Marie Monge : jouer avec le feu

Vendredi 11 mai 2018, la Quinzaine des Réalisateurs nous offrait à 11h la première projection de Joueurs, premier long métrage de Marie Monge. La réalisatrice était présente à l’issue de cette projection pour répondre aux questions des festivaliers. Résumé de cet échange avec une jeune réalisatrice qui ne manque pas d’assurance.

 « Une graduation dans la violence »

L’excellent Joueurs avec Stacy Martin et Tahar Rahim est en salle depuis hier, 4 juillet 2018. Un film vivement recommandé, qui prend d’ailleurs la place du film du moment tenu par Ready Player One depuis des lustres – et oui, aucun choc cinématographique depuis mars mais surtout peu de temps passé en salle aussi.
J’ai la chance de poser la première question à Marie Monge, à savoir si le milieu qu’elle dépeint ici, la spirale infernale du jeu, est une chose dont elle a fait l’expérience personnellement, les premiers films trouvant souvent leur source dans la vie de leurs créateurs. « Ce n’est pas une expérience personnelle, c’est un film très romanesque mais lié à des personnes que j’ai connu, à un milieu que j’ai découvert et qui m’a inspiré » répond Marie Monge. « Et d’un rapport proche à des addcits que je connais dans la vie. ». Interrogée sur la façon d’aborder le film, de le voir ou de le vivre, la réalisatrice dit qu’elle aimerait que les gens le vive. L’idée étant de proposer une expérience, de vivre le film avec Ella (Stacy Martin), à travers son personnage.

Stacy Martin & Tahar Rahim : duo électrique

Quand une spectatrice lui demande comment elle a réfléchi au duo central, Marie Monge s’avoue chanceuse. « C’est assez magique quand ça marche, et ça marché tout de suite entre Tahar et Stacy, c’est un peu inexplicable. J’avais vraiment Stacy en tête quand j’ai écris le scénario, et ensuite quand j’ai rencontré Tahar je me suis dit qu’il allait se passer quelque chose d’intéressant parce qu’ils sont très différents, ils viennent de cinémas différents, et en même temps ils ont quelque chose de profondément proche, une complicité. C’était assez magique, on a toujours peur de savoir si ça va marcher ou non. » A propos du coût de production du film et de son parcours personnel, Marie Monge avoue qu’elle sait simplement que le film est un peu en dessous de la barre des 3 millions d’euros. Auparavant, elle a été à la fac, a réalisé des courts métrages et a travaillé sur d’autres films à divers postes où elle a beaucoup appris.

Questionnée sur ses références, un spectateur évoque la potentielle affiliation à Jacques Audiard et à Rebecca Zlotowski, la réalisatrice précise qu’elle a pensé à un certain cinéma américain des années 70, qu’il y avait un désir de jouer avec les codes du cinéma noir mais aussi avec des films de rue comme ceux de Wong Kar-Waï ou, plus récemment, ceux des frères Safdie (Mad love in New York, Good time) qui captent l’énergie de la ville. Pour approfondir sur la mise en scène, un festivalier demande à Marie Monge d’expliquer ses choix, notamment l’emploi de longues focales pour suivre ses personnages : « Comme sur la plupart des films, on a fait un découpage en avance, on a beaucoup travaillé avec le chef opérateur Paul Guilhaume. Nous savions précisément ce que nous allions faire. Sur les longues focales, c’était l’idée d’avoir les personnages dans un territoire qui est celui de la ville, d’avoir un rapport très fictionnel, très cinéma. Ca fait référence à des films qu’on connaît, c’est une grammaire qui vient des années 1970, et en même temps d’avoir un côté documentaire. Nous étions Place Clichy, sur les Grands boulevards, et on était au milieu de la ville, avec de la vie, et cela influence l’énergie du film et le jeu des acteurs. » A propos du milieu dépeint, un spectateur se demande si le film a été véritablement tourné dans un cercle de jeu. « J’ai découvert les cercles de jeu il y a quelques années, il y en avait plusieurs ouverts à Paris à l’époque, et ils ont tous fermé à l’exception d’un cercle qui nous a beaucoup aidé, et tous les employés du cercle du film y travaillent réellement. On a obtenu de vraies tables de jeux mais nous avons tout reconstitué et ce sont les vrais employés qui lui ont donné vie, et il y a aussi énormément de vrais joueurs à l’image. »

Une spectatrice s’interroge sur la face cachée du personnage d’Abel, joué par Tahar Rahim, la cinéaste affirme alors son parti pris qu’on rencontre ce personnage comme Ella le rencontre, qu’il y a un désir et un fantasme autour de lui. A ses yeux, il était important de ne pas apporter d’explications psychologiques précises, que tout passe par leur rencontre, leur énergie et l’interprétation de Tahar. Abel devait rester insaisissable, il disparaît d’ailleurs plusieurs fois dans le film.
Une question hasardeuse d’un festivalier fera réagir la salle, « En tant que femme, comment vous avez géré les scènes de violence ? Est-ce une évidence, avez-vous fait des choix ? »
Marie Monge lui répond qu’elle n’a jamais questionné son rapport à la violence en tant que femme et se retrouve alors interrompue par des applaudissements. Elle poursuit : « Je ne voulais pas qu’il y ait de complaisance par rapport à la violence et qu’on ait un traitement progressif dans le film, qu’elle surgisse comme une violence de rue tardive. Que ce soit avec une histoire d’amour ou d’addiction, des paliers sont franchis au fur et à mesure. L’idée était d’avoir une graduation dans la violence et surtout d’essayer de la vivre, sauf lors du premier règlement de compte où l’on est pas complètement avec Ella, pour ensuite la vivre à travers elle, son expérience, son effroi et son malaise. »

Joueurs, un film de Marie Monge, avec Stacy Martin, Tahar Rahim et Karim Meklou. En salle depuis le 4 juillet 2018.

Article rédigé par Dom

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