Critique : Barbie

Comédie improbable, Barbie est un film dont les prémices remontent à 2009, lors d’une première acquisition des droits auprès de Mattel par un studio américain, avant de voir le projet naviguer d’un bureau à l’autre, avec les rumeurs de casting associées. Avec Margot Robbie dans le rôle-titre (et comme productrice), épaulée par un Ken joué par Ryan Gosling, et avec à la baguette, Greta Gerwig, on peut dire que la célèbre poupée est tombée sur un joli trio. Si la découverte de Barbie Land séduit sur de nombreux aspects, du message social à l’humour, le film interroge sur d’autres points, notamment sur la dimension purement marketing du projet.

Drôle de plastique

Avec 155 millions de dollar au box-office américain pour son premier week-end d’exploitation, Barbie place Greta Gerwig en tête des femmes ayant fait péter le compteur hollywoodien. Incroyable de voir une artiste issue de la mouvance mumblecore réussir un tonitruant démarrage avec une telle production, certes, à la campagne publicitaire conséquente depuis plusieurs mois. Un avertissement, pour certains parents : le film n’est en aucun cas destiné aux enfants. Il s’agit plutôt d’une comédie pour un public adolescent et adulte, flirtant avec la parodie en embrassant joyeusement clichés et stéréotypes. À Barbie Land, toutes les femmes s’appellent Barbie, et ce sont elles qui ont le pouvoir : et elles sont convaincues que grâce à elles, notre réalité est un monde idéal pour les femmes. Chaque journée s’achève dans la fête, avec une soirée pyjama où tous les hommes, les Ken – à l’exception d’un Allan, joué par Michael Cera –, sont exclus. Des hommes qui ne vivent que pour épater la galerie sur la plage, avec un cerveau en mousse – à défaut d’être en plastique, comme tous les éléments de cet univers qui évoque une version rose bonbon de Truman Show (1998). Grain de sable dans cette mécanique parfaite – et quelque part flippante dans sa dimension figée, à revivre toujours les mêmes journées –, notre chère Barbie Stéréotypée que joue Margot Robbie pense soudainement à la mort, et, une première manifestation physique l’alerte. C’est le début d’une odyssée vers le monde réel pour retrouver la petite fille qui joue avec elle, et qui lui a transmis des idées noires. Elle sera suivie par un Ken, la version Ryan Gosling, et lorsque le duo arrive à Los Angeles, ils réalisent que notre monde suit d’autres règles, où les hommes règnent. Tandis que Barbie mène son enquête, Ken s’imbibe de notre culture pour importer le patriarcat à Barbie Land.

Margot Robbie danse dans Barbie

Gentiment référencé – le film s’ouvre notamment sur un hommage à 2001 : l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick –, Barbie joue avec un second degré permanent pour évoquer l’iniquité entre les femmes et les hommes dans notre société. Un brin burlesque, animé par une bande originale pop et acidulée qui donne lieu à quelques séquences musicales assez amusantes, le film de Greta Gerwig porte en lui plus que des clins d’œil aux jouets de la société Mattel. Contrairement à La Grande aventure Lego (2014) – pour ne pas prendre exemple sur des immondices du monde du jouet, comme les Transformers ou G.I. Joe –, où le produit est exploité comme un simple personnage dans un univers à part entière, ici, le produit garde son statut mercantile : on pourrait penser que l’historique de Barbie serait simplement une parenthèse pour nous plonger dans le film, mais à intervalles réguliers, Mattel s’impose – avec en PDG un Will Ferrell sous-exploité – mais aussi la créatrice Ruth Handler (Rhea Perlman). Dans ces moments, le récit rompt avec sa dichotomie entre un monde dominé par les femmes et le renversement par les hommes à Barbie Land. Plus étrange encore lorsqu’un tic, piqué justement à Truman Show, présente des accessoires avec un sens du dosage indigeste – ce qui survient d’ailleurs çà et là sur d’autres éléments. Ce qui donne parfois l’impression que le film se destine à relancer ventes et collections – Mattel étant en perte de vitesse depuis plusieurs années – et on ne doute à aucun moment des effets bénéfiques qui suivront ce succès au cinéma.

Ryan Gosling et Margot Robbie dans Barbie

Cet aspect marketing, plus ou moins insidieux, occupe l’esprit lorsque le film n’a plus aucune cartouche à tirer dans sa dernière demi-heure  : à se focaliser sur des stéréotypes pour tous ses personnages, aucun d’entre eux ne s’incarne tout à fait à l’écran. Il est alors difficile de réussir des séquences émotionnelles, malgré tout le talent de Margot Robbie. Plus centré sur le second degré, « Ken Gosling » évoque une version décérébrée de son personnage au début de La La Land (2016) : une prise de risque minimale en choisissant un acteur aussi fédérateur pour évoluer dans un univers en toc. Finalement, Greta Gerwig ne parvient pas à offrir une conclusion forte à sa démonstration d’exercice du pouvoir, évitant aussi la fâcheuse question d’un monde en plastique, vers lequel nous nous dirigeons inéluctablement. Une Barbie militante écologiste serait probablement l’ultime paradoxe. On repense aussi à une autre œuvre flirtant avec la parodie, jetant un regard amusé sur la superficialité de lycéens : Clueless (1995) d’Amy Heckerling – une recommandation indispensable si vous avez apprécié Barbie. Toutefois, la cinéaste offre à son héroïne une conclusion ambivalente et donc satisfaisante. On aurait apprécié bénéficier de vannes et gags plus réguliers, mais on ne peut pas bouder son plaisir face à ce surprenant geste cinématographique, ouvrant peut-être la boite de Pandore à toute une série d’adaptations Mattel. Et c’est bien ça qui laisse songeur – de Hot Wheels à Uno en passant par Polly Pocket, plus d’une quarantaine de films pourrait être produite. Mais alors que la grève s’installe dans la durée dans l’industrie cinématographique américaine, nul ne sait si ces films verront le jour, du moins, avec des acteurs de chair et de sang, ou bien grâce aux prouesses captieuses de l’intelligence artificielle, qui a planté la graine de la discorde actuelle.

3 étoiles

Barbie Blu-ray 4K

Disponible en Blu-ray 4K, Blu-ray et DVD à partir du 22 novembre 2023.

 

Affiche du film Barbie

Barbie

Film américain, britannique
Réalisatrice : Greta Gerwig
Avec : Margot Robbie, Ryan Gosling, Emma MacKe, Kate McKinnon, Issa Rae, Hari Nef, Sharon Rooney, Ritu Arya, Dua Lipa, Will Ferrell, Michael Cera, Rhea Perlman, Ncuti Gatwa
Scénario de : Greta Gerwig, Noah Baumbach
Durée : 114 min
Genre : Comédie
Date de sortie en France : 19 juillet 2023
Distributeur : Warner Bros. France

 

Photos du film Copyright 2023 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. Pingback :Top 20 cinéma 2023 - Silence... Action !

  2. Je suis tombée sur beaucoup de critiques négatives sur ce film, mais j’ai été agréablement surprise lorsque je l’ai vu. J’ai apprécié la morale de l’histoire et qui aborde des problèmes sociétaux sous un angle intéressant.

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