[Critique] Carnage (Roman Polanski)

The Ghost Writer, le précédent film de Roman Polanski, avait été achevé dans des conditions difficiles : confiné dans son chalet en Suisse, le cinéaste polonais risquait l’extradition aux Etats-Unis où une ancienne affaire de viol sur mineure aurait pu le conduire directement derrière les barreaux. Après avoir passé plusieurs mois enfermé, il est surprenant de voir Polanski livrer un huis clos se déroulant dans un appartement new-yorkais, adapté de la pièce « Le Dieu du Carnage » de Yasmina Reza. A moins que le réalisateur de Chinatown ait souhaité se venger mesquinement de ses déboires avec les Etats-Unis.

Cause toujours

Dans un parc, des enfants se chamaillent et l’un d’eux prend un mauvais coup. Résultat : une lèvre enflée et deux dents prématurément abandonnées à la petite souris. Voici pourquoi les parents de Zachary – l’agresseur –, interprétés par Christoph Waltz et Kate Winslet, sont contraints de rencontrer à leur domicile les parents du petit Ethan, joués par John C. Reilly et Jodie Foster. La cordialité et la diplomatie mises en avant vont peu à peu disparaître au fur et à mesure que la tension grimpe entre les deux couples, jusqu’à séparer les quatre adultes et configurer dans l’instabilité de nouveaux duo, fragiles comme le cristal. Difficile de tenir dans un même lieu des personnages qui, dans l’absolu, ne peuvent être réduits au confinement ; Carnage se résume souvent au pur exercice de style dans lequel quatre acteurs renommés peinent à crédibiliser leurs personnages dans l’immobilité, à la fois spatiale et narrative. Dans leur volonté de défendre leurs rejetons tout en organisant une rencontre entre ses derniers afin qu’ils se réconcilient, les adultes s’exposent et dévoilent leurs petits vices des plus triviaux. C’est un carnage modéré qui se déroule, aussi vain et banal que les classes supérieures représentées ici – les grands acteurs employés par Polanski se retrouvent eux-mêmes réduits par le manque de substance à exploiter.

Le tableau n’est pas entièrement noir, certaines séquences sont assez croustillantes, notamment grâce à une mise en scène assez habile dans son exploitation de l’appartement des Longstreet. Au-delà du découpage judicieux, la plupart des étincelles – quelques mots déplacés, un comportement jugé désinvolte et une nausée – parviennent sans mal à décrocher un sourire au spectateur condamné à suivre cette sage querelle aux aboutissants si limités. En contrepartie, des séquences complètes touchent au ridicule par leur frontalité – les sanglots et crises de nerfs. D’aucuns pourront défendre la démarche de Roman Polanski, mettant en exergue le paradoxe de duplicité et l’inconséquence d’une certaine classe sociale mais c’est un sentiment d’inachevé qui prend le spectateur au terme de cette tragi-comédie mécanique, bien trop centrée sur le déraillement des individus pour trouver une dynamique efficace. Carnage tient de ces huis clos phagocytés par le manque de relief de leur propre concept, une tare qu’aucun acteur (ni réalisateur) n’est capable de combler sur d’autres plans. Bavard pour peu, court mais difficile à avaler, le nouveau film de Roman Polanski ne fera pas date dans sa filmographie.

2.5 étoiles

 

Carnage

Film français, espagnol, polonais, allemand
Réalisateur : Roman Polanski
Avec : Jodie Foster, Kate Winslet, John C. Reilly, Christoph Waltz
Scénario de : Yasmina Reza, Roman Polanski
Durée : 80 min
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie en France : 7 décembre 2011
Distributeur : Wild Bunch Distribution

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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Un commentaire

  1. On est très très loin de The Ghost Writer !

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