[Critique] Polisse (Maïwenn)

Le troisième film de Maïwenn était loin d’être un favori de la sélection officielle du 64ème Festival de Cannes, mais l’enthousiasme général dès sa première projection a fait de Polisse une excellente surprise et pour certains, un prétendant logique à la Palme d’Or. Pour son immersion dans le quotidien d’une Brigade de Protection des Mineurs, Maïwenn décroche le prix du jury. Un film plaisant à découvrir malgré la gravité du sujet et quelques notes dissonantes.

Bienvenue chez les flics

Dans le cinéma de fiction, les flics sont rarement présentés en dehors des cadres du thriller ou du film de gangsters. En ciblant la BPM, Maïwenn s’infiltre dans une unité méconnue mais Polisse semble pourtant (tristement) familier. Réalisé comme un docu-fiction – avec toutes les limites artistiques que cela implique –, les cas présentés par le film, allant des maltraitances à la pédophilie en passant par les pickpockets, tiennent tous du fait divers côtoyé dans les journaux. C’est grâce à une direction d’acteur quasiment irréprochable – Karin Viard et Joey Starr demandent du temps avant de prendre leur envol –, des dialogues percutants et un excellent sens du rythme que l’on se laisse embarquer dans le quotidien de ces policiers, sur le terrain et dans leur intimité. Le réalisme tant recherché par la réalisatrice s’épanouit grâce à ses acteurs qu’elle filme caméra à l’épaule. Parmi la troupe, une actrice s’élève distinctement : Marina Foïs, dans le rôle d’Iris. L’actrice est si à l’aise pour manier les sarcasmes et l’humour de son personnage au tempérament explosif qu’elle captive à chacune de ses apparitions. Maïwenn offre un rôle impensable à Joey Starr, policier un peu teigneux mais tendre et c’est, sans surprise, dans les fulminations que le rappeur brille le plus.

La charge dramatique d’un film abordant de nombreux cas d’abus sexuels pourrait être redoutable, cependant, le malaise est souvent écarté par l’humour de ces agents qui n’hésitent pas à plaisanter sur certaines affaires. A une gamine ayant sucé candidement un jeune homme pour récupérer son téléphone mobile volé, on lui rétorque : et tu fais quoi si on te vole ton ordinateur portable ? Explosion de rires dans le bureau… Cet humour, de mauvais goût, que l’on aimerait trouver uniquement dans des comédies potaches américaines, découle pourtant de la réalité. Maïwenn s’est immergée dans le quotidien d’une Brigade de Protection des Mineurs durant six mois et ne retranscrit dans Polisse que sa propre expérience. Elle se donne d’ailleurs le rôle d’une photographe mandatée par le ministère de l’intérieur pour réaliser un livre de photos sur la BPM, un personnage négligeable qui n’apporte que tensions et romance futiles, éloignant alors le film de son « cinéma vérité ». Au-delà des cas et des esquisses de portrait, Polisse présente toutes les difficultés de l’exercice du métier de policier dans cette brigade spéciale. Parvenir à déterminer si un enfant a été victime d’un abus sexuel ou non avec les bons mots, garder son sang-froid face à de parfaits salops, et surmonter les conflits internes demandent des nerfs solides.

Au fils des bobines, à se balancer en permanence entre le grave et le drôle, Polisse glisse légèrement du docu-fiction vers une sorte de cinéma populaire. On finit par se demander quelle conclusion donnera Maïwenn à son film, dénué d’une véritable intrigue. La cinéaste choisit la pirouette, inattendue, aussi émouvante que décevante. Un impair pardonnable pour un film touchant qui maintient son équilibre sur un fil ténu deux heures durant.

3.5 étoiles

 

Polisse

Film français
Réalisatrice : Maïwenn
Avec : Karin Viard, Marina Foïs, Joey Starr, Nicolas Duvauchelle, Karole Rocher, Frédéric Pierrot, Jérémie Elkaïm, Maïwenn
Scénario de : Maïwenn
Durée : 127 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 19 octobre 2011
Distributeur : Mars Distribution


Bande annonce :

Extrait de Polisse :

Article rédigé par Dom

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6 commentaires

  1. Carla Guffroy a joué le rôle d’un des enfants. Scène avec Karine Viard et Frederic Pierrot.
    Scène difficile mais interressante.
    Nous avons hâte de voir ce film récompensé à Cannes.

  2. Ce film à l’aire assez particulier et je pense que j’irais le voir au moins pour regarder le travail Maiwenn . En regardant la bande annonce qui est un extrait , je trouve que dans le jeu et la simplicité du découpage il y a un petit coté Abdellatif Kechiche je me trompe ?

  3. Je n’ai plus qu’à acheter mon ticket 😉
    Merci pour cette très bonne critique !

  4. @Thierry, eh bien c’est un bon départ dans la court des grands.

    @Romain, je n’ai vu aucun film d’Abdelattif Kechiche, alors que j’ai la Graine et le Mulet qui traine quelque part depuis un moment, donc je ne pourrais pas les comparer. C’est effectivement un style très simple, vif et sans recherche artistique.

    @NelsHD, thanks 😉

    Le film sera diffusé en avant-première à Paris à l’occasion du festival Paris Cinéma, le 30 juin 2011 au Gaumont Opéra mais il me semble que c’est uniquement sur invitation.

  5. c’est vraiment une très bonne surprise, un film qui fait froid dans le dos par rapport au sujet abordé, on est pris dans le rythme infernal de cette brigade méconnu, le film est prenant on ressent bien la tension, le casting est en plus excellent (Joey Starr et Karin Viard plus particulierement), bref un film à voir
    Mon avis : http://www.youtube.com/watch?v=HC7XGk0ugY8

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