Critique : J’veux du soleil

Quelques semaines après le début du mouvement social des gilets jaunes, Gilles Perret (L’Insoumis) et le député de la France Insoumise François Ruffin (Merci Patron!) ont pris la route pour aller à la rencontre de ceux que de nombreux médias ont qualifié d’extrémistes en quête d’anarchie et de destruction de la république. Une diabolisation honteuse, allant dans le sens d’une guerre médiatique que le groupe LREM maîtrise parfaitement. Ce documentaire tourné dans l’urgence donne à voir une chose devenue rare : des voix de françaises et français, sans filtre.

Les raisons de la colère

En quelques jours, début décembre 2018, période où Emmanuel Macron donna son premier discours suite au mouvement des gilets jaunes, Gilles Perret et François Ruffin ont rencontré des citoyens postés sur les ronds-points et aux postes de péage, du nord au sud du pays, pour saisir leur parole, leurs situations, leurs raisons de la colère. Parmi les grands maux du siècle, il y a cette absence d’empathie envers ceux qui, pour diverses raisons, n’ont pas accroché aux wagons du train de vie dingue imposé par le XXIème siècle, course folle et vertigineuse du capitalisme, dictée par les marchés financiers internationaux. La consommation comme absolu. Des modèles économiques qui, en plus de nous conduire vers la sixième extinction de masse, tuent déjà à petit feu les malchanceux et mal lotis. J’veux du soleil, qui trouve son titre par la chanson du groupe Au P’tit bonheur, donne la parole à ces personnes qui ont campé aux ronds points et péages, qui ont trouvé une vraie forme de solidarité dans l’expression de leurs maux, formant une communauté des plus défavorisés qui n’avaient plus à avoir honte seuls, dans leur morne quotidien. La misère n’a pas d’âge ni de sexe, et pourtant, malgré le climat social, l’humour est toujours présent dans les paroles qui soulignent l’absurdité du comportement de l’exécutif, notamment. Il suffit aussi du montage de quelques extraits de discours prononcés par le Président de la République pour obtenir les prémisses d’un portrait à charge : la violence des mots d’Emmanuel Macron sidère.

Perret et Ruffin poussent leur démarche jusqu’à dérouler plus en profondeur certains cas, passant du rond-point au bout de canapé. On flirte parfois avec le misérabilisme comme avec cette mère d’une famille nombreuse qui a toujours connu le fond, depuis son enfance, mais l’interlocuteur Ruffin ne recherche pas l’apitoiement. Il souligne des aberrations standardisées, ces communes dont les commerces ont disparu, ces zones commerciales à l’esthétique atroce, cette insidieuse déliquescence dans laquelle baigne la nation française. Plusieurs mois après le début du mouvement, on s’étonne de revoir certaines images qui paraissent déjà si lointaines. La plupart des sites que l’on parcoure ne sont plus occupés aujourd’hui, les gilets jaunes ayant été délogés. Désormais, chaque samedi est comme un épisode d’une série politique, avec ses bavures, ses débordements, et toujours le même dédain de l’exécutif. Jeudi 25 avril 2019, Christophe Castaner déclarait à propos de la précédente manifestation «  30.000 ce n’est pas le peuple, ce n’est pas la France » : on comprend parfaitement la logique du groupe LREM, seule l’élite, seul un échantillonnage précis compte aux yeux des plus aisés. Le Grand Débat National, mascarade chiffrée à 12 000 000 d’euros le prouve parfaitement : la majorité des participations n’ont pas été prises en compte. La devise de la République française « Liberté, Egalité, Fraternité » n’a jamais autant été bafouée qu’à notre époque.

D’aucuns critiqueront la démarche puisque François Ruffin guide et structure aussi la parole reçue, mais il n’y a pourtant aucune duperie. Naturellement très brut par ses conditions de tournage, J’veux du soleil réussit sa mission tout en ouvrant plusieurs pistes de réflexion. Comment bâtir une société où tout le monde pourrait vivre dignement ? Il serait d’ailleurs bon de voir naître, des mêmes personnes ou non, d’autres documentaires pour approfondir certaines problématiques, témoigner de l’évolution du cours des événements, de la liberté d’expression et de la liberté d’informer de plus en plus en péril. Le soleil pointe son nez, mais les beaux jours ne suffiront pas à nous extirper des ténèbres dans lesquelles s’enfonce la France. Où allons-nous ?

4 étoiles

 

J’veux du soleil

Film français
Réalisateur : Gilles Perret, François Ruffin
Durée : 76 min
Genre : Documentaire
Date de sortie en France : 2019
Distributeur : Jour2Fête

 

Article rédigé par Dom

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