[Critique] Prometheus (Ridley Scott)

Le retour à la science-fiction pour Ridley Scott est un événement en soi ; qu’il s’agisse d’un film touchant à la mythologie d’Alien l’est d’autant plus. Prometheus aura, jusqu’au dernier moment, joué avec nos attentes vis à vis de la saga aux xénomorphes. Le résultat est plaisant mais toutefois, une pointe de déception est belle et bien présente.

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Alien : un choc, merveille de la SF à l’atmosphère unique, enfer spatial où rarement une créature extraterrestre n’aura autant terrifié et fasciné, où rarement un personnage féminin n’aura été aussi impressionnant dans un genre toujours dominé par les hommes. Dans Prometheus, c’est à nouveau une femme qui porte la survie de l’équipe – et de l’espèce humaine – sur ses épaules. Elizabeth, interprétée par Noomi Rapace, fait partie d’une expédition spatiale censée remonter jusqu’aux origines de l’espèce humaine ; aux quatre coins du monde, des vestiges de civilisations diverses pointent vers une galaxie qui pourrait abriter nos géniteurs originels. Ridley Scott expose le cadre sans s’attarder, catapultant le spectateur au plus vite sur une planète recelant mystères et dangers. Pour la composition de cette équipe d’exploration aux personnalités très tranchées, et à l’intérêt parfois obscur envers la mission tenue secrète jusqu’à leur réveil, une superbe brochette d’acteur a été réunie. Michael Fassbender campe délicieusement l’androïd du groupe, aux intentions ambigües, capable d’apprendre et d’apprécier l’art, mais qui, selon son créateur, n’a pas d’âme. Charlize Theron, ferme et vénéneuse, mène le groupe avec une autorité qui n’admet aucune compassion ni intérêt quant à la découverte possible d’une forme de vie extraterrestre. Complétée par Logan Marshall-Green, Idris Elba, Sean Harris et cette unité nous conduit dans une sinueuse galerie affichant la patte de l’artiste H. R. Giger, à l’origine de toute l’imagerie d’Alien.

Si les décors et costumes s’avèrent absolument fantastique, quelque chose semble fêlée dans le déroulement de cette aventure spatiale : les méthodes employées pour s’engouffrer dans le « temple » souterrain et les allers-retours avec le vaisseau mère nuisent à l’installation d’une ambiance effrayante, et ce, malgré un contexte des plus anxiogènes. Certains ressorts scénaristiques se montrent douteux, comme l’égarement de deux personnages qui avaient pourtant tout en main pour rentrer au bercail ; quant à l’interrogation suprême, à savoir de retrouver nos créateurs pour les questionner, elle prend souvent la forme d’un prétexte pour nous conduire doucement à ce qui provoque la panique dans le vaisseau de Ripley du premier opus d’Alien. Mais le tableau est loin d’être noir, Prometheus regorge de moments de pur terreur, confrontant les personnages à une horreur inhumaine, viscérale et profondément répugnante. Tourné en 3D, les aspérités des dédales visités rappellent l’expérience proposée par Werner Herzog et sa Grotte des rêves perdus, quant aux salles high-tech du vaisseau Prometheus, ses écrans lumineux et holographiques offrent de magnifiques spatialisations des éléments dans le cadre.

Ce qui trouble aussi est la confrontation (relative) avec le métaphysique 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, la puissance orchestrale et la solitude intergalactique remplacées par un traitement ancré dans les codes du thriller horrifique. Il est évident que dans une telle aventure, le postulat émet des promesses et des pistes qui ne pourront pas être exploitées jusqu’au bout. La recherche du père tout puissant se montre parfois moins intéressante que les mystères derrière certains personnages et l’univers « phalico-vaginal » déjà développé auparavant. Œuvre sur les origines et la création (ou procréation), Prometheus n’est pas le chef d’oeuvre que l’on pouvait espérer mais s’avère être un solide film de science-fiction, ponctué par d’intenses séquences cauchemardesques. Un petit pas pour Ridley Scott qui, hélas, n’est pas un nouveau grand pas pour le cinéma.

3.5 étoiles

 

Prometheus

Film américain
Réalisateur : Ridley Scott
Avec : Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron, Logan Marshall-Green, Idris Elba, Sean Harris
Scénario de : Jon Spaihts, Damon Lindelof
Durée : 124 min
Genre : Science-fiction, Epouvante
Date de sortie en France : 30 mai 2012
Distributeur : Twentieth Century Fox France


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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8 commentaires

  1. ah mince, en effet, même si tes bémols ont l’air un peu modérés… sauf que ce n’est pas le film révolutionnaire qu’on nous a sur-vendu en somme ! pff… bon j’y vais quand même confiant, peut-etre demain…

  2. @Phil : hélas oui, trop d’attentes sur ce film… Hâte de découvrir ton avis.

  3. je ne sais pas encore quand j’irai le voir, j’essaie d’étudier un jour et un horaire que j’ai de dispo et en dehors des moments où les salles seront remplis de blaireaux…

  4. @Phil : ça c’est pas évident… on s’habitue au luxe des projections presse ; mais avec mon retour de Cannes, où ce n’est pas toujours le grand calme dans la salle, je suis paré contre presque tout !

  5. Qu’on l’attende ou pas, ça reste un mauvais film, à quasiment tous points de vue. On va faire simple: bons points: l’intro déroutante ( moins le mini-slip: semblerait que nos ancêtres soient très timides, même au moment de se suicider!)les visuels de la planète, l’envol et le crash du vaisseau alien. Mauvais points: pas de personnages, que des caricatures ou des pions: Charlise est MÉCHANTE, Noomi est GENTILLE ( et elle a la Foi, avec une Grande Croix, ce qui fait qu’elle est même mieux que ça: elle est MAINSTREAM comme aiment les producteurs à qui le film a coûté bonbon) ce qui donne un aspect TRÈS suspicieux au message véhiculé. Si on y ajoute la vision homo-phobique qui colore le destin funeste des deux ahuris qui s’égarent (?!) dans le vaisseau alien, on se retrouve avec un sacré background pas du tout subliminal. Le minimum de réalisme qu’on était en droit d’attendre d’un film estampillé Science-Fiction ne résiste pas au fameux: » … L’air est respirable, on peut ôter nos casques… » ! Mais ils arrivent déjà PILE là où il faut… C’est peut-être un tout petit planétoïde ? Et leur absence totale de respect/dignité/fascination pour leur découverte: ils se contentent d’être déçus ou à peine intrigués. Je passe sur la césarienne improvisée ( un poulpe! on aurait pu croire qu’ils avaient retenus la leçon principale du premier film: c’est sa beauté qui fait que l’Alien est terrifiant !) Mais fallait bien une nouvelle séance de » Face-Hugging » pour contenter les foules avides de pseudo sex-scenes ! Sinon il y a aussi la mise en scène poussive : les flash-back inutiles sur le passé de Noomi ( le vilain david – aussi grimaçant que dans « X-Men First Trash »mais c’est très subjectif !- espionne ses rêves !! Ils n’ont pas les réseaux de renseignements dont nous jouissons de nos jours, à leur époque ? Celle-là de vision futuriste utopique !). Et ce côté « je me la pète », il paraitrait que le « pipeau » du culturiste extraterrestre serait une référence à Michel-Ange… pardon! Mon esprit mal tourné l’avait automatiquement ajouté à la liste des objets contondants qui, dans ce film, s’acharnent à envahir les divers orifices de nos joyeux CosmoSchtroumpfs: mea culpa! Mais je pencherais plutôt pour Goliath que pour David, en ce qui concerne l’origine du look des Ingénieurs. Mon grain de sel personnel: l’hercule de foire qui se shoote aux acides ribonucléiques les premiers instants du film, je gage qu’il le fait sans autorisation ( vous avez vu le beau mais triste regard de cocker qu’il lance à la soucoupe amirale ? Trop craquant!). C’est sans doute pour ça qu’ils veulent nous exterzigouiller: on est comme eux mais en mieux ( la preuve: on a des Stephen Sondheim et des Kon Satoshi -entre autres bien sûr!). La suite logique de notre évolution voudrait qu’on supplante leur hégémonie au sein de la galaxie et c’est pour ça qu’ils sont colère! Après, je crois que l’un d’eux, un sénateur, va vouloir renverser la république, mais un jeune choux-fleur à bure de laine va tenter de l’en empêcher… Mais c’est une autre histoire ( pour enfants, aussi.). Passons les références lourdingues : Charlise raide comme un piquet, au détour d’un couloir, hommage à Ash… ou bien à Hannibal Lecter ?! ( mais fallait bien UNE tête d’affiche: on peut pas dire qu’ »il(s) » se soi(en)t foulé(s) pour l’intégrer utilement au « scénario ». Si ÇA c’est pas franchement clair comme positionnement commercial!); le crâne, au sommet de la « colline », c’est bien le même que celui de: » La Nouvelle Arche » dans Ulysse 31 ?! Quitte à décevoir Scott ( qui doit s’en taper grave!), ce n’est pas sur le film proprement dis qu’on s’interroge, c’est sur le ratage complet ( scénario, mise en scène, montage, élaboration des personnages…) de l’exploitation de son sujet à l’origine plein de prétentions. Là il y a matière à réflexion. Et ce qui m’apparaît comme typique de la franche médiocrité de l’entreprise, c’est que ceux qui aime ressortent mot pour mot les critiques de la presse, elle-même complètement vautrée aux pieds du réal: » Vous comprenez, c’est Ridley Scott, quand même! Si ça vous plaît pas, c’est que vous avez pas compris les VUES du MAITRE !!… Nous aussi on s’est ennuyés, mais on lui fait la grosse confiance: c’était sûrement voulu… ». En résumé: point de S-F ici, juste un petit blockbuster simpliste, mais il faut bien relancer la franchise vers de nouveaux horizons… rentables à défauts d’être artistiques.

  6. Merci pour ce commentaire bien fourni.
    C’est vrai qu’on peut disséquer le scénario et assassiner le film en conséquent, mais je pense qu’il ne faut pas être aussi exigeant, sur les personnages et leurs motivations notamment. Ca reste un film relativement court.
    Quant au coup du pipeau, c’est pas mal, je ne l’avais pas vu. Je n’aime pas trop cette vision trop cérébral/interprétative de l’analyse d’un film. Les symboles décodés sont, bien souvent, non recherchés par les cinéastes. Hier encore, je souriais face à un article des Cahiers du Cinéma à propos des limousines des films de la Sélection Officielle à Cannes 2012 (Cosmopolis, Holy Motors), qui sont des symboles érectiles et confortent alors l’idée d’une sélection « macho ». Je ne sais pas comment on arrive à écrire cela… problème de sexualité ?

  7. J’ai bien peur que ce que tu décris comme des « symboles » soient plus des « dérapages » de la part du réal qu’une simple vision subjective du film… S’il n’y avait eu que cet aspect-là, ça ne m’aurait pas empêché d’apprécier l’histoire ( d’accord ou pas d’accord avec le propos: du moment que le film est bien fait et honnête dans sa démonstration). Je prends toujours beaucoup de plaisir à regarder Contact malgré l’histoire d’amour ridicule des deux héros et malgré SURTOUT le pensum catholico-New-age moralisateur qu’on nous sert à grandes louches pendant un bon quart du film: l’action et le suspense sont maintenus tout du long et la « rencontre » avec les extraterrestres est suffisamment pleine de poésie visuelle et philosophique pour engendrer les émotions qu’on est en droit d’attendre d’un film de Science-Fiction/Anticipation ( et Ellie est un personnage qui, pour être à ce point caricaturale, n’en est pas moins rendue extrêmement crédible par l’interprétation de Jodie Foster: la pauvre Noomi n’a à aucun moment la possibilité d’être autre chose qu’une image d’Épinal).
    Point d’émotions dans Prometheus puisse que la totalité des scénettes sensées justifier la réalisation de cette pré-quelle ont été déjà vues ( et revues !) auparavant, en bien mieux réalisées d’ailleurs. Et comme en plus ça ne passe pas le test du « film d’action » ( construction aberrante de la mise-en-scène, absence TOTALE du moindre suspense -qui a été surpris de « l’attaque » du « cobra », franchement ?!- , qu’est-ce qu’il reste ? Une exercice de style prétentieux et laborieux aux effets spéciaux à un trillion de dollars qui fera les soirées fastes de M6 dans quelques mois. Et quand on sait que Scott, après avoir juré ses grands dieux qu’il n’y aurait pas de DVD Director’s Cut, annonce maintenant une version RALLONGÉE D’UNE DEMI-HEURE, on obtient là un aveu assez honnête pour le coup du ratage de l’entreprise ( et oui, LUI AUSSI il a vu son film !). La quasi-totalité des fans commentent cette annonce avec impatience sans réaliser qu’ils se tirent eux-même une balle dans le pieds en ce qui concerne la soi-disant « réussite artistique » de Prometheus ( et c’est un projectile d’un sacré calibre !).
    En effet, je dissèque, mais uniquement pour expliquer mon désappointement ( c’est quand même une « critique », pas juste « mon avis » ) car il n’est pas nécessaire d’analyser ce film en profondeur ( elle n’excède jamais quelques centimètres !) pour le trouver mauvais: l’ennui ressenti à sa projection a suffi à m’en convaincre. On a parfaitement le droit d’apprécier ce cinéma sans se prendre la tête; mais il est franchement déraisonnable de le porter aux nues comme l’a fait la presse -complètement subjective pour le coup- ( c’est Ridley Scott !!) : d’où ma critique pour le moins tranchée.

  8. En effet une version rallongée me surprend aussi, mais je ne sais pas si on peut parler de director’s cut, vu que Ridley Scott a annoncé que la version en salle est la sienne. J’y vois plutôt un argument commercial, qui ne poussera en rien le film vers le haut…

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