Dimanche 24 mai, le 68ème Festival de Cannes s’est achevé avec un palmarès en partie surprenant. Retour sur les primés de la compétition officielle. Photo ci-dessus © Getty Images.
Palmarès 2015 de la Compétition
Palme d’or
DHEEPAN réalisé par Jacques AUDIARD
Grand Prix
SAUL FIA (LE FILS DE SAUL) réalisé par László NEMES
Prix de la mise en scène
HOU Hsiao-Hsien pour NIE YINNIANG (THE ASSASSIN)
Prix du scénario
Michel FRANCO pour CHRONIC
Prix d’interprétation féminine Ex-aequo
Emmanuelle BERCOT dans MON ROI réalisé par MAÏWENN
Rooney MARA dans CAROL réalisé par Todd HAYNES
Prix d’interprétation masculine
Vincent LINDON dans LA LOI DU MARCHÉ Réalisé par Stéphane BRIZÉ
Prix du jury
THE LOBSTER réalisé par Yorgos LANTHIMOS
Palme d’or du court métrage
WAVES ’98 réalisé par Ely DAGHER

Kalieaswari Srinivasan, Jacques Audiard, Jesuthasan Antonythasa – Palme d’or – Dheepan © AFP Valery Hache
Le jury présidé par les frères Coen aura donc sacré Jacques Audiard avec Dheepan. On reçoit rarement la Palme d’or (ou l’Oscar) pour son meilleur film, et Audiard ne fait pas exception à la règle. Si ce drame sur une fausse famille de réfugiés sri-lankais qui atterrissent dans une banlieue chaude en France séduit réellement sur son versant social et dramatique, constituant la majeure partie de ce long métrage, le dernier quart d’heure sombre dans une violence aussi incohérente que douteuse. Au nom du thriller, Dheepan sacrifie son magnifique regard sur l’immigration, sur cette capacité d’adaptation dont peut faire preuve l’homme pour survivre, sa capacité à apprendre et aussi à aimer. Cela peut paraître candide ainsi présenté mais Dheepan est une œuvre aux qualités réelles, gâchées par un final brutal et aberrant. Le jury aurait été emporté par cette histoire. Moi aussi, mais qu’en est-il de ces dernières minutes rompant les ponts avec la réalité ? Mystère. Une Palme faible donc, mais qui heureusement, échappe à Sorrentino, sans aucun prix au final. D’ailleurs, l’Italie repart les mains vides malgré deux belles œuvres, Mia Madre de Moretti et Tale of tales de Garrone. Il faut bien des absents dans un palmarès, mais c’est toujours regrettable lorsque certains ont offert un cinéma bien plus abouti que le palmé !
Découvert le matin de clôture, Le Fils de Saul m’a littéralement soufflé dans son plongeon anxiogène dans un camp de la mort au travers du regard d’un unique personnage, membre d’un sonderkommando. Mise en scène radicale, travail exceptionnel sur le son, témoignage inédit sur le fonctionnement des chambres à gaz, le film de László Nemes ne vole pas son Grand Prix – il aurait même pu décrocher la palme, mais promis, j’arrête de revenir sur Dheepan ! Côté mise en scène, comme indiqué dans mes pronostics, tout se jouait entre Denis Villeneuve, Justin Kurzel et Matteo Garrone – j’avais omis Hou Hsiao-Hsien car je voyais plutôt The Assassin sur le Grand Prix. Bref, parmi les quatre réalisateurs les plus inspirés, Hou Hsiao-Hsien et son beau récit digressif dans la Chine du IXe siècle a donc gagné l’adhérence du jury. Je m’absente de commenter le prix du scénario remis à Michel Franco puisque je n’ai pas vu son film.

Emmanuelle Bercot – Prix d’interpretation féminine ex-aequo – Mon Roi © AFP Anne-Christine Poujoulat
Emmanuelle Bercot a décroché son prix d’interprétation si mérité pour son rôle dans Mon Roi. Remarquable d’un bout à l’autre de cette aventure sentimentale tumultueuse, la comédienne a rarement été aussi saisissante. Elle partage le prix avec une lauréate inattendue, Rooney Mara, qui donne la réplique à Cate Blanchett dans Carol. Certes, la jeune comédienne montre un jeu solide avec sa mine de poupée triste dans une histoire d’amour homosexuelle impossible à vivre, mais s’il fallait trancher entre l’actrice française et l’américaine, le choix me semblait évident. Chez les hommes, c’est Vincent Lindon qui est récompensé pour son rôle de licencié économique dans La Loi du marché. Si ma préférence allait vers Michael Fassbender pour sa performance dans Macbeth, le comédien français permet au film de Stéphane Brizé de trouver l’équilibre pour aborder avec justesse de délicates scènes de confrontations orales.
Découvert quelques minutes avant la cérémonie, The Lobster reçoit le prix du jury. La comédie dystopique et dichotomique sur les relations amoureuses que compose Yorgos Lanthimos est d’une originalité folle et maligne. Bien de voir récompensée un peu la fantaisie dans un palmarès qui célèbre la présence dominante du cinéma social, même pour la palme d’or du court métrage avec l’expérimental Waves ’98, qui aura donc eu raison du délirant et génial Le Repas dominical. Désormais, il faudra voir la vie en salle de ces films, mais aussi des beaux oubliés Louder than bombs – un mal aimé qui je pense, sera réévalué à sa sortie –, Mountains may depart, Sicario, Macbeth, Tale of tales et Mia Madre.
Autres prix notables :
Palme d’honneur à Agnès Varda
Prix du jury œcuménique : Mia Madre
Caméra d’or : La Tierra y la sombra
Queer Palm : Carol
Palmarès Un Certain Regard
Palmarès de la Cinéfondation
Palmarès de la Quinzaine des réalisateurs
Palmarès de la Semaine de la critique
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L’expérience prime toujours ! Vincent Lindon, mon acteur préféré a reçu le prix d’interprétation masculine et je l’en félicite.