Critique : Le Règne animal

Neuf années se sont écoulées depuis le premier et prometteur long-métrage de Thomas Cailley, Les Combattants. Avec Le Règne animal, le cinéaste s’aventure sur le territoire du cinéma fantastique dans une fable écologique qui interroge notre rapport aux animaux – et par réflexion, à notre propre bestialité.

Poil de la bête

On pourrait débattre pendant des heures sur les causes des nombreux échecs du cinéma fantastique français, de producteurs frileux à des scénaristes dupliquant bêtement les rouages du cinéma américain, mais puisque nous sommes en présence d’un film réussi, nous allons tout simplement vous inviter à vous rendre au cinéma pour explorer ce joli Règne animal, à commencer par un scénario très justement ancré sur notre territoire, avec un univers cohérent. Depuis quelques années, des humains rencontrent de profondes mutations, jusqu’à prendre l’apparence complète d’un animal : le monde doit s’adapter à ce phénomène encore inexpliqué, qui bouleverse le quotidien et surtout celui des familles touchées. François (Romain Duris) et Emile (Paul Kircher) font face à ce phénomène, avec une épouse et mère qui, peu à peu, devient autre. Afin qu’elle bénéficie du meilleur suivi, la famille déménage près d’un centre du sud-ouest de la France mais un accident provoque la mort de nombreuses « créatures » – terme employé de façon positive dans le film, en opposition à celui de « bestioles » -, tandis que d’autres se retrouvent alors lâchées en forêt, seul cadre pouvant offrir une nouvelle vie à ces mutants.

Romain Duris et Paul Kircher dans Le Règne animal

D’emblée, on croit à ce récit, à cette famille déchirée par un drame d’un nouvel ordre. D’une part, Duris et Kircher forment un excellent duo père/fils, et d’autre part, le récit insuffle sa part de fantastique dans notre quotidien par petites touches, ce qui renforce la plausibilité d’un tel phénomène. La première scène du film, dans un embouteillage, permet de dévoiler le caractère des deux protagonistes tout en nous introduisant à une créature, campée par Tom Mercier : un homme aux ailes d’aigle s’échappe d’une ambulance en semant la panique. Déjà, on constate le soin apporté aux effets spéciaux, du maquillage aux effets numériques, et s’il y a bien ici une science de l’équilibre entre ce qu’il faut montrer et ce qu’il faut suggérer, jamais ce long-métrage ne se montrera décevant sur son esthétique et son imagerie. Sans volonté de jouer la carte du grand spectacle, souvent synonyme d’échec dans le genre en France, Thomas Cailley reste toujours à hauteur de ses personnages, et plus particulièrement d’Emile. Il touche au film sur l’adolescence, avec ses problématiques usuelles – la place délicate d’un nouvel élève en fin d’année scolaire, les relations amoureuses et sexuelles, conflit parental –, mais en gardant au cœur du récit ces problématiques procédant du fantastique : la disparition de la mère en forêt et les signes inquiétants qui laissent suggérer qu’Emile pourrait devenir, à son tour, un animal.

Adèle Exarchopoulos et Romain Duris dans Le Règne animal

Sans montrer de caractère militant mais par le prisme de ces vies chamboulées, Le Règne animal nous interroge sur notre rapport au monde animal. Peut-être que le film aurait pu poser quelques questions frontales, notamment sur le plan de la nourriture – une scène tendait une belle perche, lorsque Julia, la gendarme qu’interprète Adèle Exarchopoulos, remplit un caddie de barbaque afin de nourrir des militaires en renfort dans la région –, ou tout simplement sur les droits de ces animaux qui furent humains, mais le film ne s’aventure pas sur des questions générales, hormis l’animosité qui peut être développée par les humains à l’égard des créatures. Au fond, c’est l’impossible cohabitation entre l’homme et l’animal qui domine ce récit, le premier détruisant le second et son habitat inlassablement. Alors, comment considérer ces mutations, ce changement de camp sans retour ? Jouant avec le contraste de l’émerveillement et de la terreur et s’affranchissant du carcan des genres, Le Règne animal s’avère des plus séduisants malgré quelques points faibles dans le traitement de certains personnages. Mais aucun élément ne vient entraver le plaisir offert par une telle production, conçue avec intelligence, sensibilité et le sens du mystère. Le cinéma fantastique français pourrait-il reprendre du poil de la bête ?

3.5 étoiles

 

Affiche du film Le Règne animal

Le Règne animal

Film français
Réalisateur : Thomas Cailley
Avec : Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos, Tom Mercier, Billie Blain
Scénario de : Thomas Cailley, Pauline Munier
Durée : 130 min
Genre : Fantastique, Drame, Aventure
Date de sortie en France : 4 octobre 2023
Distributeur : StudioCanal

 

Photos du film Copyright 2023 NORD-OUEST FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 2 CINÉMA – ARTÉMIS PRODUCTIONS

Article rédigé par Dom

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