[Critique] Melancholia (Lars Von Trier)

En 2009, Lars Von Trier provoque le scandale au Festival de Cannes avec son épineux Antichrist. L’histoire se répète en 2011 avec Melancholia, non pas pour le contenu du film, mais pour les propos tenus par le cinéaste au cours de la conférence de presse, qui lui valurent d’être banni de Cannes. Savoir si Lars Von Trier est un imbécile, un provocateur puéril ou un gros con – voire les trois – ne m’intéresse pas, c’est pour cela que dans ces quelques lignes, le film sera abordé sans tenir compte des dires du réalisateur danois. Allez, parlons de la fin des temps.

Désastre délicat

En guise de prologue, Lars Von Trier nous propose une apocalypse portée par Wagner, filmée en hyper-ralenti, esthétisante et surréaliste. Il est amusant de remarquer que deux grand cinéastes présents au 64ème Festival de Cannes ont décidé de montrer la destruction de la Terre : Terrence Malick, en anéantissant les formes de vie nous ayant précédés dans The Tree of Life et Lars Von Trier, en envoyant un astre percuter la planète bleue telle que nous la connaissons aujourd’hui. Outre la pulvérisation de notre doux foyer, l’influence d’un grand réalisateur les lie également : Andreï Tarkovski – cité par Von Trier avec un plan d’un cheval se retournant (évoquant la mort dans Andreï Roublev) et le fameux tableau de Bruegel, Les chasseurs dans la neige (exploité dans Solaris).
Le cauchemar apocalyptique introduisant Melancholia débouche sur un récit scindé en deux parties, centré sur deux sœurs, Justine (Kirsten Dunst, qui remporte le prix d’interprétation féminine à Cannes) et Claire (Charlotte Gainsbourg). Dans le premier segment, le mariage de Justine avec Michael (Alexander Skarsgård) déclenche une implosion au sein de la famille. L’heureux événement dévoile les tensions entre chacun et les angoisses de la jeune mariée qui ne croit plus en son engagement. Lars Von Trier parvient à donner un vicieux plaisir au spectateur en déréglant la fête des jeunes mariés, développant une étrange atmosphère avec sa photographie d’outre-tombe, mais seulement, le film va souffrir des pires tics de son créateur et d’un douloureux manque de rythme.

On espérait que Lars Von Trier en avait fini avec sa dépression grâce à Antichrist, il n’en n’est rien ! Melancholia se focalise sur des personnages déréglés, instables, comme les cadrages du cinéaste qui semble incapable de s’exprimer avec une caméra placide. Quelle tristesse que d’avoir comme thématique centrale l’apocalypse alors que l’on a déjà perdu son goût pour la vie. Heureusement, le personnage de Claire, jouée par une Charlotte Gainsbourg toujours aussi fragile et captivante, affolée par le passage de Melancholia, l’astre qui doit contourner la Terre d’après les scientifiques, permet d’écarter de temps à autres la détresse statique qui domine le film. Contrairement à Justine qui considère l’éventualité de la fin du monde avec la sérénité d’une dépressive, Claire représente l’impuissance de la vie face à un incontrôlable phénomène astronomique. Mais la lutte de cette mère est contenue par l’isolation imposée par Lars Von Trier, à aucun moment il ne sera possible d’abandonner la demeure champêtre.

Le tableau est loin d’être totalement noir, Melancholia dégage une sinistre odeur de fin du monde et quelques scènes sont tout à fait sublimes d’un point de vue esthétique. Il y a quelque chose de fascinant dans l’astre Melancholia, cette sphère lunaire, bleue pastelle, sublimant le paysage céleste, mais malgré la beauté plastique, les affres de Lars Von Trier tordent le cou à ce qui aurait pu être un des plus grands films sur l’humanité à l’aube de sa fin. Tout comme Antichrist – toutefois bien plus appréciable –, Melancholia est un chef-d’œuvre potentiel brisé par la neurasthénie d’un cinéaste à la dérive.

2 étoiles

 

Le nouveau film de Lars Von Trier sera projeté en avant-première à Paris le 9 juillet 2011 dans le cadre du festival Paris Cinema. Voir sa fiche pour plus de détails. D’autres avant-premières, partout en France, sont répertoriée sur la page Facebook de Melancholia.

Melancholia

Film français, danois, suédois, allemand
Réalisateur : Lars Von Trier
Avec : Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, John Hurt, Charlotte Rampling, Alexander Skarsgård, Stellan Skarsgard
Scénario de : Lars Von Trier
Durée : 130 min
Genre : Drame, Science-fiction
Date de sortie en France : 10 août 2011
Distributeur : Les Films du Losange


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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22 commentaires

  1. A ta lecture, j’avoue avoir ressenti ce petit blocage: bizarrement vu que personne n’a l’air de tenir vraiment à la vie (sauf Claire) la fin du monde ne parait pas si grave… Sentiment bizarre en effet! Mais pour moi ça n’a rien enlever au côté vraiment « retournant » du film !

  2. Il y a Alexander Skarsgard, j’ai le panty tout humide, j’ai franchement envie de lui donner sa chance, vivement la release cinéFR, je suis tout émoustillé.

  3. @Marine, d’ailleurs, à l’heure actuelle, je n’ai presque aucun souvenir du jeu de Kirsten Dunst, contrairement à Charlotte Gainsbourg ; son état d’alerte, son angoisse restent palpables ! On va dire que je ramène tout à Tarkovski, mais son ultime film est un très beau film – quoique difficile à aborder – sur la fin du monde aussi, Le Sacrifice. Pas de planète sur la trajectoire de la Terre mais la folie des hommes : une guerre nucléaire. C’est également un huis clos, mais la lutte du héros pour que son fils vive dans un monde en paix est superbe.

    @Mat, eh oui, le vampire de true blood répond à l’appel, comme Jack Bauer. Mais les hommes n’ont pas une grande place dans ce film à tendance féministe. On dirait que dans Melancholia, Lars Von Trier a cherché à répondre aux accusations – infondées – de misogynie d’Antichrist.

  4. Ah merde!! J’en attendais quand même quelque chose de ce Melancholia!! Tu casses un peu mes espoirs moi qui avait tant aimé Antichrist!

  5. Ne perd pas espoir cher Bruce ! C’est un film voué à diviser, un peu comme le Tree of Life de Malick. Les avis sont très partagés, j’ai lu pas mal de critiques, françaises et américaines, et alors qu’en France, la majorité est conquise, ce que j’ai pu lire chez l’oncle Sam rejoint mon avis.
    J’aime aussi Antichrist et je trouve que ses pires défauts se retrouvent dans Melancholia, et encore plus prononcés. Ensuite, aimer ou on Antichrist n’est pas non plus un repère : j’ai discuté avec des gens qui adorent Antichrist et Melancholia, d’autres qui détestent Antichrist et qui considèrent Melancholia comme le meilleur film de Lars Von Trier.
    Melancholia, une question de sensibilité, avant tout !
    (j’ai bien étudié le sujet !)

  6. ah oui effectivement ça t’a pas réussi non plus… et tu l’as carrément pas aimé !
    tu vas quand même réessayer quand il sortira ou tu es sûr de toi ?

  7. Tout dépend de mon emploi du temps, sinon, ça attendra la sortie en vidéo mais j’ai longuement ruminé sur ce film avant d’écrire dessus.

  8. Bon à chaque Lars Von Trier, j’ai un débat interne sur le fait de le voir ou non… Et ce MeLancholia ne dérogera à priori pas à la règle

    A mon avis, c’est le genre de film qui est difficile d’apprécier à froid mais qui peut être adoré après réflexion. Ca m’a fait ça pour The limit of control et The tree of life.

    Merci pour ta critique en tous cas !

  9. Maintenant qu’il est sorti et que les critiques pleuvent, le constat est simple : en France, ce Melancholia est considéré comme l’un des meilleurs films de l’année 2011. Je reste dubitatif et regrette vraiment l’époque où LVT arrivait avec un Dancer in the Dark ou Dogville.

  10. Je pense vraiment que le film n’est pas sorti à la bonne date, parce que perso en ce moment j’ai pas trop envie de voir des films de dépressif. Je l’aurais peut-être plus apprécié à l’automne (ou alors il m’aurait plongé moi-même dans la déprime ce qui n’aurait finalement pas été mieux).

  11. Je voulais voir ce film car j’adore Alexander Skarsgard comme acteur, mais la tu m’as refroidi ! Je suis plus aussi certaine de vouloir payer 10€ pour aller le voir sur le grand écran. Pourtant il a pas des notes pas trop pourri sur Allociné. De toute manière je suis cloîtré chez moi pour une entorse ça me laisse le temps de réfléchir si j’irais le voir ou non une fois rétablie !

  12. @Squizz : je ne sais pas si c’est une question de date, toujours est-il que Lars Von Trier présente ici la mélancolie au sens strict du terme : ça broie du noir dans les moindres recoins !

    @NiNe Gorman : Skarsgard a un très petit rôle. Le film propose de belles scènes qui méritent d’être vues sur un écran de cinéma mais la vraie question à te poser c’est : veux-tu voir un film où la fin du monde est abordée par le prisme de la dépression ?
    A Cannes, le film avait vraiment divisé ; maintenant qu’il est sorti en France, la presse et le public sont relativement unanimes pour le saluer.

  13. Film de merde !

  14. Bien que nous ne sommes qu’en Aout nous avons déjà le sentiment d’avoir vu l’un des plus beaux films de l’année, si ce n’est le meilleur. Heureusement que nous n’étions pas à Cannes nous aurions arraché la palme des mains de Terrence Mallick pour la remettre à LVT ! (Tree of Life était très bien !)

    D’après nous Melancholia n’est pas si tendre avec les femmes (encore moins les hommes, ces lâches…). Elles sont dépressives (Dunst), aigries (Rampling) ou régies par les règles sociales (Gainsbourg).

  15. @Rick et pick : nos avis divergent à nouveau ! Je pense que Lars Von Trier a, actuellement, une vision très sombre de l’humanité. Les femmes restent pourtant les personnages les plus complexes et les plus « forts » dans ce film.

  16. Enorme déception que ce film.
    Creux et narcissique. Superficiel. Tout sauf de la mélancolie.
    Une absence complète de vision, sur un thème pourtant très porteur et qui aurait nécessité une réflexion plus approfondie.
    Un court métrage reprenant le prologue et la scène finale auraient suffi. Le reste est boursoufflé de vide et ne mène nulle part.
    N’est pas Tarkovski qui veut. Et ce remake du Sacrifice qui ne dit pas son nom est vain.
    La provocation de Lars Von Trier me va bien dans les Idiots. Elle est inutile et hors de propos ici.

  17. @jarvince : je doute toutefois que Von Trier avait l’ultime film de Tarkovski en tête lors de la réalisation de Melancholia. L’un se dirige vers la vie alors que l’autre se complait dans la mort.
    Vivement son prochain film !

  18. Un film magnifique, très esthétique, des actrices formidables. Une dualité omniprésente, des scènes longues qui permettent de bien s’imprégner. Ce film m’a pris aux tripes. Ca faisait une éternité qu’un film ne m’avait pas autant saisi.

  19. vraiment pas terrible ce film, il a fait beaucoup de bruit pour rien si vous voulez mon avis!
    après les goûts et les couleurs…

  20. Bonsoir ! J’avais déjà laissé mon commentaire pour The Tree of Life, je viens de voir Melancholia, et je suis assez surpris. Pour ma part je l’ai trouvé plutôt bien (non pas que j’ai été littéralement conquis, plutôt que j’ai été intrigué). La forme m’a bien plu, dans l’esthétique un peu froide, les références picturales assez explicitées, la musique de Wagner (très bien choisie mais peut être trop répétée, aurait-il fallu plus de « diversité » ?). La caméra à l’épaule fait son effet, même si je ne m’y attendais pas du tout (je n’avais jamais aucun de ses films), on sent bien le désastre à venir, je veux dire au niveau humain du récit, dans l’implosion familiale, l’instabilité des personnages … Après je suis d’accord sur le rythme parfois un peu lent, et la partie sur Charlotte Gainsbourg m’a semblé plus intéressante (avec un final grandiose). Comme cela a déjà été dit plus haut, il est vrai que le morose ambiant nuit au film, on verse un peu trop dans l’anti-humanité, l’émotion s’égrène de ce fait. J’ai trouvé aussi que le film était une réécriture à contre-pied de l’Aurore de Murnau (personnages de la brune qui devient la femme mariée respectable, la blonde un peu « anormale » marginale, le mari qui finit par la repousser et (SPOILER) meurt, l’enfant …). Au final pour moi, un film intriguant qui mérite une analyse plus poussée. (J’hésite à mettre en 3 et 4/5, je n’arrive pas à me décider^^).

  21. Cher Analyste,
    j’ai eu quelque peu du mal à lire votre article. Vos idées semblent s’enrouler autour de belles phrases bien prononcées, pourtant le fond est vide ! Je ne retiens pas grand chose de votre analyse car celle-ci se résume en une ou deux idées. Certes, je conçois que le film ne vous ai pas plus, d’ailleurs, je me suis quelques peu lassé moi aussi, mais il faut dégager la monstration de la compréhension !
    Ne vois-tu pas que les deux personnages principaux incarnent parfaitement notre monde ? D’un côté les optimistes (Charlotte G.) et de l’autre les pessimistes (Kirsten D.) L’optimiste croit en l’amour INDIVIDUEL, égoïste, prêt à la survie, ne voulant rejoindre la société qu’à cette condition (lorsque Charlotte G. veut aller rejoindre le village). Le pessimiste croit en l’amour UNIVERSEL, il est prêt à faire des sacrifices, mais se heurte aux individualistes: en effet, c’est bien Kirsten D. qui crée le trouble, pas sa soeur.
    Et ça ce n’est qu’une seule idée parmi d’autre que le réalisateur a voulu montré.

    A quoi ça sert de regarder des films si on n’est pas capable de philosopher dessus ???
    T’es arguments manquent de preuves et de totale légitimité.
    Je pense que tu te sentirais le pire des idiots si tu vivais ce que ressentent les cinéastes lorsque leurs oeuvres ne sont pas comprises.
    Les cinéastes ont des choses à dire, les producteurs, du fric à se faire; n’oubli pas ça.
    On ne peut pas critiquer une oeuvre de manière subjective comme tu le fais, cela n’avance à rien !

    Cependant, le site est pas mal et l’idée est bonne. Mais n’oubliez pas que pour analyser il faut des preuves, et vous n’en avez pas, vous ne vous basez que sur vos sentiments !
    J’espère que ma critique influencera la votre. Je n’ai pas souhaité vous rabaisser dans mes paroles, je vous souhaite de vous améliorer.
    « Tout homme se croit avoir raison et ne vivre que de son dépend » – ne sombrez pas dans l’homme egocentrique =)

  22. Adrien, merci pour ton message, mais je vais commencer par une petite précision : il ne s’agit pas d’analyses ici, mais de critiques, ou de chroniques, subjectives – l’objectivité dans la critique est une pure illusion -, qui n’imposent rien au lecteur. Il s’agit de l’avis d’un passionné (et peut-être d’un futur professionnel) du cinéma.

    Je n’ai pas vu le film depuis le mois de mai 2011, mais il ne me semble pas que le personnage de K. Dunst croit en un amour universel : sa mélancolie la plonge dans un état d’abandon total.

    Quels arguments manquent de preuves et de légitimité ?

    Je connais la sensation d’avoir un film non compris, mal saisi – c’est quelque chose que tout artiste doit être capable d’accepter, à mon humble avis.

    Quoi qu’il en soit, s’il est possible de commenter les articles, c’est pour que tout le monde puisse aussi s’exprimer, contredire ou venir dans le sens de l’article.

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