Critique : La Tour

Guillaume Nicloux s’essaie au film d’horreur fantastique avec La Tour, en confinant les habitants d’une barre d’immeuble, coupée du reste du monde par un épais brouillard mortel. Si le film se montre particulièrement saisissant dans ses premiers chapitres, il finit par tomber dans l’anecdotique film de survie.

Confinement infernal

Pas de présentation ni le moindre avertissement : La Tour démarre dans la stupeur et l’effroi, et c’est une véritable force que de découvrir son phénomène inexplicable en compagnie des différents habitants que nous suivrons sur plusieurs années, pour les plus chanceux – ou, selon le point de vue, malchanceux. Soudain, à toutes les fenêtres et aux portes d’un immeuble, c’est le noir absolu. Une sorte de voile opaque, sans aucun reflet. Y jeter un objet (ou un être vivant), c’est le voir disparaître. Glissez-y une main et vous n’aurez plus à vous soucier de vos ongles, entre autres. Plus de réseau mobile, ni de télévision. Cette idée, qui a germé dans l’esprit de Guillaume Nicloux lors du confinement, pousse le concept de rupture avec l’extérieur jusqu’au bout, au détail près que l’électricité et l’eau resteront disponibles. On déambule entre les étages avec les différents locataires, qui dessinent une communauté hétéroclite. Et très vite, le repli communautaire s’installe : les habitants se regroupent en fonction de leurs origines, et chaque bande imposera sa loi pour survivre.

Avec sa lumière maladive comme ces peaux qui manquent de lumière du jour, La Tour développe un climat des plus anxiogènes. La détresse est partout. Au bout de quelques mois, des trafics d’animaux sont apparus, et pourtant, il y a encore une pulsion de vie qui est là, avec ces nouvelles femmes enceintes. Malgré sa capacité à nous plonger dans l’urgence et l’horreur, le film de Guillaume Nicloux s’essouffle au fil de sa narration elliptique, peut-être à cause d’une galerie de personnages vaste et sous-développée – on les observe comme dans une triste expérience anthropologique, avec aussi des dialogues plutôt pauvres. Un des personnages les plus charismatiques, campé par Hatik, sortira du cadre à mi-chemin tandis que la jeune femme jouée par Angèle Mac, véritable fil rouge, n’a pas la matière pour gagner en ampleur. Le film avance alors au gré d’incidents, un chien volé à un couple de retraités, une attaque d’un groupe sur un autre ainsi que des éléments du quotidien : faire pousser des légumes, se réunir pour prier, troquer des denrées contre un appartement, etc. Mais dans sa logique nihiliste, La Tour perd aussi en intérêt sur son concept fantastique : personne ne s’interroge sur le reste du monde. Sont-ils seuls dans cette situation, ou bien tous les immeubles sont-ils concernés individuellement ? Il y aura au début des tentatives de sortie pour se confronter à ce noir fatal, mais personne ne questionne la disponibilité de l’eau ou de l’électricité, ni même de l’air qui semble toujours se renouveler. À force de s’éloigner du jour initial, La Tour trouve même un point de rupture et l’on parcoure les ultimes chapitres dans une indifférence contraire à l’essence de ce type de production, où les valeurs humaines et émotionnelles sont indispensables. Dommage, car il y avait bel et bien les bases d’un grand film de genre ici.

2.5 étoiles

 

La Tour

Film français
Réalisateur : Guillaume Nicloux
Avec : Angèle Mac, Hatik, Ahmed Abdel Laoui, Marie Rémond, Nicolas Pignon, Judith Williquet
Scénario de : Guillaume Nicloux
Durée : 89 min
Genre : Horreur, Fantastique, Drame
Date de sortie en France : 8 février 2023
Distributeur : Wild Bunch Distribution

 

Photos du film Copyright Wild Bunch

Article rédigé par Dom

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