Critique du film Fury

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David Ayer, scénariste de Training Day, plonge dans la Seconde Guerre Mondiale avec Fury, un film d’action centré sur l’équipage d’un char d’assaut dirigé par Brad Pitt. Une œuvre violente et des plus embarrassantes par son contexte et clichés.

Hypertrophie du combat

Bien que sa mise en scène soit à l’opposé du style documentaire avec caméra embarquée de End of watch, Fury rejoint profondément cet autre long métrage de David Ayer, sorti il y a tout juste deux ans en France. On y suivait un duo de flics campés par Jack Gyllenhaal et Michael Peña – dans le rôle de Gordo ici, conducteur du Fury – qui faisaient face à un bain de violence imposé par des criminels à Los Angeles. Un film qui se terminait dans un acte final aberrant tant Ayer est obsédé par une chose : l’épate, au détriment de la logique et de la crédibilité. En deux ans, après avoir livré un film d’action avec Schwarzenegger (Sabotage sorti en mai 2014), la logique du réalisateur américain n’a pas changé. S’il pouvait s’emparer du cadre de l’affrontement des forces de l’ordre avec les gangs de la côte ouest américaine sans créer de profond malaise, sa démarche, déplacée dans un contexte historique douloureux, se montre d’autant plus gênante. L’histoire du Fury s’inspirerait de faits réels, un char des forces américaines aurait livré un combat désespéré face à des troupes allemandes en repli. Très bien, mais la façon de mettre en scène cet acte se déroulant dans la dernière partie du film pose problème par ses situations exubérantes, produits des fictions où l’héroïsme, la bravoure et le sens du sacrifice transforment les protagonistes en machines de guerre. Mais le malaise débute bien auparavant. L’action se déroule en avril 1945 en Allemagne, à quelques pas de la reddition d’une armée allemande qui continue de lutter fanatiquement sur son territoire contre les troupes alliées. Norman Ellison (Logan Lerman), un jeune dactylographe sans aucune expérience au combat se retrouve à remplacer un mitrailleur tombé au combat du Fury. L’accueil est des plus froids, d’autant que le jeune homme ne se montre pas prêt à tirer sur les forces ennemies. Classique du récit initiatique ayant pour carcan l’horreur de la guerre, le jeune homme devra apprendre à tuer. Premier malaise lorsque Don (Brad Pitt), surnommé Wardaddy, contraint Norman à abattre un SS ayant rendu les armes sous le regard amusé de toute une escouade de soldats américains. Si on peut accepter que des profils tels que celui de Don aient existé, personnage à bout pour avoir connu des théâtres d’opération de l’Afrique jusqu’au berceau du nazisme, il est difficile de voir cette violence acceptée par tous ces soldats, à l’exception de l’ange désormais déchu, Norman.

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Nouveau malaise mais d’un ordre tout à fait différent lors de la prise d’une ville. Wardaddy et Norman trouvent deux femmes en explorant une maison. Dans une séquence multipliant maladresses et poncifs, Don montrera qu’il n’est pas qu’un monstre tandis que Norman dégainera pour la première fois son sabre après avoir poussé à la chansonnette une belle teutonne derrière un piano. Rejoints par le reste de l’équipage – où l’on trouve Shia LaBeouf et Jon Bernthal –, une scène de table tourne presque au ridicule. Chacun des comédiens semble évoluer dans une scène différente, cherchant à imposer leurs meurtrissures sous un angle les permettant de briller à l’écran. Echec complet. Le traitement historique qu’effectue le film est à prendre avec des pincettes, mais il est vrai que Fury n’a vraisemblablement aucune vocation sur cet aspect. Considéré comme un film d’action, le film mise sur un réalisme souvent saisissant lors des affrontements, carnage de tôle et de chair dans d’impressionnants fracas. Toutefois, malgré la tension remarquable lors des déplacements en blindés ou l’intensité des combats, aucune séquence ne surpasse ce qu’offraient il y a plus de dix ans un film comme Il faut sauver le Soldat Ryan ou l’excellente série Band of Brothers, qui bénéficiaient aussi d’un traitement de leurs personnages plus touchant. Certes, l’originalité de Fury procède de l’accompagnement de l’équipage d’un char d’assaut, mais là encore, David Ayer se positionne loin derrière certains de ses compères, comme Samuel Maoz qui livrait avec Lebanon une expérience claustrophobique et intense. Avec ses personnages aussi plats qu’antipathiques, tout juste sauvés par le charisme des comédiens employés, Fury ne se livre qu’à une hypertrophie du combat, vouant un véritable culte à la brutalité qui dépasse l’entendement. L’exploration de l’horreur de la guerre au travers du regard d’une jeunesse jetée dans les flammes du combat se montre lourde, maladroite. En 1985, Elem Klimov partait à la conquête d’une même thématique dans ce qui reste l’un des plus grands films jamais réalisés sur la Seconde Guerre Mondiale, Requiem pour un massacre – voir le dossier 15 films à voir avant la fin. Peut-être que David Ayer aurait dû (re)voir ce chef-d’œuvre avant de s’en aller en guerre, armé de sa collection de clichés et ses envies fiévreuses de grand spectacle militaire.

2.5 étoiles

 

Fury

fury-afficheFilm américain
Réalisateur : David Ayer
Avec : Brad Pitt, Logan Lerman, Michael Peña, Shia LaBeouf, Jon Bernthal
Scénario de :
Durée : 134 min
Genre : Action, Drame, Guerre
Date de sortie en France : 22 octobre 2014
Distributeur : Sony Pictures Releasing France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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