[Critique] Effets secondaires (Steven Soderbergh)

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Avec les sorties rapprochées de Piégée et Magic Mike en France, la pré-retraite de Steven Soderbergh aura été une période faste, marquée par une excellence qui aura souvent caractérisé le cinéaste tout au long de sa carrière. Hormis un téléfilm en post-production – Behind the Candelabra –, Effets secondaires devrait être l’ultime long métrage de Soderbergh à la réalisation. Il tirerait alors sa révérence avec un très grand film.

Médication mercantile

La collaboration entre le scénariste Scott Z. Burns et Steven Soderbergh avait donné naissance à un fascinant film pandémique en 2011, Contagion. Cette troisième rencontre s’articule encore autour d’un virus, peut-être plus insidieux par sa trivialité et sa légalité, celui de la médication abusive aux Etats-Unis. Au lieu de s’attaquer à la source des troubles, les psychiatres, entretenus par les groupes pharmaceutiques, combattent le mal-être à coup de pilules portant des noms si inoffensifs. Pourtant, la prise de cachets pour vaincre les moindres maux de l’âme peut provoquer des effets secondaires aussi redoutables qu’inattendus. C’est ce qui va frapper Emily Taylor (Rooney Mara), jeune femme retrouvant son mari, Martin (Channing Tatum), après plusieurs années passées derrière les barreaux pour délit d’initié. Alors que la vie devrait lui sourire à nouveau, un matin, dans son véhicule, Emily enfonce la pédale de l’accélérateur pour percuter de plein fouet le mur d’un parking. Sur cette tentative de suicide, qu’elle avoue comme un moment d’égarement, sa médication débute grâce au diagnostic expéditif de son nouveau psychiatre, le Docteur Jonathan Banks (Jude Law). Une suite d’événements en apparence simples et linéaires. En apparence, seulement.

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Nombreux sont les solides arguments cinématographiques alignés par Effets Secondaires. Thomas Newman, compositeur travaillant pour la première fois avec Soderbergh, délaisse le piano pour développer une troublante atmosphère. La direction d’acteur est si excellente que même Catherine Zeta-Jones, campant l’ancienne psy d’Emily, se montre brillante après une longue série d’apparitions médiocres. Rooney Mara, en pépée détraquée, trouve à nouveau un très grand rôle après celui de Lisbeth Salander pour David Fincher, jeune épouse bien plus complexe que ne laisse suggérer sa délicatesse initiale. Affirmant son talent rôle après rôle, nul doute que Mara fera partie des plus grandes actrices de sa génération – et l’année 2013 sera l’occasion de la voir chez Terrence Malick et Spike Jonze, belle année en somme. Jude Law, en docteur soudainement ébranlé par un scandale sans précédent, galvanise la tension psychologique élaboré par le récit. Et c’est ce récit qui figure naturellement comme la pièce maîtresse d’une œuvre déployant un captivant itinéraire riche en rebondissements, et dont l’intensité va crescendo. Difficile d’aborder toutes les thématiques de cette œuvre sans détruire les effets de surprise qu’elle abrite ; Effets secondaires est un long métrage dont il est préférable de voir le moins d’images possibles pour être savouré pleinement lors de sa découverte – et de lire le moins d’articles à son sujet, mais je vous promets d’éviter toute bavure ici.

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Encore fidèle à la double casquette de réalisateur et directeur de la photographie, Soderbergh met en scène cette histoire avec des mouvements de caméra d’une précision chirurgicale, optant pour une photographie terne qui souligne l’état de déprime et l’accablement de ses protagonistes sans renier les effets monochromatiques obtenus grâce à certains éclairages. Il se dégage quelque chose de particulièrement froid de ses cadres trop propres, de ce flux numérique sans bavure, mais l’évolution organique du récit prend le pas sur la forme visuelle, envahissant l’intellect avec brio. Effets secondaires offre des changements de points de vue qui renversent les certitudes du spectateur et des personnages dans un jeu de manipulation qui débute dès la première scène. Par son montage et ses angles de prise de vue, le film répand ses mensonges malicieusement. C’est un mal bien plus profond que le détraquement du système thérapeutique qui se cache derrière ce long métrage malin et cynique. Sexe, mensonges et vidéo – qui serait intéressant de relier à ce film dans une analyse poussée – aura été une entrée fracassante dans le cinéma pour Soderbergh, voilà qu’il trouve une porte de sortie à la hauteur de sa filmographie. Grâce à sa critique sociale et sa surprenante mécanique parfaitement huilée, Effets secondaires est un des plus grands thrillers de l’année.

4 étoiles

 

Effets Secondaires

effets-secondaires-afficheFilm américain
Réalisateur : Steven Soderbergh
Avec : Rooney Mara, Jude Law, Channing Tatum, Catherine Zeta-Jones, Vinessa Shaw
Titre original : Side effects
Scénario de : Scott Z. Burns
Durée : 106 min
Genre : Policier, Thriller, Drame
Date de sortie en France : 3 avril 2013
Distributeur : ARP Sélection


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. Tout à fait d’accord. Excellent film, juste un bémol pour la dernière partie… 3/4

  2. Bonsoir, très bon film avec un retournement de situation inattendue. Soderbergh est remonté dans mon estime après Contagion. Bonne soirée.

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