Critique : Promising Young Woman

Premier long métrage d’Emerald Fennell, Promising Young Woman est le lauréat du Meilleur scénario original des Oscars 2021. Dans ce drame – vendu comme un thriller pur et dur –, Carey Mulligan campe une jeune femme dont la vie se rythme au travers de ses chasses nocturnes : chaque semaine, elle se rend seule dans un club, feint d’être alcoolisée jusqu’au point de non-retour jusqu’à être ramassée par un homme. Le but ? Lui faire payer cher si ce dernier tente d’abuser d’elle. Une œuvre forte et perturbante.

Injustice pour toutes

Cassandra était une étudiante brillante, promise à une carrière dans la médecine, jusqu’à la survenue d’un événement tragique, mettant un terme à la trajectoire choisie, et plus encore  : redéfinissant le destin de cette jeune femme qui met sa beauté et son intelligence au service d’une unique mission, traquer et faire payer les hommes au comportement le plus avilissant, abusant de l’état de femmes ayant forcé sur la boisson dans les bars et boites de nuit. Un job peu reluisant dans un café avec une patronne pourtant adorable, aucune réelle amitié, des journées s’achevant autour de la table familiale avant d’atteindre les week-ends de chasse. Voilà le quotidien de Cassie, interprétée par Carey Mulligan. Promising Young Woman tient plus du drame que du thriller que cherche à vendre l’affiche : certes, des situations exploitent les codes du thriller, ce jeu dangereux d’attirer le répugnant chaland, ou pire encore, le faux chevalier blanc, conduisant à des situations qui convoquent aussi l’humour par les méthodes et réactions de la gente masculine – mention spéciale à l’écrivain que joue Christopher Mintz-Plasse –, mais le film est avant tout le portrait d’une femme en perdition dans un univers pourri par les hommes. Car le problème soulevé dépasse le cadre nocturne, il est présent dans les racines même de la société, dans la banalisation des violences faites aux femmes, de l’agression verbale jusqu’au viol ou au meurtre. D’horribles situations à répétition, comme si les femmes étaient marquées par le sceau de l’injustice du simple fait d’être femme. Dans cette vie figée, Cassandra représente en quelque sorte une réponse au manque de considération des victimes. Une réponse dont la violence est savamment masquée par la cinéaste, et qui souligne à quel point la situation est terrible car fondamentalement, Cassandra et ses actions de nuit ne changeront pas les travers d’une société patriarcale qui peine à considérer les plaintes.

Carey Mulligan se montre parfaite dans ce rôle qui mêle une profonde amertume à une grande force de caractère pour affronter les mâles, armée de tenues sexy, sa capacité à feindre l’état d’ébriété et jamais à cours de salves sarcastiques. Ce sont ses retrouvailles avec Ryan (Bo Burnham), qu’elle avait rencontré lors de ses études, qui la pousse vers une étape cruciale dans sa mission, cette fois sur la piste de la vengeance. Le film s’ouvre alors, en incorporant un peu plus d’humour et de second degré, à la limite de la comédie romantique dans certaines scènes, sans jamais perdre son personnage central et son sacerdoce du centre du cadre. C’est d’ailleurs en dévoilant au fur et à mesure le passé de Cassandra que le film s’enrichit, comme sa protagoniste. Si Emerald Fennell propose une réalisation assez sobre et soignée, la réalisatrice s’affirme dans une scène clé particulièrement effroyable. Effroi qui jette son voile jusqu’à un acte ultime qui flirte avec la déception – il s’agirait d’une réécriture à la demande du studio – mais qui ne retire en aucun cas de matière aux problématiques abordées. Peut-être que ce film nous ôte surtout ce faux confort si plaisant à l’esprit, l’idée de vivre dans une société progressiste où ces problèmes tendent à disparaître. En France, la réalité de certains chiffres donne le vertige, comme ces 94 000 femmes victimes d’agression sexuelle chaque année. Comment faire pour que chaque jeune femme pleine d’avenir, comme le fut Cassandra auparavant, suive le vrai cours de son destin ?

3.5 étoiles

 

Promising Young Woman

Film américain, britannique
Réalisatrice : Emerald Fennell
Avec : Carey Mulligan, Bo Burnham, Alison Brie, Connie Britton, Chris Lowell, Christopher Minzt-Plasse, Jennifer Coolidge, Adam Brody, Laverne Cox, Max Greenfield, Clancy Brown
Scénario de : Emerald Fennell
Durée : 108 min
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie en France : 26 mai 2021
Distributeur : Universal Pictures International France

 

Photos Copyright Focus Features

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. Plutôt déçu… J’ai bloqué surtout quand Cassie ne réagit pas quand le mec qui la drague s’avère logiquement un membre présent lors du drame. Comment peut-elle s’étonner ensuite ?! Ensuite bizarre de choisir comme vengeance d’offrir son intimité ?! J’ai trouvé le film maladroit malgré quelques séquences très efficaces.

  2. @Selenie : il me semble qu’elle n’est pas au courant de sa présence, jusqu’à obtenir l’enregistrement.

  3. Je trouve ça facile, le mec était de leur groupe, parle de souvenirs, il était lié aux autres, tous sont au courant sauf lui ?!?! Et surtout, elle devrait aussitôt se méfier ou se douter… Ca me paraît pourtant évident surtout qu’elle est déjà en mode « chasse »…

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