Critique : On l’appelle Jeeg Robot

Pour son premier long-métrage, le réalisateur italien Gabriele Mainetti se colle au cinéma de genre et pas n’importe lequel, celui de super-héros. On l’appelle Jeeg Robot connaît un brillant parcours en festivals, vainqueur de sept David di Donatello, l’équivalent des César italiens, ainsi que du Prix du Jury au Festival de Gérardmer. Alors simple redite ou brillant hommage ?

Un super-héros à la sauce spaghetti

Le film s’ouvre sur une poursuite dans les rues de Rome, entre la police et Enzo (Claudio Santamaria), petit criminel. Celui-ci finit par se jeter dans les eaux du Tibre, pour entrer en contact avec une substance radioactive qui le contamine. Peu à peu, Enzo réalise qu’il possède des pouvoirs surnaturels : une force et une capacité de régénération surhumaines. Initialement réticent à utiliser ses pouvoirs pour faire le bien, il change d’avis lorsqu’il rencontre Alessia (Ilenia Pastorelli), une jeune femme autiste victime d’abus qui l’identifie comme le héros du manga Jeeg Robot. Enzo devient un super-héros au service du bien, pour sauver Alessia et la ville de Rome de la fureur de Fabio (Luca Marinelli), un criminel fou et narcissique connu sous le nom de « Le Gitan ».

Gabriele Mainetti n’en est pas à son coup d’essai avec l’univers des super-héros, un genre qu’il affectionne tout particulièrement pour avoir signé les courts-métrages, Basette et Tiger Boy, ce dernier racontant l’histoire d’un garçon masqué remporta beaucoup de prix en festivals et fut retenu dans la shortlist pour l’Oscar 2014. Malgré cela, le cinéaste italien a éprouvé les plus grandes difficultés afin que son premier long puisse enfin voir le jour. Cela, notamment du fait que le cinéma italien ne soit pas ouvert à un cinéma de genre mais davantage à la comédie ou aux petits films d’auteurs. Rien à voir avec les années 60/70, où les italiens produisaient tous types de films. Rien ne semblait les arrêter et certainement pas les budgets, le cinéma de genre existait avec très peu d’argent. C’est ainsi que Gabriele Mainetti va créer sa propre société et produire On l’appelle Jeeg Robot lui-même, le tout pour un budget de 1,7 millions d’euros.

Plutôt que d’ancrer l’action principale de son film au cœur même de Rome, le réalisateur choisit d’installer le spectateur et ses personnages au sein de la banlieue romaine, à Tor Bella Monaca, où règne un climat difficile et la criminalité. Ce désir de conserver un aspect réaliste se traduit également dans le traitement des personnages, tout en respectant les codes les plus classiques du genre. Le fait qu’Enzo soit un anti-héros participe également à briser le manichéisme courant des films de super-héros. Face à lui, Fabio s’humanise par sa fragilité que tout le monde peut partager : le besoin de se mettre en avant socialement par peur de ne pas exister. L’idée même que le protagoniste ne porte pas de costume participe à le rendre plus humain. Il en va de même pour le choix du masque, cousu à la main. Cela confère une dimension plus simple, et ainsi s’éloigner du côté sophistiqué du cinéma américain. L’héroïsme se manifeste ici dans une dimension néoréaliste. L’histoire d’amour, également apportée pour contre-peser avec la violence, entre Enzo et Alessia, n’est pas des plus conventionnelles, entre relation père/fille et amants. La fragilité maladive de la jeune femme renforce l’aspect touchant et humain de On l’appelle Jeeg Robot, entre douceur candide et déchirement profond. C’est donc au fond par amour qu’Enzo accepte l’idée d’être enfin un héros. Le film bien qu’ancré dans un réalisme urbain violent, ne manque pas d’humour, à la limite de l’absurde avec ses séquences très manga. La musique quand à elle semble suivre le parcours émotionnel de son protagoniste (sons électroniques, instruments à percussion, piano). Le thème principal du film apparaît dans le titre et gagne en clarté lorsqu’Enzo prend progressivement conscience de son identité. Lorsqu’il accepte l’idée d’être un héros à la fin du film, le son s’amplifie, l’orchestre s’enrichit dans le troisième acte jusqu’à l’explosion symphonique lors de l’épilogue.

Avec On l’appelle Jeeg Robot, Gabriele Mainetti parvient à faire un film de super-héros très humain, là où le cinéma américain présente très souvent des personnages dépourvus d’humanité. Ses personnages bien réels sont placés dans un contexte absurde, alors qu’habituellement le procédé est inversé. L’idée sans doute de s’emparer de cette immense vague de super-héros venant des Etats-Unis et qui détruit tout sur son passage en y répondant avec l’imaginaire italien. Au fond on peut voir ce film comme une fable urbaine emplie de super pouvoirs, rendant un brillant hommage au cinéma de super-héros et au manga. Pari osé mais réussi.

4 étoiles

 

On l’appelle Jeeg Robot

Film italien
Réalisateur : Gabriele Mainetti
Avec : Claudio Santamaria, Ilenia Pastorelli, Luca Marinelli, Salvatore Esposito
Titre original : Lo chiamavano Jeeg Robot 
Scénario de : Nicola Guaglianone, Menotti
Durée : 112 min
Genre : Action, Comédie, Science-fiction
Date de sortie en France : 3 mai 2017
Distributeur : Nour Films

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Jean-Christophe

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