Critique : Top Gun Maverick

Succès colossal au box office, notamment en France où, avec ses 3,2 millions d’entrées, il devient le film le plus vu en salle en 2022 en moins de trois semaines d’exploitation, Top Gun : Maverick permet à Tom Cruise de renouer avec un personnage clé de sa carrière. Un blockbuster bourré d’énergie mais au service d’une narration calamiteuse.

Y-a-t-il un scénariste dans l’avion ?

Top Gun (1986) de Tony Scott est un film capital dans la carrière de Tom Cruise. Maverick, cette tête brûlée qui repousse les limites à bord d’avions de chasse, est le personnage qui lancera sa carrière. Si le film de Tony Scott se montre kitsch et idiot sur de nombreux aspects, il bénéficie du savoir-faire de son réalisateur, de plans encore impressionnants aujourd’hui, d’une bande originale culte et donc d’un casting séduisant, Cruise y côtoyant Val Kilmer – de retour ici, en intégrant ses soucis de santé –, Tim Robbins, Meg Ryan ou encore Tom Skerritt. Malgré ses défauts, avant tout narratifs, c’est un pur produit des années 1980 qui dégage un certain charme. Avec Top Gun : Maverick, il y a la volonté de capitaliser sur l’effet nostalgie – le film débute comme s’il s’agissait du premier opus, employant les mêmes images filtrées sur un porte-avions avec la musique d’Harold Faltermeyer. On retrouve ensuite un Maverick toujours impliqué dans l’aviation militaire, et loin de se montrer rouillé : d’emblée, c’est le sur-homme qui anime le show en faisant dépasser Mach 10 à un appareil expérimental qui sera pulvérisé dans la manœuvre – mais avec Tom Cruise, un bon verre d’eau et ça repart.

Rappelé sur la base Top Gun à la demande du haut gradé Iceman – Kilmer – alors que lui n’est resté que capitaine, Maverick va devoir former l’élite de l’élite dans l’urgence pour une mission hautement risquée. Il s’agit de bombarder un site souterrain et difficile d’accès où un « Etat voyou » compte enrichir de l’uranium pour fabriquer des armes nucléaires. Si la carte du réalisme est joué sur tous les plans, notamment aériens puisque les acteurs sont montés à bord de véritables F-18 pour capter leurs mines crispées dans les airs, le scénario de Peter Craig évite toute crise internationale en ne désignant aucun ennemi, pour faire le premier pas de côté sur la question de la crédibilité. Calquant l’attaque de l’Etoile de la mort de Star Wars : un nouvel espoir (1977) de George Lucas, la mission au cœur de Top Gun : Maverick cumulera un maximum d’invraisemblances dans sa quête d’héroïsme exacerbée. Le réalisme technique, qui s’oppose à l’abus d’effets numériques des blockbusters américains de l’écurie Marvel, se met au service d’une narration irréaliste et illogique. C’est d’autant plus dommage que le film écarte rapidement une problématique qui aurait pu être passionnante, l’emploi de pilotes pour ce type de mission à l’ère des drones de combat. Une question abordée au début du film et qui ne reviendra jamais sur la table, même lorsque les problèmes s’accumuleront pour Maverick et ses élèves – mais toujours, le sur-homme montrera la voie.

Parfaitement raté sur le plan émotionnel, le premier opus se concentrait sur la rivalité entre Iceman et Maverick pour devenir le meilleur. Top Gun : Maverick place un fantôme sur la route du protagoniste puisqu’il y a parmi les jeunes pilotes le fils de son co-pilote décédé alors, joué par Miles Teller. Les questions morales peinent à gagner de l’altitude tandis que la nouvelle romance au cœur du film, qui fait apparaître un personnage simplement cité chez Scott, joue dans la cour de la niaiserie pure et dure avec Jennifer Connelly. Et l’action dans tout ça ? Si les plans dans les cockpits et au plus près du fuselage des appareils impressionnent, Kosinski se positionne en cinéaste bien en-dessous d’un Tony Scott. Le premier entraînement en dogfight est une catastrophe en matière de montage : les plans s’enchaînent sans jamais se soucier de la spatialisation. Mais au fil des exercices et jusqu’à la fameuse mission, le film gagnera en force et en tension sur ces séquences, sans pourtant autant atteindre un souffle inouï – et, comme tout au long du film, à vouloir repousser les limites du possible, l’irrationnel nuit au spectacle. On trouve plus de tension dans les séquences aériennes bien moins nerveuses du Dunkerque (2017) de Christopher Nolan qu’ici, la dramaturgie ayant aussi un rôle concomitant. En résulte au final un étrange divertissement, qui pousse Tom Cruise dans une forme d’autocélébration décérébrée. Si le film de Tony Scott s’inscrivait parfaitement dans son époque, Top Gun : Maverick et son armada donnent naissance à un spectacle à la fois moderne et désuet, débarquant dans un contexte de guerre réelle à cause du covid – le film aurait pu être en salle dès 2020 – le plaçant aux frontières de l’indécence, certes involontaire.

2.5 étoiles

 

Top Gun : Maverick

Film américain
Réalisateur : Joseph Kosinski
Avec : Tom Cruise, Jennifer Connelly, Miles Teller, Jon Hamm, Val Kilmer, Monica Barbaro, Lewis Pullman, Jay Ellis, Danny Ramirez, Glen Powell, Bashir Salahuddin, Charles Parnell, Ed Harris
Scénario de : Peter Craig
Durée : 130 min
Genre : Action
Date de sortie en France : 25 mai 2022
Distributeur : Paramount Pictures France

 

Photos du filmCopyright Paramount Pictures France

Article rédigé par Dom

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