Critique : Border Line

Thriller qui confronte un couple aux services d’immigration des États-Unis, Border Line dépeint un pays dont la protection des frontières dépasse les simples formalités administratives. Une xénophobie d’Etat, élevée à un niveau effarant sous l’administration Trump, ère où se déroule cette arrivée chez l’Oncle Sam pleine de turbulences.

Atterrissage en douleur

Quiconque ayant posé le pied aux États-Unis un jour – sans être un citoyen américain, évidemment – connaît l’inflexibilité et la rudesse des services d’immigration, avec lesquels il serait peu judicieux de tenter la moindre plaisanterie. Chaque visiteur est examiné et questionné pour déceler la petite bête capable de le renvoyer illico dans un avion. Diego (Alberto Ammann) et Elena (Bruna Cusí) forment un couple qui rêve de construire leur avenir ici, à Miami. Elena, Espagnole, a gagné une carte verte à la loterie, tandis que son compagnon, Vénézuélien, ne pourra être admis que grâce à elle bien qu’ils ne soient pas mariés. Avant même de présenter leurs passeports, le stress monte, car eux aussi savent qu’on ne plaisante pas avec l’administration américaine. Alors qu’ils sont en transits de New-York vers Miami, en ayant décollé de Barcelone, ils se retrouvent sans explication face à des agents de la protection des frontières qui comptent bien tout découvrir de leur passé avant de déterminer s’il y a bel et bien un avenir pour eux ici.

Concentré sur le dialogue et donc le jeu des comédiens, Border Line nous trouble avant même que les problèmes débutent, par de petits détails, des micros événements qui peuvent tout faire basculer : un ancien passeport volé, un formulaire d’immigration rempli avec le stylo d’un étranger, un document regroupé sur une feuille unique lorsqu’il devrait se trouver sur deux pages, etc. Au fur et à mesure qu’ils sont interrogés par les agents Vásquez – clairement issue de l’immigration, et qui racontera comment son cousin a vu sa carte de séjour refusée ! – et Barrett, joués par Laura Gómez et Ben Temple, le projet de vie du couple s’avance dangereusement vers le néant. Diego peine à contenir son stress tandis qu’Elena ne parvient pas à tempérer son exaspération, mais c’est surtout l’interrogatoire qui nous conduit sur un territoire malsain, lorsque l’intimité des questions va révéler des éléments qui n’avaient jamais fait l’objet d’une conversation entre nos tourtereaux. La procédure devient des plus inconfortables et soudain, c’est la solidité de ce couple qui se retrouve en péril. Avec leur dispositif simple, les cinéastes Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas livrent un thriller riche en suspense, usant peut-être d’un ou deux artifices nous écartant du réel pour amplifier cette atmosphère étouffante, mais sans décrédibiliser cette confrontation verbale, livrée par d’excellents acteurs. Grâce à sa courte durée, Border Line ne perd jamais en consistance. Une œuvre politique glaciale et amère, montrant le résultat de choix gouvernementaux répugnants pour une nation qui s’est pourtant construite grâce à l’immigration.

Photos du film Copyright Condor Distribution