Andreï Tarkovski nous aura laissé sept long métrages et quelques ouvrages passionnants. Il n’était pas simplement un des plus grands cinéastes russes, il était l’un des plus grands réalisateurs au monde. Aujourd’hui sort dans une nouvelle édition son journal, allant de 1970 à l’année de sa disparition, 1986. Un ouvrage passionnant et indispensable.
Le Martyrologe
Le Martyrologe, comme l’appelait Andreï Tarkovski, est un journal qu’il a tenu de 1970 jusqu’à sa mort en 1986. Dedans, il s’y confiait pleinement, en tant qu’artiste et père de famille, en tant que cinéaste porté vers un absolu. Après deux éditions des Cahiers du Cinéma, voici une édition définitive, publiée aux éditions Philippe Rey. Cette édition comprend des pages inédites absentes de la première édition tout en rétablissant les écrits de Larissa, la femme de Tarkovski, qui prît le relais pour écrire alors que le cinéaste était trop faible pour continuer en 1986.
Cet ouvrage qui débute le 30 avril 1970 à Moscou nous plonge dans l’intimité du réalisateur russe à quelques mois de la sortie de son chef d’œuvre Andreï Roublev (photogramme ci-dessus), alors qu’il prépare (dans la difficulté à cause du Goskino) Solaris et qu’il pense déjà à l’inouï Le Miroir – qui porte alors pour titre Une journée blanche. C’est l’année où il aura son deuxième enfant avec sa seconde femme, Larissa, l’année où il fera l’acquisition d’une maison à Miasnoié et qui brûlera cette même année – on pense alors à l’incroyable fin de son ultime film, Le Sacrifice. Ces précieuses lignes, parfois accompagnées de dessins et croquis, lèvent tout voile sur la pensée et le travail d’Andreï Tarkovski. On pourra s’étonner de le voir parfois très dur avec ses compères, comme Claude Lelouch ou Luis Buñuel, mais aussi passionné et émerveillé par certaines œuvres, comme Le jeu des perles de verre de Hermann Hesse ou les écrits de Thomas Mann. On sait que Tarkovski a toujours travaillé dans la difficulté, que ses œuvres sont le fruit de compromis et bras de fer avec les autorités soviétiques, mais ici, grâce à ce journal, on prend pleinement conscience de la réalité de ces difficultés qui réduisirent inéluctablement la vision géniale de ce réalisateur d’exception.
Exposant sa vision du monde, sa philosophie, avec un style direct mais captivant, Tarkovski prouve qu’il a vécu dans une droiture spirituelle rare. Jamais l’argent n’aura été une motivation dans son travail de cinéaste. Un homme en quête d’un idéal, spirituellement et artistiquement, sa vie et son œuvre étant étroitement liées : d’où la force incroyable de cet ouvrage qui s’inscrit directement dans la lignée de ses films ou bien encore du génial livre Le Temps Scellé.
Sur plus de 500 pages, Journal 1970 – 1986, nous plonge dans le quotidien d’un homme unique, cinéaste d’exception qui continue et continuera toujours d’inspirer et influencer les plus grands. Tout simplement indispensable pour tout cinéphile.
A noter que ressortiront cet été les cinq films russes de Tarkovski en versions restaurées et suivra un nouveau coffret aux éditions Potemkine.
Journal 1970 – 1986 d’Andreï Tarkovski, éditions Philippe Rey, 29€.
Très intéressant !
Je me le note !
Merci beaucoup de la découverte