[Critique] La Maison à la tourelle (Eva Neymann)

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Second long métrage de l’ukrainienne Eva Neymann – mais le premier à atteindre les salles françaises –, La Maison à la tourelle dépeint le triste parcours des populations soviétiques en plein exode durant l’hiver 1944. Une œuvre touchante sur l’horreur de la guerre se répercutant sur les civils.

Exode funeste

Une femme et son fils sont à bord d’un train, probablement pour rejoindre une partie de leur famille ou fuir les zones de combat. Cette mère, c’est Katerina Golubeva, dans son ultime rôle, qui, tristement, est celui d’une mourante. Son hospitalisation provoque un temps d’arrêt où le jeune garçon, magnifiquement joué par Dmitriy Kobetskoy, se retrouve livré à lui-même dans un monde où la compassion semble évanouie. Dans ce mouvement de population, les plus grandes victimes sont probablement les enfants, qui voient leur propre condition détruite face à des situations extraordinairement dramatiques pour leur jeune âge, et c’est sur eux que se porte le regard de la réalisatrice. Son très jeune acteur déambule dans une ville désolée, divisée par ceux qui tentent de partir et ceux qui tentent de continuer à vivre, mais qui paraissent comme foudroyés sur place par l’hiver. Rejoindre l’hôpital, prévenir la famille et retourner auprès de sa mère, un véritable parcours du combattant alors qu’aucun adulte ne semble remarquer l’horreur qui frappe le garçonnet. Le cauchemar se prolongera avec le décès inéluctable de la mère, dans l’indifférence totale à l’hôpital.

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Traversé par des visages angéliques d’enfants qui errent comme des âmes en peine, La Maison à la tourelle se montre contemplatif et porte l’influence de cinéastes tels que Béla Tarr et Alexandre Sokourov. Cela tient du très beau noir et blanc, des hommes à la dérive et de la capacité du film à basculer soudainement de la réalité au songe, par l’appui sur un simple son. Pourtant, dans ce film de 80 minutes, adapté d’un roman autobiographique de Friedrich Gorenstein, des instants de flottement alourdissent le triste parcours de l’orphelin. Ce sont des plans anodins, et peut-être que le problème se tient justement dans cette position proche de grands maîtres qui donne une impression de mimétisme à la fois hésitant et trop recherché. Mais, malgré un certain manque de fermeté, la sensibilité de la réalisatrice frappe dans une poignée de scènes, que ce soit dans la façon de dépeindre la cruauté de l’insensibilité, par le prisme de l’innocence d’un enfant ou, au contraire, de faire jaillir le divin par un simple acte de bonté. Il y a notamment cette scène où le garçon nourrit un vieil homme hagard et désespéré dans un simple plan qui renverse la nature des choses. L’enfant, allongé en hauteur sur une couchette, domine l’homme affublé de vêtements de femme, et dont le regard et la gestuelle ne cessent de réclamer plus de morceaux de pain. Autre force, cet aspect énigmatique, qui ouvre aux interprétations multiples, comme la fascination pour la maison à la tourelle, vestige d’une vie normale, ou plutôt d’un désir de vie normale, balayé par une guerre qui décime autant qu’elle déshumanise.
Une oeuvre glaciale et sinistre.

3 étoiles

 

La Maison à la tourelle

maison-tourelle-afficheFilm ukrainien
Réalisatrice : Eva Neymann
Avec : Dmitriy Kobetskoy, Katerina Golubeva, Mikhail Veksler, Vitalina Bibliv
Titre original : Dom s bashenkoy
Scénario de :
Durée : 80 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 20 novembre 2013
Distributeur : A3 Distribution

Bande Annonce :

Article rédigé par Dom

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