[Critique] The Grand Budapest Hotel, réalisé par Wes Anderson

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Epatant de constance, Wes Anderson se maintient toujours au même niveau d’excellence dans sa filmographie sans bavure. La mise en scène caractéristique du cinéaste américain ne cesse de se perfectionner – peut-être trop ? –, tout comme son art de la narration, à la fois drôle et captivant.

L’important c’est d’aimer

Un monument, un livre, une histoire derrière l’Histoire – un passé historique détourné et replacé dans un cadre fictif, mais qui ne perd rien de sa portée. Voilà l’emboitement dans lequel se déroule The Grand Budapest Hotel, film qui saute à cloche-pied sur trois époques pour conter ce qui a permis à Zéro Moustafa, lobby-boy dans les années 1930, de devenir le propriétaire de l’hôtel luxueux et réputé qui donne au film son titre imposant. Plus aucun faste pourtant lorsqu’un écrivain joué par Jude Law s’y rend pour séjourner dans la plus grande quiétude en 1968, le Grand Budapest Hotel s’apparentant plutôt à une vaste demeure où errent les âmes solitaires hors saison. Zéro va raconter sa vie à l’auteur, une histoire qui fera naturellement l’objet d’un roman. D’emblée, Wes Anderson expose son amour pour les travellings, la symétrie, les mouvements de caméra d’une précision chirurgicale et les impressionnants décors en trompe-l’oeil. La particularité stylistique de ce nouveau film se trouve dans l’adoption du format 1.37 pour suivre les aventures de Zéro et de son chef et mentor, le concierge Gustave H. (Ralph Fiennes) avec lequel il développera une sincère amitié. Une réduction du champ de vision qui contraste avec les formats 1.85 et 2.35 pour les autres époques et qui donne la sensation de regarder le film au travers d’une boite, ou bien d’une maison de poupée. Dans une certaine mesure, Wes Anderson est un grand enfant qui invente des histoires comme un gamin joue avec des figurines, seulement, il le fait en voyant grand, avec des acteurs en chair et en os – avec ses marionnettes animales, l’excellent film d’animation Fantastic Mr. Fox symbolise parfaitement cette dimension.

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Dans la chambre de Wes, les poupées portent de grands noms, parfois pour de simples apparitions, comme Bill Murray ou Owen Wilson. Mais face au confirmé et excellent Ralph Fiennes, qui campe le personnage central du film, un jeune inconnu : Tony Revolori. Un choix parfait puisque cette oeuvre dense, divisée en chapitres, peut être vue comme un film initiatique où il est question de transmission et d’héritage. Le premier chapitre du film dévoile la personnalité de Gustave au travers du regard du lobby-boy à l’essai. Amoureux de son métier, Gustave est un homme bon et strict, dont la fonction de concierge s’étend jusqu’au lit de riches clientes âgées, comme Madame D. – Tilda Swinton, nouvelle transformation impressionnante. Le décès de cette dernière va chambouler le destin de Gustave, désigné comme héritier d’un tableau d’une valeur phénoménale, mais les descendants de la comtesse, où l’on trouve Adrien Brody et Willem Dafoe, n’entendent pas laisser cette pièce revenir à un vulgaire concierge. The Grand Budapest Hotel embrasse alors une multitude de genre, de la romance au film d’évasion, en passant par le thriller – chose inédite chez Wes Anderson, une longue série d’assassinats. Thématiques et influences nombreuses, avec un hommage à l’écrivain autrichien Stefan Zweig, se suivent dans une aventure où le tragique affleure malgré un humour très présent. Zéro a connu un grand amour avec Agatha (Saoirse Ronan, lumineuse), apprentie pâtissière, mais sans ménager le suspense, il révèle que leur passion n’aura pas été épargnée par les mauvais coups du destin. Si l’on aura tendance à tisser de nouveaux liens avec Kubrick grâce à l’Overlook Hotel – à (re)lire, cet excellent article comparant Shining et Moonrise Kingdom, – le sentimentalisme maudit dans l’entre-deux-guerres de The Grand Budapest Hotel rejoint en plusieurs points l’ultime épopée de Miyazaki, Le Vent se lève.

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Dans cette aventure où naviguent aussi Jeff Goldblum, Mathieu Amalric, Harvey Keitel, Edward Norton ou encore Léa Seydoux, la somptueuse photographie de Robert D. Yeoman et le sens millimétré du cadrage font de chaque plan une petite merveille visuelle. On pourrait même évoquer un soucis dans cette perfection, qui pointait déjà son nez dans Moonrise Kingdom. Réglée comme du papier à musique, la mise en scène de Wes Anderson souffrirait presque de cet état de perfection formelle dans chaque scène, chaque plan, où rien n’est laissé au hasard. Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est bien un grain de sable qui manque à The Grand Budapest Hotel, un élément infime qui pourrait troubler la maestria. Mais qu’importe, puisque c’est encore une pâtisserie exquise que nous offre Wes Anderson et il serait dommage de bouder son plaisir face à tant d’ingéniosité. Poussé par une nostalgie ravissante, The Grand Budapest Hotel montre que les vrais sentiments, nés d’une amitié ou d’une passion amoureuse, subsistent même face au mouvement inexorable et destructeur du temps. Une comédie dramatique brillante, au charme fou.

4 étoiles

 

The Grand Budapest Hotel

grand-budapest-hotel-afficheFilm américain
Réalisateur : Wes Anderson
Avec : Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham, Adrien Brody, Willem Dafoe, Saoirse Ronan, Mathieu Amalric, Jeff Goldblum, Havery Keitel, Jason Schwartzman, Tilda Swinton, Léa Seydoux, Owen Wilson, Bill Murray
Scénario de :
Durée : 99 min
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie en France : 26 février 2014
Distributeur : Twentieth Century Fox France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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