Critique : Baby Driver

Réunir le film de braquage, orienté du côté du conducteur, au film musical est la recette que tente Edgar Wright avec Baby Driver. Un programme qui s’avère bien moins rafraîchissant que prévu, donnant dans le produit frelaté au rayon « cool attitude. »

Mauvaise conduite

Si l’intention d’Edgar Wright était de rendre hommage au fabuleux Driver de Walter Hill, film qui inspire toujours et encore – le plus bel exemple récent avec Drive de Nicolas Winding Refn – tout en composant un divertissement original, orchestré autour d’une playlist musicale hétéroclite est louable à l’heure des remakes et reboots à gogo, le résultat est loin d’être satisfaisant. Baby – renfrogné et peu charismatique Ansel Elgort, problème majeur – est un jeune as du volant, à la botte d’un criminel qui renouvelle l’intégralité de ses équipes de braqueurs à chaque mission, à l’exception de ce chauffeur hors pair, qui doit payer sa dette envers cette figure du mal incarnée par Kevin Spacey. Particularité de Baby : il écoute de la musique en permanence avec ses multiples iPod, afin de se concentrer et d’atténuer la gêne d’un acouphène hérité dès son enfance suite à un accident de voiture mortel pour ses parents – originalité du trauma, bonjour ! S’ouvrant sur un braquage débouchant sur une course-poursuite urbaine, Baby Driver montre déjà ses limites en matière d’action malgré une mise en scène énergique et révérencieuse, mais diminuée par un montage loin d’approcher la finesse de ses modèles. Suit une balade musicale en plan séquence loin d’épater, la faute à une volonté de surligner bêtement le morceau écouté par Baby. Là où on attendrait un peu de poésie, de mise en scène ample, aérienne, Wright livre une scène pataude et fade, digne d’une publicité. La posture cool tant recherchée bat de l’aile à peine le premier quart d’heure emballé.

Rien dans la caractérisation de Baby ne parviendra à rendre le personnage sympathique, ni sa collection de morceaux faite maisons sur cassette – en opposition totale avec le culte voué à Apple et sa collection d’iPod –, ni les conversations en langage des signes avec son père adoptif, et encore moins la romance sans passion avec la serveuse d’un diner, Debora – piètre et fatigant étalage de connaissances musicales sur les prénoms du couple en devenir –, jouée par une timide Lily James, qui se confrontera à des plus plaisants Jon Hamm et Jamie Foxx. Mais ces derniers, en braqueurs aguerris, campent des archétypes vus et revus, sans épaisseur ni dimension puisque tous les personnages sont asservis à la trajectoire de Baby, dont la propension à ne jamais quitter ses écouteurs irrite certains de ses collègues du crime. Exposant rapidement ses limites, Baby Driver trouve pourtant quelques séquences superbes, comme lors du repérage d’une banque postale à l’aide d’un gamin aux yeux vissés sur sa console de jeu. Mais sur son ensemble, il dégage la sensation de regarder une mauvaise œuvre sortie de la galaxie Tarantino, dépourvue de l’esprit joyeusement malicieux et de la maestria de ce dernier. Les séquences d’action orchestrées autour de musiques tombent dans la pure performance technique, rigide et sans oxygène. De plus, l’univers mafieux du film est grippé par la volonté de droiture de Baby, criminel malgré lui qui veut éviter de voir couler le sang d’innocents – et dans son acte final plutôt original, Edgar Wright ressort cette carte pour gonfler la candeur irritante de son œuvre. Doté d’une bande originale dix fois plus cool que le film, Baby Driver nous rappelle encore une fois qu’Edgar Wright nous régale vraiment que lorsque Simon Pegg est de la partie (la trilogie Shaun of the Dead, Hot Fuzz, Le dernier pub avant la fin du monde).
Regardons plus loin dans la playlist cinéma 2017 : dans un registre dramatique, un brillant film porté sur le son et la musique viendra nous enchanter à l’automne, Le musée des merveilles (Wonderstruck) de Todd Haynes.

2 étoiles

 

Baby Driver

Film britannique, américain
Réalisateur : Edgar Wright
Avec : Ansel Elgort, Lily James, Kevin Spacey, Jon Hamm, Eiza Gonzalez, Jon Bernthal, Jamie Foxx, CJ Jones, Flea
Scénario de : Edgar Wright
Durée : 112 min
Genre : Action, Musique
Date de sortie en France : 19 juillet 2017
Distributeur : Sony Pictures Releasing France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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