Critique : Acide

Pour son deuxième long-métrage, Just Philippot étend l’univers de son court-métrage Acide (2018) dans lequel Maud Wyler et Sofian Khammes fuyaient des pluies mortelles dans un film efficace, se privant de tout contexte au profit de l’action. Malgré quelques arguments positifs, cette version longue peine à séduire par ses protagonistes, ses incohérences et son rythme, au point de ne pas reconnaître l’auteur de La Nuée (2020), autre film abordant la catastrophe écologique sous l’angle de l’agriculture.

Douche froide

Une multitude de facteurs viennent peser en la défaveur d’Acide, projet pourtant alléchant à la suite du court-métrage éponyme qui donnait dans le film de survie assez intense, et aux effets visuels réussis. Cette fois, la famille que l’on suit sera contextualisée, ce qui, en soit, peut être une bonne chose, mais le père de famille campé par Guillaume Canet, Michal, inspire tout sauf de la sympathie. Nous ne sommes pas jetés sous la pluie mais dans la mêlée, entre des salariés en colère et des CRS dans une entreprise des Hauts-de-France. Après le tabassage d’un policier qui aurait révulsé tous les ministères, notre cher Michal se retrouve équipé d’un bracelet électronique – car oui, c’est Guillaume Canet, on ne va pas le mettre en prison pour si peu ! On découvre alors un père divorcé qui n’a que faire de la question climatique, au grand dam de sa fille Selma (Patience Muchenbach). Ce qui intéresse Michal, c’est de retrouver sa nouvelle compagne Karin, hospitalisée en Belgique. Interprétée par Suliane Brahim, excellente dans La Nuée, on aurait aimé la retrouver avec un rôle plus conséquent au cours de ce film, au casting complété par Laetitia Dosch, convaincante en ex-femme répondant au prénom d’Elise, et dont l’instinct de protection maternelle saisit avec brio.

Un convoi militaire de réfugiés dans Acide

Sans alourdir le scénario en explications sur le phénomène des pluies acides, des nuages vont venir envahir le nord de la France et provoquer des ravages : Michal et Elise partent en mission de sauvetage de leur fille, en excursion à cheval. On retrouve dans cette première séquence catastrophe des éléments forts du court-métrage, mais les incohérences vont se multiplier jusqu’à rompre le lien avec toute crédibilité. On passera sur le curieux détail des tenues hivernales alors qu’à quelques kilomètres, la capitale suffoque par 42 °C – vous me direz, le pays peut être coupé en deux, même à une si courte distance –, mais il sera difficile de faire abstraction de la dangerosité sélective des pluies, attaquants la chair, les tôles et toitures, mais faisant preuve de grandes précautions vis-à-vis des pneumatiques des véhicules. Et il sera constamment question de fuir à l’aide d’une automobile ou d’un camion – et oui, les pluies acides seront le plus grand cauchemar des motards, bien plus que les dispendieux passages à la pompe. Just Philippot se heurte aux mêmes soucis que M. Night Shyamalan avec Phénomènes (2008), dans lequel un vent étrange poussait au suicide. Immatériel, le vent est plus compliqué à saisir à l’image. La pluie possède des qualités cinégéniques, mais une pluie qui attaque le vivant, tout le spectre de notre quotidien, demande des moyens conséquents : le parti-pris de rester au plus près de ce trio, avec seulement quelques plans larges çà et là, permet de compenser les moyens limités mais diminue l’impact de l’élément clé de ce long-métrage. Avec sa photographie désaturée, Acide se retrouve à suivre les lieux communs du film de survie, mouvements de panique où les forces de l’ordre ou l’armée se montrent dépassés par les événements – le passage calamiteux du pont, avec une caméra épaule insupportable –, ou encore de trouver des refuges déjà habités, sources de tension. Les réminiscences de La Guerre des Mondes (2005) de Steven Spielberg ou des Fils de l’homme (2006) d’Alfonso Cuarón affectent violemment ce film, et contrairement à ces œuvres majeures, l’empathie manque à l’appel ici.

Laetitia Dosch à l'abri de la pluie dans Acide

Embourbé dans ses incohérences et par ce que dégage son protagoniste, Acide trouve un bien triste chapitre final, qui reste pourtant vecteur d’un message intéressant sur la situation actuelle. Bien que de nombreuses séquences de fuite laissent à désirer, on peut louer sa mécanique provoquant des flux migratoires aussi vastes que brusques parmi des populations alors épargnées. Des régions françaises invivables pourront donner naissance à des réfugiés climatiques dans un avenir proche : ce n’est pas de l’ordre de la fiction mais de la réalité. Alors que le gouvernement continue d’exprimer des velléités révoltantes en matière d’écologie, nous avons besoin de récits forts pour engager toute la base citoyenne, et ainsi espérer limiter le cataclysme mondial, qui frappe déjà plus ou moins nos vies, à tous. Hélas, l’acte de survie que dépeint Just Philippot se montre bien moins marquant que les actions entreprises par une jeunesse exaspérée dans Sabotage (2022) de Daniel Goldhaber. Au-delà de l’aspect écologique, voilà une nouvelle douche froide pour le cinéma fantastique français.

2 étoiles

 

Affiche du film Acide

Acide

Film français
Réalisateur : Just Philippot
Avec : Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Prudence Muchenbach, Suliane Brahim, Marie Jung, Clément Bresson
Scénario de : Yacine Badday, Just Philippot
Durée : 109 min
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie en France : 20 septembre 2023
Distributeur : Pathé

 

Photos du film Copyright BONNE PIOCHE CINÉMA, PATHÉ FILMS, UMEDIA PRODUCTION SERVICES – PHOTO LAURENT THURIN

Article rédigé par Dom

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