Critique : La Nuit du 12

Présenté au Festival de Cannes 2022 dans la section Cannes Premiere, La Nuit du 12 de Dominik Moll s’éloigne de la structure alambiquée de son précédent thriller, Seules les bêtes. Plus linéaire mais tout aussi stimulant, ce polar qui s’inspire de faits réels relatés dans le livre 18.3 – une année à la PJ de Pauline Guéna nous confronte à un féminicide laissant la police dans l’impasse.

Une vie volée

Alors qu’il vient d’être nommé chef de la police judiciaire de Grenoble, Yohan (Bastien Bouillon) tombe sur une affaire qui va le hanter. La nuit du 12, Clara (Lula Cotton-Frapier), une jeune femme de 21 ans, est immolée alors qu’elle rentrait chez elle après une soirée chez son amie Nanie (Pauline Serieys). Le trouble s’installe avant même de croiser la route des premiers suspects, lorsqu’il faut annoncer le décès à la mère de la victime. Fort émotionnellement grâce à ses interprètes sans appuyer sur l’horreur de la situation, La Nuit du 12 captive par sa façon de sonder ses protagonistes, en profondeur. Dotée d’une mise en scène assurée, qui valorise la région dans laquelle se déroule cette ignoble affaire, ce long métrage saisit quelque chose de rarement abordé dans le genre, les différences générationnelles. Yohan et son collègue Marceau (Bouli Lanners) se retrouvent à interroger une jeunesse qu’ils ne comprennent pas, dans leurs réactions sur la mort de Clara, mais aussi dans leurs relations. Parmi les garçons qui couchaient avec elles, plus ou moins occasionnellement, se dessinent des profils très variés, où il est difficile de dégoter un mobile. Il y a même un énergumène qui a écrit une chanson dédiée à Clara, et dans laquelle il souhaite qu’elle brûle vive…

Manquant cruellement d’indices, les policiers ne peuvent que naviguer dans l’entourage de la victime, et les jours qui s’écoulent ne jouent pas en leur faveur. Un autre axe thématique se développe au-delà du caractère générationnel : les rapports de violence entre les hommes et les femmes, quasiment unilatéraux, et l’affectation quasi systématique d’hommes pour résoudre ces crimes. Cette vision féministe qui prend de l’ampleur dans la dernière partie du film interpelle au-delà de cet assassinat, notamment quant au traitement problématique des plaintes déposées par les femmes à l’encontre de leur conjoint en France. Combien d’histoires tragiques pourraient être évitées avec des prises en charge plus adaptées ? Dans le film il n’est pas question de prévenir mais de résoudre et Yohan reste un policier impliqué au plus haut point, c’est une affaire qui le poursuit jusque dans son lit – dans un plan magnifique, Moll superpose le visage de l’enquêteur à celui des suspects pour un résultat vertigineux. Toutefois, c’est une juge d’instruction, campée par Anouk Grinberg, qui lui permettra de mettre en place les moyens matériels et humains pour avancer alors que l’assassinat de Clara n’est plus qu’une plaie béante pour ses proches. Bastien Bouillon brille véritablement dans ce rôle de capitaine de police aux côtés d’un Bouli Lanners aussi lessivé qu’explosif, notamment lorsqu’il se confronte à un individu comme le suspect interprété par Pierre Lottin – génial d’ambiguïté. Si le film aurait pu gagner en intensité en se privant de ses cartons d’introduction, La Nuit du 12 constitue un solide polar par son écriture soignée, où le souci de réalisme écarte les rouages narratifs hasardeux de certains films du genre. Il n’y a qu’une seule victime au cœur de La Nuit du 12, une seule, mais une de trop.

3.5 étoiles

 

La Nuit du 12

Film français, belge
Réalisateur : Dominik Moll
Avec : Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Pauline Serieys, Charline Paul, Lula Cotton-Frapier, Pierre Lotin, Anouk Grinberg, Jules Porier
Scénario de : Dominik Moll, Gilles Marchand, d’après un roman de Pauline Guéna
Durée : 115 min
Genre : Policier, Thriller
Date de sortie en France : 13 juillet 2022
Distributeur : Haut et Court

 

Photos du film Copyright Haut et Court

Article rédigé par Dom

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Un commentaire

  1. Excellent thriller, le rapport entre début et fin est judicieux et pertinent, et il entre sans soucis dans le top 10 des films les plus réalistes sur l’univers policier. Une des meilleures surprises 2022

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