Critique : Asteroid City

Récit gigogne débordant de digressions et changements de format d’image, Asteroid City prolonge la déplaisante direction dans laquelle s’est engagé Wes Anderson dans son précédent long-métrage, The French Dispatch (2021). Pièce de théâtre faisant d’un bled dans le désert du sud-ouest américain un lieu de confinement suite à un événement inattendu, cette nouvelle comédie dramatique n’est que pur objet esthétique, où se bouscule une ribambelle d’acteurs, avec plus ou moins de matière – surtout moins !

Aride cacophonie

Le cinéma de Wes Anderson est un cinéma d’esthète, et quelque part érudit, par ses nombreuses références artistiques – et au-delà. Chaque plan fait l’objet d’un soin particulier par son cadrage, sa lumière, ses mouvements de caméra, ainsi que le placement et les déplacements des comédiens dans des décors où le hasard n’a pas de place. Avec les années qui s’écoulent, il devient de plus en plus évident que The Grand Budapest Hotel (2014) est son film le plus proche du point de rupture, celui où la perfection formelle, ou du moins sa quête, parvient encore, sous un mode narratif singulier, à procurer des émotions au travers de ses personnages. Désormais, le cinéma de Wes Anderson est devenu un pur objet théorique. Ses concepts ne se développent plus au travers de ses personnages, ni avec leur aide, mais les personnages sont sous l’autorité des concepts, tels de simples pions ou marionnettes – on a souvent vanté l’aspect « maison de poupées » de nombreuses œuvres de Wes Anderson, lorsqu’il y avait encore des narrations engageantes. Aligner des célébrités sur tous les plans n’est pas un gage de qualité. Au contraire, ce système, qui n’offre qu’une place des plus limitées à des visages inconnus, amplifie l’artificialité du film, hormis pour une poignée de protagonistes, comme Augie Steenbeck (Jason Schwartzman) et son fils Woodrow (Jack Ryan), ou encore Midge Campbell (Scarlett Johansson) et sa fille Dinah (Grace Edwards). Les autres sont de simples satellites, clowns tristes ou garants d’une étrangeté propre au cinéaste dont le maniérisme a ôté à son style, auparavant merveilleux, toute vitalité. Matt Dillon, Damien Bonnard ou Jeff Goldblum – pour n’en citer que trois : des noms supplémentaires alignés sur l’affiche du film, véritable photo de classe qui souligne le mérite d’avoir réuni ce beau monde. Quel exploit !

Scarlett Johansson dans Asteroid City

Au début du film, suite à la présentation des enjeux par Bryan Cranston, narrateur du programme, quelques plans d’un train traversant le désert interpelle : le spectre du sublime A Bord du Darjeeling limited (2007) surgit, mais les considérations du cinéaste ont changé. L’émotion et l’humour qui y dominaient ne sont plus que des ersatz, liés à des situations données au cœur de la succession de saynètes plus ou moins saugrenues. Revenons à la trame principale : c’est une pièce de théâtre en trois actes qui se joue, suite à la description du cadre par son auteur Conrad Earp (Edward Norton). Asteroid City accueille de jeunes prodiges et leurs parents dans le cadre d’une remise de prix pour leurs créations scientifiques, mais lors de l’observation d’un phénomène astronomique, un événement va contraindre l’armée à confiner toute la population. Entre l’endeuillé photographe de guerre Augie et la comédienne Midge se développe une relation particulière, une mélancolie sous un soleil de plomb, et bien que ces personnages soient au centre, leur histoire s’articule péniblement au milieu des bonds incessants d’un personnage à l’autre, et des retours « au monde réel » – celui de la création, auteurs comme acteurs. En examinant les divers ingrédients, il pourrait y avoir de la magie comme dans l’inabouti mais si charmant La Vie aquatique (2004) ou le tendre et nostalgique Moonrise Kingdom (2012), mais les rouages de la machine andersonienne produisent désormais une cacophonie rédhibitoire. Si d’aucuns sont toujours sous le charme, on espère un changement de cap radical au prochain film, où l’humain reviendrait au centre, en économisant quelques cachets d’acteur !

2 étoiles

 

Affiche du film Asteroid City

Asteroid City

Film américain
Réalisateur : Wes Anderson
Avec : Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Jeffery Wright, Bryan Cranston, Edward Norton, Jake Ryan, Grace Edwards, Rupert Friend, Maya Hawke, Liev Schreiber, Tilda Swinton, Adrian Brody, Matt Dilon, Damein Bonnard, Jeff Goldblum, Willem Dafoe
Titre original :
Scénario de : Wes Anderson, Roman Coppola
Durée : 105 min
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie en France : 21 juin 2023
Distributeur : Universal Pictures International France

 

Photos du film Copyright 2022 Pop. 87 Productions LLC

Article rédigé par Dom

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