Critique : Vortex

Le nouveau long métrage de Gaspar Noé, baptisé Vortex, vise à explorer la fin de vie au travers d’un couple d’octogénaires frappé par la maladie. Cinéaste du choc et du sensoriel, Noé manque ici le coche dans un film interminable, trouvant ses limites dans son propre dispositif et une narration balisée.

Processus irréversible

Un générique déroulant, une caméra aérienne qui descend sur un appartement : pas de doute, nous sommes bien devant le nouveau film de Gaspar Noé, qui montre peut-être toute sa force et sa beauté dans ses premiers instants, notamment lorsque Françoise Hardy chante, seule sur l’étendue non morcelée de l’écran « Mon amie la rose ». Pourtant, dès le réveil du couple d’octogénaires, composé par Françoise Lebrun – comédienne admirée par Gaspar Noé avec La Maman et la putain, et qui se montre incroyable ici – et de Dario Argento – si la figure de proue du giallo se montre charismatique, son jeu trouve toutes ses limites dans les scènes les plus dramatiques –, un élément redondant dans le cinéma de Noé commence à contaminer le film : la lourdeur, le trait grossier. A la radio, l’émission qui les sort du lit conjugal parle du deuil, tandis que le split screen qui habitera presque tout le film a séparé les deux êtres encore au lit. Dès lors, nous suivrons les déambulations de l’une et de l’autre presque en temps réel, car de nombreuses actions subissent des ellipses et coupes discrètes qui, fondamentalement, vont à l’encontre de la démarche qui s’est imposée au cinéaste dans ce nouveau film lancé à partir de peu d’éléments, comme Love (2015). On peut saluer cette capacité à se lancer dans des projets cinématographiques avec une base de travail minimale, mais si d’aucuns voient ici le film de la maturité du cinéaste franco-argentin, Vortex apparaît comme un film fragile et claudiquant, qui aurait gagné à être peaufiné sur de nombreux points qui tiennent autant du montage que du scénario.

Bien que les films s’intéressant aux plus âgés soient relativement rares, Vortex s’apparente directement à Amour de Michael Haneke, récompensé de la Palme d’Or en 2012. On y retrouve ce triangle entre le couple âgé et leur fille, ici, un fils joué par Alex Lutz, et cette nécessité d’affronter si soudainement la maladie mentale, de voir avec effroi un être devenir autre, étranger à son propre monde et son propre passé – sur ce plan, on ne pourra cesser de saluer le tour de force The Father (2020) de Florian Zeller. La volonté d’imposer de longues séquences minimalistes et répétitives convoque un autre long métrage, Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce 1080 Bruxelles (1975) de Chantal Akerman. Seulement, dans ce film porté par Delphine Seyrig, cette langueur et ce quotidien répété conduisent à un événement qui en font une expérience de cinéma unique et bouleversante. Vieillir est un processus irréversible, aux altérations multiples. Avec Vortex, Noé nous impose une déliquescence orchestrée dès le départ, qui suit un programme où l’on retrouve encore une grande obsession du cinéaste, la drogue, celle illégale et de la rue avec le fils, et celle des géants pharmaceutiques avec les produits qu’ingurgitent les parents. Aucune subtilité dans l’emploi de cet élément, tout comme avec la psyché et la psychiatrie qui occupent un espace important des dialogues, comme souvent peu inspirés.

Toujours accompagné par le chef opérateur Benoît Debie, Gaspar Noé livre un film à la lumière stylisée avec plus de subtilité – et c’est probablement le seul point où l’on trouve d’intéressantes nuances –, malgré l’insistance sur une dichotomie rouge/jaune entre ses deux cadres qui séparent et parfois recoupent le quotidien de ces retraités. Plus incarné que le vain Lux Æterna (2019), Vortex touche au chemin de croix par sa frontalité indigeste et ses 152 minutes au compteur, là où un cinéaste comme Alexandre Sokourov donne dans la plus pure poésie avec un film comme Mère et fils (1997), où l’on suit tout simplement les derniers jours d’une femme mourante accompagnée par son fils. Indubitable chantre du bad trip et des expériences les plus ténébreuses, Gaspar Noé rate son excursion dans un cinéma affrontant la plus commune des fatalités.

2 étoiles

 

Vortex

Film belge, français
Réalisateur : Gaspar Noé
Avec : François Lebrun, Dario Argento, Alex Lutz
Scénario de : Gaspar Noé
Durée : 152 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 13 avril 2022
Distributeur : Wild Bunch Distribution

 

Photos du film Copyright Wild Bunch Distribution

Article rédigé par Dom

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