Critique : Les Trois mousquetaires – D’Artagnan

Enième adaptation de l’œuvre d’Alexandre Dumas, Les Trois mousquetaires : D’Artagnan, premier segment d’un diptyque, vise à redorer le blason du film d’aventures français. Sous l’impulsion du producteur Dimitri Rassam et du groupe Pathé, c’est le réalisateur Martin Bourboulon (Eiffel, Papa ou maman) qui se retrouve aux commandes de cette machine. Plutôt honorable, on regrette quelque part un résultat qui aurait pu être vraiment marquant.

Ambition bridée

Alors qu’il n’est pas encore mousquetaire, D’Artagnan (François Civil) croise la route de Milady (Eva Green) et manque de perdre la vie. En limitant les coupes dans l’action – sans pour autant offrir une lecture idéale avec l’aspect shakycam –, Martin Bourboulon montre ses muscles, notamment grâce à une direction artistique soignée, modernisant les costumes (tout comme le langage, qui s’éloignera du style d’origine au fil du film). Mais avant même de tomber sur Athos (Vincent Cassel), Porthos (Pio Marmaï) et Aramis (Romain Duris), les premiers signes de faiblesse mettent un réel coup sur l’enthousiasme. Il y a d’abord la bande originale de Guillaume Roussel qui oscille entre des mélodies fades, sans même rechercher un thème qui aurait pourtant été parfait dans une telle œuvre, et des compositions tellement inspirées par le travail de Hans Zimmer qu’elles ressemblent à une triste bande originale alternative pour les Batman de Christopher Nolan. Négliger à ce point la partie musicale du film est un véritable frein, comme le montage souvent aberrant de certaines séquences. Si sur les quelques moments de bravoure (relatifs) où se déroulent des combats, Bourboulon mise sur la continuité, ailleurs, il n’hésite pas à multiplier les axes caméras pour passer d’un plan à l’autre sans aucune raison. Peu de plans ont la chance de respirer ici, et c’est même l’ensemble du film qui semble se précipiter vers un point crucial pour le royaume de France.

Se détachant de certains éléments ou en remaniant d’autres, Les Trois mousquetaires : D’Artagnan manque quelque peu d’unité, même pour ses célèbres protagonistes – et d’ailleurs, séparés sur une grande partie de ce premier film où il est nécessaire de sauver Athos d’une condamnation à mort. Si les comédiennes se montrent solides, d’Eva Green à Lyna Khoudri en passant par Vicky Krieps – la reine –, certains hommes peinent parfois à convaincre, comme Vincent Cassel ou Louis Garrel en Louis XIII. L’incarnation manque souvent, peut-être à cause de l’approche moderne et aussi cette envie d’expédier certaines scènes – on ne pourra pas se plaindre du rythme du film. D’ailleurs, avec son énergie et une direction artistique séduisante – la musique mise à part –, ce film de cape et d’épée se positionne comme un vrai divertissement au-dessus de nombreuses productions « grand public » dans le paysage cinématographique français de ces dernières années. Mais il est loin d’atteindre la grandeur que l’on pouvait espérer après la découverte des premières images du film. Il y a un savoir-faire perdu, des films populaires avec Belmondo à certains bijoux comme un Capitaine Conan (1996) de Bertrand Tavernier ou le mythique Cent mille dollars au soleil (1964) de Henri Verneuil – et toujours avec Bebel ! À l’issue de ce long-métrage dont la suite sortira en salle le 13 décembre 2023, on se demande simplement si nous n’aurions pas eu droit à un spectacle d’un autre calibre avec tout simplement un autre réalisateur pour modeler les mêmes éléments.

Un grand merci à Allociné pour la projection du film en avant-première (malgré cet article qui débarque en retard), avec à l’issue de la séance un échange avec l’équipe du film.

Photos du film Copyright Ben King