Critique : Chien de la casse

Premier long-métrage de Jean-Baptiste Durand, en salle depuis le 19 avril 2023, Chien de la casse utilise avec brio les éléments du film de potes tout en s’ancrant dans la chronique sociale. Une histoire qui met pleinement en avant le talent du comédien Raphaël Quenard, qui peut déployer un jeu caustique.

Haute fidélité

Une bande de potes, assis au cœur de la nuit sur la place d’un village bien tranquille, dans un coin du sud à l’abri du tumulte mais aussi de l’effervescence des métropoles. Et dans cette bande, deux amis qui seront séparés, bientôt. Dog (Anthony Bajon) va délaisser les soirées de glande et de Playstation pour s’engager dans l’armée. Mirales (Raphael Quenard), lui, restera ici, avec son bagout, ses grandes idées, son fidèle compagnon Malabar – un American Staffordshire – et son trafic de drogue douce à petite échelle. La première scène scelle des éléments forts. Mirales domine son pote dans une relation d’amitié puissante mais devenue fragile par ce départ annoncé. Le film déborde déjà d’authenticité, par le naturel des échanges entre Quenard et Bajon, mais aussi la façon de filmer et parcourir ce village, un cadre que le réalisateur connaît bien. Pour y briser la routine et l’ennui, il faut se fixer des objectifs, ce qui manque particulièrement à Mirales malgré sa capacité à créer une étincelle en toute situation, pour le meilleur et pour le pire. De courts-métrages aux seconds rôles dans des longs, Raphael Quenard s’installe doucement mais sûrement dans le paysage cinématographique français, et jusqu’ici, aucun cinéaste ne lui avait donné un espace où il peut se mouvoir ainsi, en maniant habilement un petit grain de folie qui habite une belle âme, avec ce personnage dont le sens de la répartie, souvent drôle, peut se montrer parfois dévastateur et le rendre détestable. Le genre sympa, mais ambivalent et impulsif. Que ce soit avec Dog, les autres copains ou son véritable chien, Malabar – qui impose le respect de sa race malgré sa tendre bouille –, Mirales exprime toujours le besoin de mener la barque, de rythmer les échanges. Mutique, Dog encaisse, comme beaucoup, mais il sait aussi rentrer dans le jeu de son ami. Seulement, bien avant son départ, l’arrivée d’une fille jouée par Galatea Bellugi entre les deux hommes provoque une cassure avant que l’éloignement ne soit acté. L’amitié se fêle, la jalousie s’infiltre et la tension monte inéluctablement.

Loin des récits hyper balisés, Chien de la casse trouve un bel équilibre entre ses deux personnages, même si, par son caractère et ses saillies, Mirales prend le dessus. Une histoire qui compose autant avec les éléments propres du film de potes que du film social, sans qu’un des deux mondes ne prenne le dessus. On ira même flirter vers d’autres ambiances dans la dernière et intense partie du film. La mise en scène posée de Jean-Baptiste Durand donne autant d’espace à ses comédiens que de la consistance au territoire où se développe cette chronique. On ne pourrait pas trouver le même souffle en investissant la banlieue d’une ville dense. Porté par la bienveillance, le cinéaste parvient à densifier ses personnages au cours d’accrochages qui les conduisent vers un point de non-retour, où pourtant, le liant de toute amitié ne sera jamais perdu : la fidélité. Le genre d’histoire vibrante et authentique que l’on ne voit pas si souvent, avec une génération d’acteurs que l’on a envie de suivre – tout comme ce cinéaste.

Disponible en DVD depuis le 5 septembre 2023

Photos du film Copyright Bac Films