Critique : Deux minutes plus tard

Film concept des plus réjouissants, uniquement passé dans certains festivals avant de débarquer en VOD l’été dernier, Deux minutes plus tard – plus connu sous son titre international Beyond the infinite two minutes – de Junta Yamaguchi nous confronte à une étrange boucle temporelle. Une comédie millimétrée et loin d’être vaine.

Futur immédiat

Kato (Kazunari Tosa), gérant d’un café, se retrouve face à un phénomène incroyable à l’issue d’une journée ordinaire. Lorsqu’il laisse Aya (Riko Fujitani) assurer la fermeture, il remonte à son appartement situé juste au-dessus pour se voir dans l’écran de son Mac, à l’intérieur du café. Alors qu’on pourrait croire qu’il s’agit d’un enregistrement, ce « lui » derrière l’écran lui indique être dans le futur, deux minutes plus tard très exactement. Bluffé suite à quelques actions semblant confirmer les faits, Kato redescend et, face à l’écran du café, se voit dans son appartement deux minutes plus tôt… Les mêmes échanges ont alors lieu. Le phénomène sera éprouvé en boucle, avec Aya, puis un groupe d’amis venant complexifier les actions qui se déroulent dans le café. Grâce à ses comédiens des plus expressifs, le film touche à un émerveillement enfantin, où se joue une véritable double performance : non seulement les actions des personnages face aux écrans se déroulent toujours dans un intervalle de deux minutes, mais le film est tourné comme un plan séquence intégral, avec un style particulier puisqu’il a été filmé grâce à une petite caméra de surveillance.

Cette mécanique qui pourrait multiplier les gags durant 1h10 et perdre en intérêt bien vite soulève plusieurs paradoxes intelligemment, et invite des grains de sable dans ses rouages passionnants. Premier élément troublant, alors que Kato du futur est allé inviter une voisine à un concert et revient victorieux car elle a accepté de l’accompagner, le Kato du présent se prend une véritable claque alors que la fameuse voisine lui déclare froidement ne pas aimer la musique ! Il est pourtant poussé à déclarer ensuite à son « lui du passé » qu’elle a accepté, et ainsi, ce succès devient un mensonge qui, d’un coté, respecte la chronologie, mais aussi, semble condamner la bande à effectuer ce qui leur a été annoncé. Deux minutes dans le futur, c’est à la fois amusant et trop contraignant pour en tirer un bénéfice, comme de gagner aux courses ou à la loterie. Ozawa (Yoshifumi Sakai) amplifie le concept en testant l’effet Drosde, en plaçant les deux écrans face à face…

Sans chercher à larguer le spectateur, et sans jamais le prendre de haut – salutations à Tenet (2020) ! –, Deux minutes plus tard complexifie son principe et pousse les personnages à de nouvelles actions aux conséquences plus lourdes. La légèreté de ton restera de mise malgré des événements malheureux et le développement d’une réflexion sur notre rapport au temps, à ce qui semble déjà écrit. Tourné avec peu de moyens et faisant preuve d’une créativité à la fois sobre et fabuleuse, ce long métrage se distingue des autres comédies exploitant des boucles temporelles comme Un jour sans fin (1993) d’Harold Ramis ou Palm Springs (2021) de Max Barbakow par son cadre, en se limitant à deux décors et cette approche « en temps réel », garantie par le plan-séquence. Porté par une belle philosophie, ce petit film conçu avec passion mérite d’être découvert par tous les amateurs de ces rares films de science-fiction qui développent leur récit sous le sceau de la bonne humeur.

4 étoiles

 

Deux minutes plus tard

Film japonais
Réalisateur : Junta Yamaguchi
Avec : Kazunari Tosa, Riko Fujitani, Gota Ishida, Masashi Suwa, Yoshifumi Sakai, Haruki Nakagawa, Aki Asakura
Titre original : Dorosute no hate de bokura
Scénario de : Makoto Ueda
Durée : 70 min
Genre : Comédie, Science-fiction
Date de sortie en France : 3 août 2022 en VOD

 

Article rédigé par Dom

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