Critique : Sicario la guerre des cartels

Programmé pour s’étendre sur une trilogie de films, la saga Sicario voit son second épisode entreprendre une direction plutôt hasardeuse. Loin d’être totalement opportuniste, cette suite s’engage sur le territoire de la série B en ayant perdu les personnes qui ont fait la force du précédent film, réalisé par Denis Villeneuve.

Suite diminuée

Sicario par Denis Villeneuve, c’est une œuvre terriblement tendue et troublante, ballotant le spectateur comme sa protagoniste, Kate (Emily Blunt), agent du FBI manipulée dans une opération qui la dépasse. C’est une musique des plus oppressantes par le regretté Jóhann Johannsson et une photographie saisissante par Roger Deakins. Son scénario noir et désespéré est signé de la main de Taylor Sheridan, seule personne citée ci-dessus à retrouver son poste dans Sicario la guerre des cartels, titre français si trompeur puisqu’aucune guerre de cartels ne sera filmée par Stefano Sollima, réalisateur italien succédant donc à Denis Villeneuve. A la photographie, c’est Dariusz Wolski qui prend le relais, tandis qu’une collaboratrice de Johannsson assure la bande originale, Hildur Guðnadóttir. Emily Blunt ? Son personnage n’est plus présent. Il suffit de quelques instants, ces plans nocturnes de patrouille à la frontière mexicaine, pour constater que tout sera mis en œuvre pour créer une continuité artistique avec le précédent volet, mais sans jamais atteindre le niveau du film de Villeneuve, présenté en compétition officielle à Cannes en 2015. L’argument initial du film laisse songeur, Sheridan mélangeant les intérêts des cartels mexicains au terrorisme de Daesh : dans un supermarché américain, une attaque suicide à la ceinture d’explosifs fait de nombreuses victimes. Au moins un des terroristes aurait passé la frontière mexicaine à l’aide d’un cartel. Matt Graver (Josh Brolin) a le feu vert pour retrouver les commanditaires de cette attaque et déclencher une guerre entre les cartels mexicains afin des les affaiblir. Son plan, kidnapper la fille du puissant Carlos Reyes en déguisant l’opération comme celle d’un cartel rival. Dans cette tâche, il fera à nouveau appel à l’homme de main Alejandro, joué par Benicio Del Toro.

Si l’on écarte l’étrange lien que tisse Sheridan entre les cartels mexicain et le djihadisme, Sicario la guerre des cartels offre une première partie assez excitante, du montage de l’opération jusqu’à ce que le plan parfait de Graver dérape – bêtement. Il y a aussi en parallèle l’horreur du côté mexicain, comment des adolescents, attirés par l’argent, se retrouvent à œuvrer dans ces puissants groupes de malfrats. Mais lorsque le convoi de Graver se retrouve attaqué, que l’opération capote et que les protagonistes sont alors séparés, Sheridan tombe dans les travers de la série B, fantasmant sur des opérations militaires sans grand souci de cohérence. Le rythme chute alors dans une deuxième partie oscillant entre exfiltration et élimination d’un double objectif. Si la direction artistique ne sombre pas, ce long métrage se montre soudain si mou et peu crédible. En plaçant cette fois le spectateur au cœur de l’opération, Taylor Sheridan offre une vision d’ensemble qui manquait au précédant film – et qui en faisant son charme – pour exposer tout un lot de regrettables faiblesses narratives. En approfondissant la figure d’Alejandro, le film prouve que ses protagonistes ne sont pas de simples pions, et grâce à l’empathie alors éprouvée pour ce tueur au sang-froid et aux blessures nombreuses, Sollima compose quelques belles séquences lors d’une tentative de retour aux Etats-Unis. Mais sur l’ensemble, le suspense et la tension qui habitaient Sicario manquent terriblement à l’appel. Depuis Wind River, Taylor Sheridan démontre qu’il n’est peut-être pas le grand scénariste qui nous scotchera aux sièges des salles de cinéma à l’avenir, flirtant encore une fois avec l’univers des petits thrillers de série B destinés au domaine de la vidéo. Qu’attendre du troisième volet ? Un détachement artistique complet ou le retour de ceux qui ont permis au premier film de se déployer comme un thriller brillant.

3 étoiles

 

Sicario la guerre des cartels

Film américain, italien
Réalisateur : Stefano Sollima
Avec : Benicio Del Toro, Josh Brolin, Isabela Moner, Catherine Keener, Jeffrey Donovan, Elija Rodriguez
Titre original : Sicario : Day of the Soldado
Scénario de : Taylor Sheridan
Durée : 122 min
Genre : Thriller, Action
Date de sortie en France : 27 juin 2018
Distributeur : Metropolitan FilmExport

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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