[Critique] J’ai rencontré le Diable (Kim Jee-woon)

Après un détonnant western oriental, Le Bon, la Brute et le Cinglé, Kim Jee-woon s’essaie au thriller avec J’ai rencontré le Diable, l’histoire d’un agent secret qui venge la mort de sa fiancée, tombée sur la route d’un tueur en série. La confrontation entre les deux hommes donne lieu à un massacre abominable.

Monstres et compagnie

Rien n’est épargné au spectateur : des crânes se fendent sous les assauts répétés d’armes de poing, la chair est transpercée par le métal, de jeunes femmes sont sauvagement violées. Lorsqu’un film déploie un haut niveau de violence et d’horreur, on le compare bien souvent à une boucherie. J’ai rencontré le Diable pousse le vice un peu plus loin car Kim Jee-woon ne détourne jamais sa caméra de la pléthore d’atrocités, de la rage sanguinaire de ses protagonistes, filmée avec un réalisme insoutenable. L’impression la plus juste serait celle d’un hachoir, gigantesque, dans lequel des hommes et des femmes tomberaient un à un, sous nos yeux. C’est un tourbillon de brutalité, comme le souligne un plan tournoyant autour d’une voiture, dans laquelle deux hommes sont lacérés dans une fureur incomparable. Le film s’adresse à un public averti, à l’estomac solide ; l’amateur de thrillers conventionnels pourra passer son chemin.

Avec la vengeance pour thématique centrale, Kim Jee-woon se heurte immédiatement à la comparaison à Park Chan-Wook, son compatriote auteur d’un excellent triptyque sur ce même thème (Sympathy for Mr. Vengeance, Old boy, Lady Vengeance), dans lequel la violence occupe également une place prépondérante mais plus mesurée, diluée dans une narration riche et émouvante – un aspect qui fait défaut ici. La comparaison est d’autant plus naturelle que le « diable » est incarné par un impressionnant Choi Min-sik, héros de Old Boy et salop de Lady Vengeance – et que nous n’avions plus revu depuis ! Ce prédateur sexuel et meurtrier sans pitié, répondant au nom de Kyung-chul, devient la cible de Kim Soo-hyun (l’excellent et glacial Lee Byung-hun), agent secret sud-coréen bien décidé à faire justice par la souffrance, graduelle et imprévisible.

Tantôt mécanique dans sa mise scène, tantôt virtuose, J’ai rencontré le Diable est sujet aux défauts de narration propres à un premier long-métrage, et pour cause, le scénario est signé Park Hoon-jun, qui fait ses premiers pas au cinéma. Dommage que Kim Jee-woon n’ait pas remanié le récit qui ne propose aucune distance avec la vengeance à l’oeuvre, effaçant les forces de police, incompétentes lors de leurs interventions, mais surtout, omettant toute caractérisation, hormis de rares scènes du quotidien de Kyung-chul. Si le diable en personne s’adonne au découpage de jeunes femmes, il n’en reste pas moins un homme qui prend soin de sa peau et maitrise la guitare !
Sans se dégager de la morale évidente d’un tel récit, le film s’éloigne des trajectoires empruntées par Park Chan-wook en provoquant un duel entre les deux hommes qui mène à la découverte d’une faune noctambule peu fréquentable. Par sa frénésie vengeresse et son sadisme, Kim Soo-hyun pousse le tueur dans ses derniers retranchements. Le torrent de violence qui résulte de cette confrontation insensée est d’autant plus amer qu’il mène à une impasse : comment parvenir à punir un être aussi vil et immoral, qui se complait dans sa propre souffrance physique ? L’unique option qui se présente à Kim Soo-hyun, ayant banni le système judiciaire, dépasse l’ignominie. Pour vaincre le mal de ses propres outils, il faut être prêt à abandonner son humanité pour devenir monstre.

Dans son approche frontale de la vengeance et de la violence qui en résulte, J’ai rencontré le Diable est une réussite indéniable. Cette galerie de psychopathes, suffisamment gore pour faire passer les Saw pour une simple visite chez le dentiste, reste pourtant loin de la maestria du triptyque de Park Chan-wook. Une oeuvre glauque, noire et sans concession, qui ravira un public en quête d’horreur absolue.

3.5 étoiles

Remerciements : Mat.

 

J’ai rencontré le Diable

Film sud-coréen
Réalisateur : Kim Jee-woon
Avec : Lee Byung-hun, Choi Min-sik, Oh San-ha, Chun Kook-haun
Titre original : Akmareul boatda
Scénario de : Park Hoon-jun
Durée : 141 min
Genre : Thriller, Drame
Date de sortie en France : 6 juillet 2011
Distributeur : ARP Sélection

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. ‘tain je pensais tellement que le film sortirait directement en dvd que je suis encore plus excité de le voir en salle très bientot ! (j’espère que j’aurai le temps avec le festival, toute cette pression… 😉

  2. La sortie en salles est méritée mais je lui préfère amplement The Murderer qui sort le 20 juillet, quitte à piocher dans les thrillers coréens.

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