que son postulat de base.

Rubber - Spectateur

Il était une fois, le cinéma

Qui n’a jamais eu de conversation houleuses avec ses amis, sa famille, ou n’importe quel amateur de film à propos de tel ou tel point d’un métrage ? Nombreuses sont les œuvres qui laissent des questions en suspens et demandent au spectateur une certaine part de crédulité, sous peine de démonter une intrigue à force d’inquisition.
Dans E.T. de Steven Spielberg, pourquoi l’extraterrestre est-il marron ? No reason.
Dans Love Story, pourquoi les deux protagonistes tombent amoureux ? No reason.
Dans JFK d’Oliver Stone, pourquoi un individu assassine-t-il le président ? No reason. (…)
Cette judicieuse réflexion sur le cinéma (et la vie), point de départ de Rubber, est annoncée par un officier de police, Chad (Stephen Spinella, excellent), sorti du coffre d’une voiture, qui, au préalable, a minutieusement détruit chaque chaise se trouvant sur une route, ça et là, en plein désert. Ainsi, le spectateur et les spectateurs – puisque nous regardons ceux qui regardent l’histoire qui va se dérouler –, sont invités à ne pas s’interroger sur la cohérence et les raisons de ce qui va se produire.

Dans une décharge, un pneu s’éveille. Tel un nouveau né, il apprend à se déplacer et chute, à plusieurs reprises. Le pneumatique, une fois stable, va, sans raison apparente, détruire tout objet et créature se trouvant sur son chemin. S’il suffit de rouler sur une bouteille en plastique ou d’un scorpion pour s’en débarrasser, venir à bout d’une bouteille en verre ou d’un lapin n’est pas à la portée d’une rondelle de caoutchouc. Mais ce pneu, savamment humanisé sans avoir recours aux images de synthèses, peut, en concentrant son énergie, utiliser la télékinésie afin de faire exploser ses victimes, à la façon de certains sketchs de l’âge d’or de Groland. Interrompu alors qu’il s’apprêtait à éclater la cervelle de la jeune Sheila (Roxane Mesquida), le pneu va tomber sous son charme et semer la mort sur sa route, pour le plus grand plaisirs des spectateurs regroupés au milieu de nulle part, assistant à cette absurde série de meurtre à l’aide de jumelles.

Rubber

Rubber n’est pas seulement une parodie des slasher movies, dont il reprend les codes, détournés vers l’absurde grâce à l’identité insolite du tueur ; c’est une mise en abyme du cinéma, hollywoodien en particulier, où le spectacle doit répondre aux attentes primaires d’un spectateur des plus exigeants, d’un spectateur qui en veut pour son argent et qui ne quittera pas la salle sans avoir obtenu satisfaction. Derrière cette suite de situations ridicules, souvent teintées d’humour noir, se dessine une véritable réflexion sur le spectacle, le rôle de l’acteur mais également, le pouvoir de l’œuvre cinématographique sur le monde extérieur, le monde réel. Des problématiques passionnantes émergent de cette œuvre originale et marginale, tournée en équipe réduite durant 14 jours, exclusivement filmée avec des appareils photos – des Canon 5D Mark II, déjà expérimentés avec succès à la télévision, comme pour le dernier épisode de la saison 6 de House M.D., ou encore pour capturer l’énergie d’un groupe sur scène, avec les vidéos de Nine Inch Nails par Rob Sheridan. Mais Rubber souffre d’un rythme excessivement lent, lesté par ses illustrations musicales rares – composées par Quentin Dupieux Mr. Oizo en personne et Gaspard Augé, la moitié de la croix de Justice –, lui conférant une aridité aussi écrasante que celle du désert dans lequel il se déroule, et nombreux seront les spectateurs véritables à épouser les sentiments des spectateurs du film de Quentin Dupieux : l’envie de voir un show exaltant et rien d’autre. Une expérience quelque peu guindée, probablement plus adaptée pour un moyen-métrage, qui garde le mérite de rouler à contre-courant d’un cinéma français embourbé par son manque d’inventivité.

Note : 6/10

 

Conseillé à

  • ceux qui apprécient un cinéma alternatif aussi absurde qu’intelligent.
  • Bibendum Michelin.
Déconseillé à

  • ceux qui attendent un véritable pastiche de slasher.
Article rédigé par Dom

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6 commentaires

  1. Celui là, il faut absolument que je le vois.

  2. Ca a l’air quand même d’être un gros délire, ce film !!

  3. Un film que j’attends depuis sa présentation à Cannes mais que je n’ai toujours pas vu…
    Je connais Dupieux plus par rapport à sa musique que pour son cinéma. As-tu vu Steak ?

  4. @Tous : c’est un curieux objet cinématographique qui n’est pas des plus simples à aborder.

    @cinemarium, oui j’ai vu Steak. Ce n’est pas du tout dans la même optique mais la patte est bien la même. Disons qu’ici, l’absurde sert le récit, alors que Steak est plus expérimental, dans sa façon de raconter une histoire.

  5. ah zut, c’est pas si abouti que ça… bon ça ne change rien à mon excitation d’aller le voir ce soir !! hiiiiiii

  6. C’est du délire ce film. Je suis curieux de savoir c’est quoi la technique utilisée par le pneu pour tuer.

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