Critique : Les Chatouilles

Derrière son titre sympathique et son affiche au goût estival, Les Chatouilles cache un film qui traite de la pédophilie et du chemin de la reconstruction à l’âge adulte. Malgré un sujet difficile, Andréa Bescond et Eric Métayer trouvent un angle intéressant, bien que la mise en scène achoppe sur certains points, pour suivre tout un processus thérapeutique.

Jeux de vilains

Il est toujours délicat d’aborder le sujet de la pédophilie au cinéma, surtout du côté des victimes. Dans des films tels que Spotlight ou Polisse, il y a une distance naturellement créée par l’angle choisi, du côté des journalistes ou des forces de l’ordre. Du côté de ceux ayant subi des violences sexuelles, on peut citer le fantastique Mysterious Skin de Gregg Araki, ou des œuvres qui masquent leur cœur jusqu’à leur dénouement – pas d’exemples pour ne rien gâcher, sait-on jamais ! Dans Les Chatouilles, Andréa Bescond, qui co-réalise et interprète son propre rôle sous le prénom d’Odette, revient sur les abus sexuels qu’elle a subi au cours de son enfance par un ami de la famille. Horreur absolue du lien amical, de l’ignorance des parents, d’une mère au tempérament dur, magnifiquement jouée par Karin Viard. Horreur d’une femme qui se construira avec une plaie béante, celle d’avoir été violée en toute impunité, sans jamais l’avoir révélé à quiconque. C’est par l’aveu à une psychothérapeute (Carole Franck) que débute le lent processus de guérison pour Odette, qui lutte chaque jour tout en exerçant un métier qui lui plaît – mais pas toujours dans des conditions plaisantes : danseuse.

Réalisé par Andréa Bescond et Eric Métayer, Les Chatouilles parvient à montrer l’effroi tout en gardant une forme de pudeur. Par des choix de mise en scène, de montage, mais aussi par l’énergie d’Andréa, sa vivacité, son franc-parler. Le film glisse entre présent et passé, présent et passé fantasmé avec une belle fluidité, mais bien que le procédé soit réussi, une fois acclimaté à cette logique narrative, certaines lacunes en terme de mise en scène apparaissent et réduisent parfois la force de cette abolition des frontières temporelles. Il faut dire que certains épisodes sont parfaitement ratés, comme les scènes de danse avec une prof qui permet à Ariane Ascaride de cabotiner étrangement. Adaptation de la pièce éponyme, Les Chatouilles expose et expulse sa douleur par la danse, comme ces séquences dans un espace mental où Andréa Bescond est alors saisie par de violentes émotions. C’est fort, d’autant plus que cet espace intègre le processus de guérison, sans se limiter à un simple choix esthétique. Avouer à une inconnu est un premier pas, il faudra ensuite avouer aux parents, et trouver le courage de faire condamner l’agresseur, parfaitement campé par un Pierre Deladonchamps glaçant. S’élève alors la colère d’un père (Clovis Cornillac) tandis que la mère réagit toujours avec une distance déconcertante, sorte de déni qui pourrait participer à l’effondrement d’Odette : mais c’est une femme forte malgré les blessures, un rythme de vie souvent malsain, où courent les drogues dures.

En exposant ainsi tout un processus thérapeutique, Andréa Bescond et Eric Métayer livrent un témoignage touchant sur l’infamie qui peut être infligée à des enfants, témoignage qui invite aussi les victimes à prendre la parole : c’est en appliquant la loi que l’on peut protéger les plus jeunes. On pourra aussi souligner le traitement apporté à l’agresseur, qui conserve sa part de mystère, qui n’est pas désigné comme un monstre à étriper, car il y a de toute façon un tout autre sujet sur ce versant. Douloureux mais vitalisé par sa protagoniste au caractère exceptionnel, Les Chatouilles raconte le pire en évitant tout pathos : c’est une réussite.

3.5 étoiles

 

Les Chatouilles

Film français
Réalisateurs : Andréa Bescond, Eric Métayer
Avec : Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps, Grégory Montel, Carole Franck, Gringe, Cyrille Mairesse, Ariane Ascaride
Scénario de : Andréa Bescond, Eric Métayer
Durée : 103 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 14 novembre 2018
Distributeur : Orange Studio Cinéma / UGC Distribution

 

Article rédigé par Dom

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