[Critique] L’Ecume des jours (Michel Gondry)

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L’adaptation de L’Ecume des jours par Michel Gondry semblait comme une évidence. Le quotidien surréaliste du roman de Boris Vian nécessitait l’intervention d’un réalisateur inventif, maîtrisant la métamorphose du réel en univers onirique. Malheureusement, c’est la verve de Gondry qui va nuire à une grande partie de ce film fidèle à l’œuvre d’origine.

L’écueil du clip

Après deux longs métrages diamétralement opposés aux Etats-Unis – la machine de studio The Green Hornet à l’Ouest, le film d’auteur The We and the I à l’Est –, Michel Gondry revient dans l’hexagone pour transposer Vian sur grand écran. Réalisateur de clips au talent remarquable, Gondry avait déjà présenté dans ses précédents longs métrages des éléments s’accordant avec le ton et le style de L’Ecume des jours. L’onirisme bricoleur de La Science des rêves, la mélancolie enchantée de Eternal Sunshine of the spotless mind et la débrouille cinéphile sous fond de jazz de Soyez sympas rembobinez se relaient dans l’histoire d’amour entre Colin (Romain Duris) et Chloé (Audrey Tautou), deux êtres candides, dont l’existence paisible sera troublée par la maladie. Il suffit de quelques minutes pour comprendre que la douce euphorie du roman ne sera pas retrouvée à l’écran, les scènes composées par Gondry se montrent bien trop hétérogènes, perdant toute vitalité sous le poids du surnombre d’effets. Gondry joue avec les perspectives pour donner vie à la souris de Colin, joué par un homme costumé, un procédé charmant, mais qui isole le rongeur, jamais réellement dans la scène – et d’autant plus lorsqu’il est projeté sur les murs. L’Ecume des jours montre également un problème de focalisation sur des détails qui devraient s’intégrer à des plans d’ensemble alors qu’ils sollicitent ici gros plans et inserts. Cette méthode de découpage des scènes a pour conséquence directe de donner l’impression de regarder un vaste clip, où chaque scène devient prétexte à un étalage de l’imagination débordante de Gondry, délaissant les personnages. Quelque part, les expérimentations produites pour les White Stripes et Björk surviennent pour phagocyter le récit, trop abondantes et insérées maladroitement – les plans en stop motion, les variations de vitesse qui s’invitent brusquement créent le trouble.

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Dans L’Ecume des jours, le monde de l’enfance s’effondre littéralement lors de la transition vers l’âge adulte, où le travail et les responsabilités s’avèrent inévitables. Les objets, vivants, liés aux affects des personnages, subissent les mêmes épreuves que leur détenteur. Une réplique va même jusqu’à déclarer que ce sont les objets qui changent, pas les gens. Les réflexions philosophiques, propres au développement intellectuel adulte, sont tournées en dérision au travers de Jean-Sol Partre, obsession morbide de Chick comparable à une drogue – idée concrétisée avec une substance hallucinogène au nom de l’écrivain. Mais si l’essence de l »œuvre de Boris Vian est bien présente, le grain de folie qui crée l’émerveillement dans le roman est devenu un foutoir peu séduisant. Il faut tout de même avouer que dans la première heure du film, certaines scènes confinent merveilleusement à la féerie – le mariage, la découverte du pianocktail –, tandis que d’autres épisodes clés s’avèrent ratés – la première sortie de Colin et Chloé, la danse du biglemoi. Question casting, le duo Romain Duris/Audrey Tautou se montre plaisant, animé par une belle fougue. Parfait dans le rôle de Chick, Gad Elmaleh est probablement l’acteur le plus épatant de cette aventure, où Omar Sy, dans le rôle du fidèle cuisinier Nicolas, surprend à ne pas être à la hauteur dans chaque scène.

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Lors du virage vers le versant mélancolique de l’histoire, Gondry adoucit son style, maîtrisant ses effets, et le film prend enfin son envol. La tourmente frappant les protagonistes lance l’appel d’une désaturation des couleurs qui plongera L’Ecume des jours dans un funeste noir et blanc. La grande réussite de ces derniers segments, bien plus uniformes au sein de chaque séquence, démontre à nouveau que la créativité excessive du cinéaste aura été fatale à cette adaptation – un comble ! Michel Gondry prouve tristement que certains beaux livres ne peuvent être portés au cinéma, même lorsque tous les éléments nécessaires à la réussite de l’entreprise sont réunis. Dommage.

2.5 étoiles

 

L’Ecume des jours

ecume-des-jours-afficheFilm français
Réalisateur : Michel Gondry
Avec : Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy, Gad Elmaleh, Charlotte Le Bon, Aïssa Maïga, Alain Chabat
Scénario de : Michel Gondry, Luc Bossi, d’après le roman L’Ecume des jours de Boris Vian
Durée : 125 min
Genre : Comédie dramatique, Fantastique
Date de sortie en France : 24 avril 2013
Distributeur : StudioCanal


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Article rédigé par Dom

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Un commentaire

  1. Je te rejoins sur ce film. Pour ma part juste la moyenne par respect pour l’oeuvre de Vian mais effectivement Gondry, sans doute le plus apte à l’adapté, a prouvé que « L’écume des jours » ne sera qu’un chef d’oeuvre littéraire… 2/4 de justesse

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