Critique : Office

Johnnie To s’écarte des polars et thrillers qui ont fait sa renommée avec Office, une comédie musicale sur le monde de l’entreprise sous fond de crise des subprimes. Un geste audacieux mais pas vraiment abouti.

Chantons sous la crise

A 60 ans – le film ayant été réalisé en 2015 –, Johnnie To réussit à nous surprendre en adaptant la pièce Design for Living de Sylvia Chang, qui campe le personnage de Winnie Chang, à la tête de la multinationale Jones & Sunn. Une société qui s’apprête à entrer en bourse alors que la crise des subprimes allait secouer le monde en 2007. Office, une comédie musicale tournée exclusivement en studio, dans des décors en apparence épurés mais complexes, tout en lignes droites et quadrillages, rappelant avec une direction artistique différente le travail de Lars Von Trier avec Dogville et Manderlay. Avec ce procédé sans cloisonnement, chaque lieu s’étend dans toute la profondeur d’image, et d’ailleurs, c’est en 3D que le film sera exploité dans certaines salles. Dans ce contexte particulier, à la fois rétro, futuriste et industriel, le cinéaste hongkongais déplace sa caméra avec aisance parmi les employés prêts à tout pour réussir au sein de leur chère entreprise. C’est avec deux recrues en période d’essai que nous entrons dans ce monde en chanson, Kat Ho (Lang Yueting) et Lee Xiang (Wang Ziyi). D’emblée, si la musique aux sonorités artificielles est loin de charmer, une énergie se dégage de cette entreprise singulière, et au jeu de l’ascension sociale, il y a forcément une chute qui attend au tournant – mais pour qui et comment ?

Envisageant une romance entre les deux jeunes recrues, Office étend son regard sur plusieurs employés et s’invite dans la sphère privée, liée à la sphère professionnelle, par envie ou par fatalité. La frontière est poreuse, et la direction artistique permet d’envelopper ces deux univers sans aucune rupture de style. Si le film procède à une critique de la société chinoise et du monde de l’entreprise sur un ton jovial, la prise de position reste très sage : nous savons très bien ce qui advient des artistes critiquant ouvertement le régime chinois, d’où une intrigue également située à Hong Kong. Si le pouvoir de séduction d’Office grandit au fil de ses morceaux musicaux, qui prennent leur envol après les deux premiers numéros, le long métrage atteint ses limites à mi-parcours. En s’éloignant quelque peu de ses deux jeunes figures pour se pencher sur les agissements de l’insatiable David (Chan Eason) et de la comptable Sophie (Tang Wei), le film change de dynamique sans renforcer son propos ni son analyse sociétale. Quelque part, le fond et la forme finissent par se parasiter avec des accents de soap de mauvais goût, bien que le casting, impeccable, permet à Johnnie To de ne jamais perdre pied totalement. Aussi, le dernier acte retrouve un certain éclat, permettant de sauver les meubles in extremis dans cet exercice audacieux, celui de marier les travers du monde de l’entreprise avec la générosité propre à un genre qui se détourne systématiquement du cynisme, cœur même de la finance.

2.5 étoiles

 

Office

Film hongkongais
Réalisateur : Johnnie To
Avec : Lang Yueting, Wang Ziyi, Tang Wei, Chow Yun-Fat, Sylvia Chang, Eason Chan, Wallace Chung
Titre original : Hua li shang ban zu
Scénario de : Sylvia Chang
Durée : 119 min
Genre : Comédie musicale, Romance
Date de sortie en France : 8 août 2017
Distributeur : Carlotta Films

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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