Critique : La loi de la jungle

Deuxième long métrage d’Antonin Peretjatko, La loi de la jungle envoie Vimala Pons et Vincent Macaigne au milieu de la jungle guyanaise pour une comédie burlesque, déjantée et loin d’être vaine. Bien que l’intensité soit inégale d’un bout à l’autre, Peretjatko continue de se forger un nom dans le paysage du cinéma français.

Génération creux de la vague

C’est perdus dans une jungle guyanaise aussi hostile que drôle que le constat amer tombe, Marc Châtaigne et Tarzan, respectivement joués par Vincent Macaigne et Vimala Pons, trentenaires stagiaires, réalisent qu’ils font partie d’une triste génération, celle du creux de la vague. C’est à la fois amusant et triste de voir des stagiaires aussi âgés, mûrs, une sorte d’aberration qui, hélas, reflète bien notre époque. C’est pour un projet du Ministère de la Norme que Marc se retrouve propulsé en Guyane, afin de valider le projet loufoque « Guyaneige », censé apporter une piste de ski au beau milieu de la jungle et montrer ainsi la toute puissance française. Poursuivi par un huissier de justice aussi détestable que coriace, Marc et son esprit consciencieux se heurtent à la détermination et à la frivolité excentrique des deux hommes derrière le projet de construction, campés par Mathieu Amalric et Pascal Légitimus. La génération creux de la vague, c’est celle qui écoute les ordres dans un système technocrate complètement pourri, un système politique si déconnecté des réalités qu’il a provoqué une brisure générationnelle. Triste réalité que le réalisateur Antonin Peretjatko aborde avec l’axe de la comédie débridée, éprise de liberté : certains rapprochent le cinéaste de la mouvance de la Nouvelle Vague et ils ont bien raison, car c’est avec une envie de cinéma total, libre et dégagés des normes – justement –, que Peretjatko a conçu La Loi de la jungle. En somme, ce cinéaste est un doux révolutionnaire, que ce soit sur le plan politique que cinématographique.

loi-jungle-amalric-macaigne

Dans sa tâche délicate et pipée, Marc tombe sur Tarzan, une autre stagiaire à la conscience écologique, et avec laquelle, malgré la relation de travail flirtant avec le conflit au départ, il vivra une grande aventure rocambolesque. Tout comme dans La Fille du 14 juillet, Vincent Macaigne et Vimala Pons servent de moteur au récit : une fois l’intrigue lancée, c’est sur leur talent à s’approprier le texte et les situations absurdes que tourne le long métrage. Séparés, ces deux comédiens qui grimpent passionnent ; réunis, ils touchent au génie. Déjà, dans le registre du burlesque, leurs corps, aux caractéristiques opposés, créent ce contraste que Peretjatko manie avec brio, en se détournant souvent de l’opposition pour chercher le comique au travers de l’union. Il y a notamment une scène de combat assez géniale, parodiant le cinéma d’action, mais aussi une scène de résistance à la pulsion sexuelle proche de la torture (sous un mode humoristique, bien entendu) qui les rassemblent et assemblent. Dire que le film tient sur leurs épaules serait se méprendre, mais dire que le film aurait cet impact avec un autre couple de comédiens, peu importe lesquels, serait se méprendre d’autant plus grandement.

loi-jungle-pons-macaigne

Le reproche que l’on peut tenir à Peretjatko tient d’un problème de rythme, La loi de la jungle offrant une telle intensité comique dans sa première demie-heure que la suite semble s’embourber dans la jungle, disposant de moins de ressorts humoristiques, bien que les trouvailles soient toujours originales et plaisantes. L’introduction des personnages loufoques de guérilleros de pacotille apparaît aussi comme une impasse, du moins, comme une errance dans le récit, bien qu’ils permettent de nourrir le propos générationnel de cette comédie. Si l’on se délecte moins de la seconde partie du film, La Loi de la jungle s’établit ne serait-ce que par son originalité, son esprit et son duo central comme une œuvre tout à fait séduisante : ne boudons pas notre plaisir face à cette délirante excursion.

3 étoiles

 

loi-jungle-affiche

La Loi de la jungle

Film français
Réalisateur : Antonin Peretjatko
Avec : Vimala Pons, Vincent Macaigne, Mathieu Amalric, Pascal Légitimus, Jean-Luc Bideau, Fred Tousch, Rodolphe Pauly
Scénario de : , Frédéric Ciriez
Durée : 99 mn
Genre : Comédie
Date de sortie en France : 15 juin 2016
Distributeur : Haut et Court

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

Partagez cet article avec vos amis ou votre communauté :

Twitter Facebook Google Plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Comments links could be nofollow free.

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Avant de publier un commentaire, vous devez lire et approuver notre politique de confidentialité.