Critique : Suspiria

Remake du giallo Suspiria de Dario Argento, cette nouvelle version signée Luca Guadagnino veut imposer une autre vision à l’univers du film culte des années 70. On peut dire que c’est un pari réussi puisque ce nouveau long métrage est loin de l’expérience cinématographique qui marque l’esprit : nous voilà en présence d’un long et pénible râle d’agonie, qui a l’indécence de s’étendre sur 152 minutes !

Soupirs, il y a…

Dans le premier Suspiria, une jeune américaine (jouée par Jessica Harper) intégrait une école de danse à Fribourg, école dirigée par des sorcières réservant un sort particulier à leurs élèves les plus douées. Dès son arrivée, le mystère était planté avec le départ en panique – et la mort horrible – de Patricia. L’intrigue de la version de Luca Guadagnino, au scénario signé David Kajganich, est sensiblement la même, mais en déplaçant le récit dans le Berlin des années 70. Lors de sa fuite, Patricia se confit à un psychiatre, le Docteur Josef Klemperer, tandis que la jeune Susie Bannion, jouée par Dakota Johnson, entre dans la fameuse compagnie de danse où elle découvrira la véritable nature des femmes qui la dirigent. Le film de Dario Argento souffre un peu du temps qui passe, par sa structure narrative déséquilibrée et des effets parfois désuets – oh, me voilà attaquée par une chauve souris en peluche, à l’aide ! Il reste un film important dans le cinéma d’horreur pour son esthétique fabuleuse, ce jeu sur les couleurs et son ambiance marquée par la musique oppressante de Goblin. La version 2018 reprend les grandes lignes narratives pour y greffer des éléments qui alourdissent le récit, transformant le film en objet prétentieux et souvent ridicule : spectre de l’Allemagne nazie et la bande à Baader sont conviées à ce ballet assommant par son manque d’énergie, ses tunnels de dialogues, et un emploi d’effets horrifiques complètement désuets bien qu’à l’opposée des standards actuels.

De l’univers rutilant du premier film, il n’y a plus rien, car il y avait une volonté d’aller ailleurs. Et visiblement, c’est ailleurs n’est pas loin d’un épisode d’Inspecteur Derrick avec ses teintes brunes et grisâtres qui dominent. Non pas que la photographie du film soit ratée, loin de là, mais la palette chromatique choisie a la saveur de la déprime hivernale, accentuée par une bande originale en inadéquation totale avec le film de Thom Yorke, hormis sur certaines scènes clés. Des scènes clés qui s’avèrent rares, et plutôt axées autour de la danse – élément finalement très peu présent chez Dario Argento. Et pourtant encore une fois, les choix au montage et de mise en scène de Luca Guadagnino peuvent être questionnés : jamais le spectateur n’est vraiment confiné dans cet antre comme l’est Susie, jamais le suspense n’est généré, il n’y a pas la moindre tension. L’ennui se subtilise à l’effroi et seule Tilda Swinton apporte une touche de magnétisme en livrant encore une performance surprenante – et dont je ne dévoilerai rien de plus pour les braves qui se perdront face à ce film.

En cherchant un ancrage politique sur plusieurs tableaux, Suspiria noie sa simplicité originelle dans des thématiques entrevues sans subtilité. D’ailleurs, c’est un des soucis principaux du film, qui se constate dès la première scène avec son caractère démesurément démonstratif. Tout y est alourdit, tout élément narratif prend une pesanteur phénoménale au point de devenir un vrai petit supplice. La grâce et l’explosivité que cherche Madame Blanc (Swinton) chez Susie n’existent en aucun cas dans le film, et sûrement pas dans les séquences cut qui ponctuent les chapitres d’images vraisemblablement pensées pour perturber certains spectateurs. Qu’on ne s’y trompe pas, Guadagnino n’invente rien et pioche chez les grands pour toute son imagerie. Lors de son acte final, le cinéaste se vautre dans le kitsch absolu, pour mener à un épilogue plus simple et paradoxalement plus fort. Dans le cinéma horrifique, rares sont les remakes qui transcendent l’œuvre originale. On peut citer The Thing de John Carpenter, lui même bafoué récemment par une fausse préquelle avec The Thing par Matthijs van Heijningen. Cessons un peu de triturer les œuvres cultes du passé, le cinéma d’horreur n’a pas besoin que l’on rejoue ainsi ses plus belles danses macabres. Soupirs, il y a…

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Suspiria

Film italien, américain
Réalisateur : Luca Guadagnino
Avec : Dakota Johnson, Tilda Swinton, Doris Hick, Mia Goth, Angela Winkler, Chloë Grace Moretz, Sylvie Testud
Scénario de : David Kajganich, d’après des personnages de Dario Argento et Daria Nicolodi
Durée : 152 min
Genre : Horreur, Drame
Date de sortie en France : 14 novembre 2018
Distributeur : Metropolitan FilmExport

 

Article rédigé par Dom

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