Critique : Je verrai toujours vos visages

Suivant le même principe que Pupille (2018), Je verrai toujours vos visages nous invite dans un univers particulier, se montrant à la fois didactique et touchant – et sans jamais verser dans le mélodrame. La justice restaurative, ou le pouvoir sacré du dialogue, entre expression et écoute. Un long-métrage captivant.

Thérapie de groupe

Fanny (Suliane Brahim) et Michel (Jean-Pierre Darroussin) terminent leur formation pour travailler comme conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Ils doivent abandonner les lieux communs, les réflexes « classiques » : ils seront confrontés à des situations douloureuses, des profils divers, qui nécessitent avant tout d’être écoutés, avec attention. Célébrant la force de l’échange et du dialogue, Je verrai toujours vos visages offre une bouffée d’oxygène incroyable en cette période marquée par un gouvernement qui, au mieux, joue la sourde oreille, mais bien souvent, défigure le sens des mots – lorsqu’il ne ment pas éhontément. Dans ce film qui nous introduit dans un univers associatif singulier et salvateur, nous suivrons en parallèle deux type de médiation, une en groupe où des victimes de divers crimes (braquage, vol à l’arraché) feront face à des criminels écroués pour le même type de délit – mais bien entendu, aucun n’est leur agresseur. Le but, se libérer, des deux cotés. Parler, comprendre, échanger, et tisser des liens qui, à première vue, seraient tout simplement impossibles. L’autre affaire concerne un crime au cœur d’une famille : Chloé (Adèle Exarchopoulos) a été violée à plusieurs reprises par son demi-frère aîné alors qu’elle n’était qu’une enfant. Elle désire alors lors de sa sortie de prison le rencontrer volontairement au travers de ce dispositif de médiation afin de lui poser des questions et aussi, faire en sorte qu’ils ne se croiseront pas en ville.

Au-delà de l’originalité du sujet, Jeanne Herry mise sur un dispositif simple en termes de mise en scène, qui favorise le plan fixe, sublimant justement tous ces visages. Tout repose alors sur la présence et les dialogues confiés à une troupe de comédiens fabuleuse, où l’on trouve également Elodie Bouchez, Leïla Bekhti, Dali Benssalah, Gilles Lellouche, Miou-Miou, Birane Ba, Fred Testot ou encore Denis Podalydès. À chaque échange, il se produit quelque chose de fort, et les clichés que l’on pourrait envisager au début du film deviennent rapidement de lointains mirages. L’émotion est omniprésente en limitant l’espace accordé à une bande originale qui aurait pu faire tomber le film dans le mélodrame. La caméra épaule si prisée aujourd’hui pour surligner l’émotion est presque proscrite. Il y a ici une confiance totale en un récit, des comédiens et un montage simple mais rigoureux. Résolument moins fort quand le film nous invite dans le quotidien de ces personnes qui œuvrent pour le bien des autres, l’humanité de Je verrai toujours vos visages gomme les moindres lacunes. Derrière ces échanges, parfois durs et douloureux, il y a la démonstration que c’est bel et bien le dialogue qui fait de nous une société, dans le sens le plus noble du terme.

Photos du film Copyright Christophe Brachet – 2022 – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – TRESOR FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 3 CINEMA