[Critique] Alabama Monroe (Felix Van Groeningen)

Alabama-Monroe

Second long métrage du flamand Felix Van Groeningen, Alabama Monroe est l’adaptation cinématographique de la pièce « The Broken circle breakdown featuring the Cover-Ups of Alabama ». Derrière ce titre à la longueur écrasante, l’émouvante histoire d’un couple et de leur fille malade sous fond de bluegrass. Profondément émouvant.

La fragilité du cercle

Elise et Didier, un couple peu ordinaire. Elle ressemble à une pin-up que l’on aurait pu voir sur le fuselage d’un avion de combat américain. Tatoueuse, sa peau est devenue une véritable œuvre d’art, au fil des amants et des tatouages leur ayant été dédiés, pour se souvenir et oublier. Lui joue du banjo, rêve d’Amérique et inspire la sympathie malgré ses cheveux ébouriffés et le long bouc qui lui donnerait l’air d’un homme des cavernes s’il n’était pas sapé comme un cow-boy. Respectivement interprétés par Veerle Baetens et Johan Heldenbergh, ces deux êtres atypiques vivent un amour profond qui nous touche par la justesse du jeu, la porosité entre personnage et acteur. Mais la vie est loin d’être un long fleuve tranquille pour ce couple, leur fille Maybelle – Nell Cattrysse, aussi saisissante que les adultes – se bat contre le cancer du haut de ses sept ans. Le drame qui se joue dans Alabama Monroe tient de ce déraillement dans la vie, de la fêlure du cercle où une enfant et ses parents sont confrontés à des épreuves terribles. L’apitoiement et le pathos ne sont pas dans la ligne de mire du film, Van Groeningen obtient l’émotion dans la simplicité : le visage triste d’une mère, le rire d’une enfant, le regard hagard d’un père. Avec un montage fluide, déstructuré chronologiquement, le spectateur navigue d’un fragment de vie à l’autre avec brio, et cela n’est pas sans rappeler lors de certaines séquences le travail de Terrence Malick, notamment sur The Tree of life.

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Portant l’émotion autant qu’elle atténue la gravité de la situation, la musique est un élément primordial du film. Dider joue dans un groupe de bluegrass, courant musical proche de la country, où il a été rejoint au chant et à la guitare par Elise. C’est d’ailleurs avec le groupe sur scène que s’ouvre Alabama Monroe, dans un lent travelling avant nous rapprochant de Didier et de ses acolytes musiciens. L’importance de cette scène se découvrira plus tard, mais elle présente le détail capital de la mise en scène de Felix Van Groeningen ici : s’approcher délicatement de ses personnages ou, au contraire, s’en éloigner quand la vie semble elle-même se retirer, ou encore de balayer des étapes avec des travellings latéraux – lors d’examens de Maybelle. Il y a aussi une grande force dans l’exploitation d’ellipses, de soustraire tout superflu. D’Elise déclarant qu’elle perd les eaux aux parents contemplant leur bébé à l’hôpital, il ne s’écoule qu’une dizaine de secondes. Quelque chose de prodigieux se déroule dans ce bond temporel, entre la future mère demandant à son compagnon de rester calme et l’apparition miraculeuse d’un nouveau-né. D’un bout à l’autre du film, de très belles chansons, interprétées par les acteurs eux-mêmes, viennent relier certaines séquences, exprimer des non-dits, créer un dialogue dans le couple accablé par les tristes aléas de la vie. La musique en devient presque un refuge et un remède, présente à toute étape majeure, que ce soit pour une demande en mariage qu’un retour à la maison après une lourde chimiothérapie.

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Dans la colère qui emporte Didier et les confrontations avec Elise, Alabama Monroe révèle ses imperfections mais continue de traduire toute la fragilité du couple face à la maladie. Des remontrances personnelles à la science, tout est pointé du doigt dans un mouvement de hargne et de désespoir. Malgré quelques notes dissonantes, rares, cette œuvre reste dans un état de grâce permanent, exaltée par ses acteurs aussi touchants que la mise en scène de Van Groeningen, dans un espace où la Belgique et les Etats-Unis se marient. Une expérience cinématographique bouleversante et précieuse.

4.5 étoiles

 

Alabama Monroe

Alabama-Monroe-afficheFilm belge
Réalisateur : Felix Van Groeningen
Avec : Johan Heldenbergh, Veerle Baetens, Nell Cattrysse, Jan Bijvoet
Titre original : The Broken Circle Breakdown
Scénario de :
Durée : 111 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 28 août 2013
Distributeur : Bodega Films / Help! Distribution


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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