Critique : Avatar la voie de l’eau

James Cameron livre enfin son premier long métrage depuis la sortie du premier Avatar en 2009. Maintes fois repoussé, notamment suite au rachat de la Fox par Disney, Avatar : la voie de l’eau se présente comme le deuxième segment de ce qui doit devenir une pentalogie. Si la technique se montre encore plus impressionnante avec cette nouvelle exploration de Pandora, avec la découverte de ses fonds marins, ce second épisode laisse perplexe vis à vis de son scénario à la dramaturgie défaillante. A noter que cette critique révèle certains éléments clés de la première partie du film.

Pachyderme éblouissant

Avatar aura été – et reste – l’objet de nombreux débats, et cette suite donnera aussi lieu à des échanges animés, assurément. L’engouement pour la 3D qu’avait suscité le premier film aura conduit à tout et n’importe quoi, qu’il s’agisse d’œuvres piètrement converties dans ce format, que des salles aux équipements peu ou prou performants pour profiter pleinement d’un spectacle qui se veut plus immersif qu’un film « classique ». Dans un contexte de crise relative des ventes de billets dans les cinéma hexagonaux, Avatar : la voie de l’eau est sans conteste le blockbuster de fin d’année le plus attendu et, sur le papier, le plus excitant : les salles sont désormais mieux équipées et James Cameron est passé au « high frame rate » comme Peter Jackson avec sa trilogie du Hobbit (2012-2014) ou encore Ang Lee avec Un jour dans la vie de Billy Lynn (2016) ou, dernier en date, Gemini Man (2019). Le cinéma tel que nous le connaissons depuis des décennies se définit par une vitesse de projection des images cadencée au nombre de 24 par secondes – à quelques exceptions près, comme ici. Cette cadence, associée à un certain angle de l’obturateur de la caméra au moment de la prise de vue, assure une image que l’on peut qualifier de « cinématographique », avec un flou de mouvement léger, délicat. Flou qu’il est préférable d’éliminer avec la 3D afin de se sentir un peu plus près de l’action, un peu plus « dans la réalité » – et paradoxalement, au détriment de ce qui fait la particularité de l’image cinéma ! Si Avatar : la voie de l’eau n’est donc pas le premier long métrage à expérimenter sur ce terrain, c’est la première œuvre de cette envergure à s’y essayer sous l’eau. Voilà où réside le tour de force de James Cameron aujourd’hui, avec des plans souvent fabuleux en milieu sous-marin, mais aussi des séquences bien moins appréciables sur terre ferme (ou dans les airs), avec la vilaine sensation de regarder la cinématique d’un jeu vidéo ou bien une vidéo en vitesse accélérée. Dans les faits, certains plans du film (les plus rapprochés et avec moins de mouvements) ont été tournés en 24 images par seconde, afin de préserver cette patte cinématographique que l’on aime tant. Malgré l’inconfort visuel dans l’enchaînement de certains plans, ce paradoxe technologique tient de l’anecdote quand on plonge dans les rouages du récit.

Plus d’une dizaine d’années se sont écoulées depuis le premiers opus, ce qui permet à James Cameron et son groupe de scénaristes (Rick Jaffa, Amanda Silver, Josh Friedman et Shane Salerno) d’apporter de nouveaux personnages pour densifier la dramaturgie, certes si simple mais efficace, offerte par le premier film. Jake Sully (Sam Worthington) et Neytiri (Zoe Saldana) forment désormais une grande famille, avec deux fils, Neteyam (Jamie Flaters), Lo’ak (Britain Dalton), et deux filles, la très jeune Tuk (Trinity Jo-Li Bliss) et Kiri (Sigourney Weaver). Oui, Sigourney Weaver est de retour pour camper une adolescente, dont le père reste inconnu. C’est d’ailleurs son personnage qui se montre le plus intéressant dans le film avec son lien avec Eywa, la divinité des Na’vis qui donne une dimension panthéiste aux films. Hélas, sa ligne narrative ne sera pas au cœur d’Avatar : la voie de l’eau, avec pour enjeu principal, une nouvelle confrontation entre Sully et le colonel Quaritch (Stephen Lang). C’est probablement la pire idée de ce nouveau film, et qui devrait continuer de jouer un rôle important dans le reste de la saga. Cameron la joue Terminator : on apprend que la mémoire du colonel et de quelques soldats avaient été sauvegardées au cas où ils viendrait à casser leur pipe sur Pandora. Les voilà de retour dans des avatars de Na’vi ! Avec son tempérament et son look, Quaritch devient un personnage quasiment cartoonesque, animé par une vengeance brute qui conduit à de nombreuses scènes redondantes – les gosses de Jake et Neytiri qui seront pris en otages à plusieurs reprises. Pour donner une dimension particulière à ce personnage, le voilà aussi doté d’un fils resté sur Pandora, sorte de Mowgli ayant grandi parmi les Na’vis, Spider (Jake Champion). Les dilemmes moraux sous le sceau de la famille agiteront donc les protagonistes dans des scènes aux dialogues au mieux enfantins. Et en matière de langage, alors que l’on passe la plupart du temps en compagnie des Na’vis, l’anglais sera utilisé majoritairement. On se doute bien qu’il s’agit d’un choix commercial, le public américain étant réticent aux sous-titres, mais le film perd à la fois son caractère exotique et son propos sur l’intégration à un autre monde et sa culture.

Dans ses grandes lignes, Avatar : la voie de l’eau se contente de transposer les enjeux du premier film, dont l’histoire se montrait déjà synthétique. Ce qui lui confère un côté suranné, où s’ajoutent de nombreux poncifs. La famille Sully doit quitter la forêt pour trouver refuge auprès d’une autre tribu, les Metkayina, vivant sur des îlots. Il faut à nouveau être accepté au sein d’une nouvelle culture – empruntée cette fois aux maoris –, et s’adapter à un mode de vie en osmose avec la mer. Les fonds marins : voilà où réside la magie visuelle du film avec des plans exceptionnels et une faune parfois enchanteresse. Toutefois, certains éléments comme les tulkuns ne sont que des transpositions de plusieurs animaux marins existants. L’originalité de Pandora, sa faune et sa flore, n’est que partielle puisque l’inspiration première provient de notre monde. Cameron pioche, concatène et y ajoute un vernis. Et comme dans le premier film, c’est lorsque l’on ne parvient plus à faire le lien entre ce que nous connaissons et ce que nous découvrons ici que la magie opère le plus, et c’est aussi lorsque la nuit tombe que le film impressionne le plus, dans son emploi des couleurs et de la fluorescence. Des ravissements esthétiques qui côtoient quelques scènes d’action dantesques avec des ratés – l’attaque d’un train au début du film –, mais pourtant, malgré ces éléments bluffants, Avatar : la voie de l’eau n’atteint jamais l’intensité ni la force d’œuvres qui se reflètent parfois ici, comme Abyss (1989) ou Titanic (1997).

Si le premier Avatar présente une belle fluidité dans son déroulement, Avatar : la voie de l’eau se montre éreintant par sa longueur et son ultime chapitre qui multiplie les points de tension sans surprise et guère d’émotion. Il faut dire aussi que la performance capture ne permet pas de gommer le jeu médiocre de certains comédiens. Le Jake Sully de Sam Worthington suscite bien moins d’émotions que le King Kong campé par Andy Serkis pour Peter Jackson en 2005. Et Sully, comme ses deux fils peu engageants, occupent une grande place dans le film, alors que Zoe Saldana et Sigourney Weaver assurent parfaitement leur partition. Boursouflée par des digressions qui permettent certes de profiter de plans sublimes, cette fable écologique qui déplace la destruction de la flore sur la destruction de la faune tout en abordant le thème de la migration, constitue un blockbuster à la fois plaisant et décevant. Avec pour volonté de confier chaque film suivant à un scénariste impliqué ici, James Cameron semble s’engager dans la même voie que Disney avec les nouveaux Star Wars, comme si le rachat de la Fox par Disney avait contaminé la vision du cinéaste. Face à ce qui se joue dans ce grand spectacle pachydermique, il est difficile d’espérer des suites plus séduisantes sur ce qui fait l’intérêt des grandes sagas, des images qui nous transportent autant que les récits. Malgré ses nombreux défauts, Avatar : la voie de l’eau est sans nul doute le meilleur blockbuster américain de l’année 2022…

3 étoiles

 

Avatar : la voie de l’eau

Film américain
Réalisateur : James Cameron
Avec : Sam Worthington, Stephan Lang, Sigourney Weaver, Zoe Saldana, Kate Winslet, Cliff Curtis, Jamie Flatters, Britain Dalton, Trinity Jo-Li Bliss, Jack Champion, CCH Pounder, Joel David Moore, Edie Falco, Jemaine Clement, Brendan Cowell, Filip Geljo
Titre original : Avatar : the way of water
Scénario de : James Cameron, Rick Jaffa, Amanda Silver, Josh Friedman, Shane Salerno
Durée : 192 min
Genre : Science fiction, Aventure, Fantastique, Action
Date de sortie en France : 14 décembre 2022
Distributeur : The Walt Disney Company France

 

Photos du film Copyright Walt Disney Company

Article rédigé par Dom

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