Critique : Dune

Après avoir donné dans la science-fiction intimiste avec Premier Contact, puis réussi à prolonger l’univers du film culte de Ridley Scott avec Blade Runner 2049, Denis Villeneuve s’attaque à une adaptation où d’autres cinéastes et producteurs se sont égarés. Plutôt fidèle à l’œuvre de Frank Herbert, Dune se positionne comme un film soigné, doté d’un caractère majestueux, mais manquant terriblement d’émotion et de fougue.

Prophétie appliquée

Une voix d’outre-tombe saisit la salle, et c’est ensuite la musique puissante de Hans Zimmer qui propulse le spectateur dans un autre univers, celui de Dune, du destin de Paul Atréides sur une planète aride où se joue l’avenir de la galaxie au travers l’exploitation d’une précieuse épice. Inutile de présenter Dune de Frank Herbert, saga adulée depuis des décennies, et qui, de la littérature, s’est déjà introduite dans le cinéma et le jeu vidéo auparavant. D’emblée, les scénaristes ont fait le choix judicieux de ne pas s’attarder sur la prophétie, la destinée du futur héritier du trône des Atréides, joué par Timothée Chalamet. Avec une grande fluidité, les enjeux sont posés, les personnages clés se succèdent et Arrakis dévoile son climat hostile, ce désert sans limite où chaque goutte d’eau compte. Minimaliste mais exploitant des espaces de grandes envergures, Dune se montre soigné dans ses décors et sa photographie, une photographie qui n’est pas sans rappeler celle de Star Wars : Rogue One : l’image est signée du même chef opérateur, Greig Fraser, qui prolonge son travail dans un cadre plus dépouillé, où les filtres sont parfois de mise – notamment la dominance des jaunes pour certains plans liés à l’avenir et à l’épice.

Malgré une première partie alléchante, ce Dune 2021 montre des limites dans sa narration, en effaçant presque entièrement le rôle capital des mentats pour les Atréides ainsi que les Harkonnen, cette famille antagoniste fondamentalement très manichéenne. En suivant le programme presque à la lettre, Villeneuve tient une belle cadence au détriment de la profondeur des enjeux. Des enjeux qui, déjà dans le roman, ne sont pas des plus stimulants, à cause de leur déploiement brutal, mais aussi à cause d’un récit initiatique avare en surprises. Le cinéaste canadien a déclaré vouloir réaliser un Star Wars pour adultes avec cette adaptation. Or, Star Wars, du moins, la trilogie originale et, prenons malgré ses défauts la prélogie qui densifie cette odyssée en y incluant des enjeux politiques, est une œuvre totalement cinématographique, pensée et créée pour le 7ème art. Il est possible de regarder Star Wars épisode IV (Un nouvel espoir) sans jamais voir les suites : le spectateur est plongé dans une aventure extraordinaire, riche en rebondissements, avec des personnages attachants. Et que dire du design des vaisseaux spatiaux mythiques, là où chez Villeneuve, les engins ressemblent à d’énormes galets hormis les ornithoptères ? Ce film, prenant comme source un roman dense et long ne s’aventure guère au-delà de la moitié de l’œuvre d’origine, offrant alors une aventure tronquée, dépendante intégralement d’une seconde partie qui, certes, ne devrait pas être hypothétique, mais qui composera avec les éléments négligés et perdus ici.

Mais le plus déplorable est probablement ce caractère si froid, dénué d’émotion, frappant chaque personnage, du Duc Leto Atréides joué par Oscar Isaac à Stilgar joué par Javier Bardem, en passant par Lady Jessica campée par Rebecca Ferguson. Pour que cette immense machine trace sa route, chacun doit intervenir comme un rouage qui n’offre de respirations qu’à Paul Atréides – et paradoxalement, Chalamet se montre souvent inexpressif. Autre souci de taille, les rares séquences d’action s’avèrent d’une grande platitude. C’est la musique de Hans Zimmer, à la fois tribale, mystique et brutale qui donne de l’énergie à l’ensemble, mais elle devient parfois irritante tant le mixage la rend écrasante ça et là. Loin d’être une expérience désagréable, Dune par Denis Villeneuve n’est pas le grand film de science-fiction que l’on pouvait attendre, ni un film ridicule, simplement une relecture timorée de l’œuvre de Frank Herbert. Au fond, la meilleure adaptation reste probablement celle de Jodorowsky, pur fantasme qui révèle toute sa folie dans le documentaire Jodorowsky’s Dune de Frank Pavich. Une folie totalement absente ici, et qu’on imagine mal s’inviter dans une suite qui attise toutefois la curiosité.

3 étoiles

 

Dune

Film américain
Réalisateur : Denis Villeneuve
Avec : Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Jason Momoa, Stella Skarsgård, Josh Brolin, Javier Bardem, Dave Bautista, Benjamin Clémentine, Charlotte Rampling, Zendaya
Scénario de : Jon Spaihts, Denis Villeneuve, Eric Roth, d’après un roman de Frank Herbert
Durée : 155 min
Genre : Science-fiction, Aventure, Drame
Date de sortie en France : 15 septembre 2021
Distributeur : Warner Bros. France

 

Photos du film Copyright 2020 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. Parfaitement d’accord avec toi, des scènes d’actions basiques et/ou expédiées, un héros qui manque cruellement d’étoffe, sans souffle. Heureusement esthétiquement le film offre un écrin qui vaut le coup d’oeil.

  2. Pingback :Critique : Dune deuxième partie - Silence... Action !

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