Critique : Killers of the Flower Moon

Martin Scorsese retrouve deux de ses acteurs fétiches, Robert De Niro et Leonardo DiCaprio, qu’il réunit pour la première fois sous sa direction avec Killers of the Flower Moon. Adaptation du livre éponyme de David Grann, cette fresque criminelle marque par son sujet abominable, le massacre de natifs américains par de machiavéliques colons blancs. Pourtant, le film souffre de plusieurs problèmes, comme sa durée – 3 heures et 26 minutes.

Blanc exterminateur

L’esclavage et le massacre des Amérindiens sont des sujets peu abordés dans le cinéma américain. Que Martin Scorsese s’empare du sujet tient de l’événement : c’est l’un des plus grands cinéastes américains et à la suite de The Irishman (2019), nous aurions pu penser que ce cher Marty aurait pu prendre sa retraite comme cinéaste. Par chance, nous voici face à un nouveau long métrage, le plus long de toute sa carrière. Le peuple Osage, déplacé de ses terres d’origines, est frappé par une véritable malédiction : leur région de relocalisation, dans l’Oklahoma, s’est avérée être une terre riche en pétrole. Afin de s’emparer de ces terres, les Blancs ont infiltré la communauté grâce à des mariages d’intérêt, pour récupérer les terres en faisant assassiner leur compagne et leur famille. Killer of the Flower Moon met en lumière un destin en particulier, celui de Mollie, campée par Lily Gladstone, impressionnante dans le flegme comme dans la souffrance. Un certain Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), vétéran de la Première Guerre Mondiale, l’épouse sous l’impulsion de son oncle William Hale (Robert De Niro), homme d’affaires qui a su s’imprégner de la culture Osage, jusqu’à devenir une figure importante dans leur propre communauté.

Leonardo Dicaprio courtise Lily Gladstone dans Killers of the Flower Moon

Une des forces du film est nous plonger dans les us et coutumes des Osages, tout en montrant d’emblée ce qui se trame, des meurtres sans aucune enquête, permettant à des veufs de faire fortune – et de réitérer leurs sombres manœuvres ! Une épuration ethnique fructueuse et écœurante. La question est alors de savoir si Ernest, qui semble plus stupide que méchant, appliquera le même funeste stratagème avec Mollie, qu’il semble aimer réellement. Si Robert De Niro se montre impérial, jouant avec un naturel qui sied parfaitement à son personnage affable et ambivalent, Leonardo DiCaprio livre probablement l’une des performances les plus étranges de sa carrière. Transformant à outrance ses expressions faciales à la façon de Marlon Brando dans Le Parrain (1972) de Francis Ford Coppola, DiCaprio flirte régulièrement avec une sorte de caricature. On touche parfois au ridicule tant il force le trait lorsqu’il se montre contrarié, et soudain, au détour d’une autre scène, il présente le visage d’un tout autre personnage, libéré des billes qu’il a peut-être gardées contre ses gencives pour avoir un tel visage. C’est d’autant plus dommageable que son personnage prend de plus de plus de place au fil du film, reléguant Mollie à un personnage secondaire. A l’origine, le film devait suivre l’enquête du FBI qui débute tardivement ici – et qui donne plus une sensation de « patchwork » que de glissement organique vers une autre forme narrative –, mais à la demande de Leonardo DiCaprio, le scénario a été revu pour nous placer au centre de l’affaire et donc la vivre de l’intérieur – ce qui est loin d’être une mauvaise idée, mais cela débouche sur un film présentant un certain aspect pachydermique.

Robert De Niro fait face à un Jesse Plemons en agent du FBI dans Killers of the Flower Moon

Martin Scorsese fait preuve d’une mise en scène toujours aussi engageante, mais le montage n’est pas aussi fluide qu’avec certains de ses films fleuves, comme Casino (1995), la faute à un scénario qui se prive d’ellipses pour détailler chaque rouage de cette affaire – ce qui pèse surtout dans la dernière heure du film. Par ailleurs, certaines séquences qui s’articulent autour de la musique ne trouvent pas le dynamisme habituel, donnant la sensation de voir une succession de séquences d’exposition – et aucune ne débouche sur une forme de climax, pourtant commune et frappante chez Scorsese. Mais les dernières minutes regorgent de fulgurances formelles, renouant avec une émotion plus présente au début du film, lorsque le mal se révèle à nos yeux. Avec la puissance de son sujet, mise en lumière d’un épisode affreux de l’extermination de tribus autochtones, Scorsese détenait peut-être un nouveau chef-d’œuvre, mais sa durée rébarbative et un Leonardo DiCaprio peu convainquant affaiblissent l’ensemble.

3 étoiles

 

Affiche française du film  Killers of the Flower Moon

Killers of the Flower Moon

Film américain
Réalisateur : Martin Scorsese
Avec : Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone, Robert De Niro, Jesse Plemons, Tantoo Cardinal, Cara Jade Myers, Janae Collins, Jillian Dion, William Belleau, Brendan Fraser, John Lithgow
Scénario de : Eric Roth, Martin Scorsese, d’après une œuvre de David Grann
Durée : 206 min
Genre : Drame, Thriller, Historique
Date de sortie en France : 18 octobre 2023
Distributeur : Paramount Pictures France

 

Photos du film Copyright Apple TV+

Article rédigé par Dom

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