Critique : The Big Short – Le Casse du siècle

On se marre énormément avec les comédies d’Adam McKay, à qui l’on doit les films de Will Ferrell les plus succulents, Frangins malgré eux, Présentateur vedette : la légende de Ron Burgundy, Very Bad Cops, … Avec The Big Short : Le Casse du siècle, le réalisateur américain s’attaque à la crise des subprimes dans un biopic étonnant, drôle et révoltant.

Very Bad Banks

Rappelez-vous, lors du générique de fin de Very Bad Cops, Adam McKay évoquait soudain de véritables problèmes économiques et financiers. Au bout de la comédie, retour à la réalité. Nul doute qu’évoquer la crise des subprimes travaillait déjà l’esprit du réalisateur en 2010. C’est le livre de Michael Lewis The Big Short: Inside the Doomsday Machine qu’il adapte ici, un auteur déjà porté au cinéma avec Le Stratège de Bennett Miller. Le génie du film est d’aborder la crise financière dans le camp des « gagnants », cette poignée de personnes qui, sentant le vent tourner, ont réussi à toucher le pactole lorsque l’économie mondiale s’effondra. Et ce qui pourrait être assez sordide se montre drôle, non seulement par le ton adopté mais le casting réuni : le duo Steve Carell/Ryan Gosling de Crazy, Stupid, Love est de retour pour une collaboration sous forme de bras de fer, Christian Bale, encore transformé, campe un manager de fonds solitaire et accro au métal tandis que Brad Pitt est un ancien requin de la finance qui tente de mener une vie plus saine. Voilà pour les séduisantes têtes d’affiche, qui permettent d’étendre la portée d’une œuvre qui aurait probablement peinée à trouver son public sous forme de documentaire. D’ailleurs, pour participer à la vulgarisation de certains termes et de certaines actions, des intervenants s’adressent en leur propre nom directement au spectateur, comme Margot Robbie dans sa baignoire – actrice qui était présente au casting du Loup de Wall Street –, le chef Anthony Bourdain qui compare la cuisine aux CDO (obligations adossées à des actifs), ou encore Selena Gomez accoudée à une table de blackjack pour démontrer comment la bulle immobilière a éclaté.

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Dans un montage énergique et protéiforme, The Big Short : Le Casse du siècle met en parallèle la société de consommation continuant son train-train dans l’insouciance aux agissements de personnages passionnants. Il y a le génie longtemps incompris Michael Burry (Christian Bale), l’un des premiers à parier contre l’immobilier, essuyant des pertes colossales jusqu’à la véritable chute, mais c’est peut-être le nerveux Mark Baum campé par Steve Carell qui fascine le plus. Dans le milieu de la finance, à la tête de son équipe réduite, c’est un élément à part, c’est l’idéaliste, celui qui croit dans son gouvernement, qui croit en la force des lois, la force des justes. Lorsqu’il mène l’enquête de terrain avec les siens, la chute est vertigineuse. C’est au contact de la population, des débiteurs et créanciers qu’il réalise que tout notre système est pourri jusqu’à la racine. Dans une course folle au profit, le capitalisme s’est transformé en une créature hideuse et boursouflée, une créature d’autant plus laide qu’elle se montre invincible, même lorsqu’elle perd la partie : les responsables ne payent jamais les pots cassés. Et malgré tout, Steve Carell parvient à nous décrocher rires et sourires dans ses éclats de sans-gêne. 2015 est son année : après son portrait glaçant du multimillionnaire John Du Pont dans Foxcatcher, le voilà dans la peau d’un personnage complexe, atypique et déchiré par la dualité de son milieu. Ajoutons à cela que les acteurs moins connus de la bande – pour en citer quelques uns, Rafe Spall, Finn Wittrock ou encore John Magaro – assurent parfaitement leur partition. Bien qu’Adam McKay recherche un dynamisme très employé dans le web et certaines séries TV, sa caméra épaule qui raffole de zoom et de pertes de point fatigue souvent, mais le film, qui secoue l’esprit du spectateur tout en le divertissant, ne craque jamais sous ce parti pris désagréable.

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Il faut avouer que le film se complexifie en son centre, traduisant aussi du bazar stupéfiant à l’oeuvre, mais « casse » oblige, l’intérêt se resserre sur les potentiels gagnants. Face aux magouilles des banquiers et sociétés de notation financière, chacun risque gros dans un jeu aux dés pipés pour toujours. Adam McKay signe un film engagé, fabuleux document témoignant de la folie de notre époque et d’un système autodestructeur qui profite toujours aux mêmes mains. La crise est désormais notre pain quotidien, l’aveugle capitalisme – génialement illustré lors de la scène à Standard & Poor’s – nous ronge toujours et nous consommons toujours de la même façon comme des cons, pardon pour le terme. Pour citer Voltaire, « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. »
Oh, et l’ultime frisson : à la fin du film, on apprend que le visionnaire Michael Burry investit désormais dans l’eau…

4 étoiles

 

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The Big Short : Le Casse du siècle

Film américain
Réalisateur : Adam McKay
Avec : Steve Carell, Christian Bale, Brad Pitt, Ryan Gosling, Marisa Tomei, John Magaro, Margot Robbie, Selena Gomez
Titre original : The Big Short
Scénario de : , Adam McKay d’après un roman de Michael Lewis
Durée : 130 min
Genre : Biopic, Drame, Comédie
Date de sortie en France : 23 décembre 2015
Distributeur : Paramount Pictures France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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