Etrange Festival 2011 : tous aux abris !

Troisième chronique de l’Etrange Festival sous le signe de la catastrophe, qu’elle soit d’ordre vampirique avec Stake Land ou naturelle avec Take Shelter. Prenez l’arbalète offerte par votre oncle un peu dérangé pour vos douze ans, direction le bunker sous-terrain de mamie paranoïa.

On finit par reconnaître les blogueurs assidus du cinéma parallèle et d’horreur en prenant un café au bar de l’Etrange Festival – et on y croise même d’ancien collègue –, dans l’attente d’un des films les plus intrigants de la journée du 8 septembre, qui porte le titre de Stake Land (que l’on peut traduire par « la terre des pieux »), à juste titre comparé à La Route : il s’agit d’une véritable version alternative infestée de vampires. Comme à l’accoutumée, ou presque, la séance est précédée par un court-métrage, ici, un trip expérimental en noir et blanc, lunaire et inintelligible mais plutôt séduisant.


Dans Stake land, un mystérieux chasseur de vampires, qui se fait appeler Mister, roule en direction du Nord des Etats-Unis, en compagnie de Martin, un jeune homme qu’il a sauvé alors que sa famille se faisait décimer par un bestial suceur de sang. Plus sensationnel que le film porté par Viggo Mortensen, Stake Land souffre d’une première partie qui cherche plus à impressionner le spectateur par l’affrontement de ses créatures soigneusement maquillées que la mise en place d’une atmosphère pernicieuse – que l’on atteindra plus tard.
A la croisée des genres, entre récit initiatique, chronique post-apocalyptique et pure chasse au vampire, le long-métrage de Jim Mickle prend son envol alors que les protagonistes sont rejoints par des personnages secondaires au charisme salvateur – Mister, interprété par Nick Damici, également scénariste, manque de stature. Grâce à la présence d’une jeune femme enceinte – jouée par Danielle Harris, aux traits étonnement proches d’Ellen Page ici – , d’un membre des Marines (Sean Nelson) et d’une nonne sauvée des griffes de violeurs, une véritable cellule familiale se fonde dans cette quête du Nouvel Eden, situé au Canada.
Sur la route, le danger rôde à toute heure, car le vampire n’est pas le seul redoutable ennemi : des mouvements sectaires ont émergé, vouant un culte aux monstres noctambules qu’ils considèrent comme des missionnaires en charge de purifier la Terre. Des allumés qui vont jusqu’à jeter les bêtes sanguinaires au milieu de villages de rescapés où Jim Mickle montre, malgré les faibles moyens à sa disposition, une réelle maîtrise de l’action, à défaut de briser la routinière et plate caméra à l’épaule qui accompagne le groupe. Si la mise en scène est loin d’être brillante, la principale tare du film se trouve du côté de la bande originale, impersonnelle et bien trop souvent emphatique, dégainant les larmoyants violons pour souligner la douleur des protagonistes.
Malgré une narration convenue et une conclusion aussi décevante qu’inéluctable, Stake Land s’avère être une plaisante petite production qui réussit son mariage des genres.

Stake Land sera disponible à la vente en DVD et Blu-ray dès le 4 octobre 2011.


Saut temporel au vendredi 9 septembre pour l’avant-première de Take Shelter, film de Jeff Nichols qui avait fait son petit effet à la Semaine de la Critique à Cannes. Terreur de la catastrophe à venir ou maladie mentale, Nichols ne laisse guère planer le doute sur l’état de Curtis (Michael Shannon), père de famille hanté par des cauchemars de tempête au point de perdre contact avec ses proches et de se ruiner dans la construction d’un abri sous-terrain tout équipé. Tout comme Melancholia illustrait une mélancolie radicale sous la menace – sous la forme ? – de la fin du monde, Take Shelter observe un cas de névrose à tendance paranoïaque, nourrie par la crainte de la tempête du siècle. Le ciel évoque le désordre mental ; la foudre tend à évoquer l’activité cérébrale, comme si les arcs électriques représentaient, au grand jour, l’agitation synaptique de Curtis.
Malgré ses illustrations cauchemardesques saisissantes dans lesquelles le ciel terrifie par sa fureur divine, Take Shelter accuse, sauf dans son segment final, d’une certaine stérilité émotionnelle qui n’est contrecarrée que par l’impériale Jessica Chastain, l’émotion à fleur de peau, en mère de famille qui traverse une première crise avec la surdité de leur jeune enfant, survenue il y a peu. La source du problème qui taraude le film, c’est peut-être Michael Shannon, ce grand gaillard un peu rustre, au jeu juste, qui gagne en intensité, mais terriblement distant, au point de susciter une certaine indifférence envers sa condition mentale, malgré que le profil psychologique de cet ouvrier soit soigneusement dressé, à l’instar d’une narration intelligente. Avec une mère internée pour des psychoses paranoïaques à l’âge de 30 ans, Curtis devient un double symbole de fatalité : l’atavisme aura-t-il le dessus ou les visions s’avéreront-elles prophétiques ? Les intentions de Nichols peuvent emprunter deux embranchements : il peut illustrer métaphoriquement, dans un contexte de crise économique, la destruction d’une cellule familiale, qui, enterrée financièrement, se conduit réellement sous terre, ou bien, il est question d’une démonstration du pouvoir destructeur et communicatif de la paranoïa. Le doute, bien que ténu, est là.

C’est peut-être sous l’angle de la perte que Take Shelter frappe le plus, et insidieusement. Du chien familial abandonné jusqu’à la marginalisation de l’épouse, en passant par la chute sociale – ami, emploi –, Jeff Nichols réussit à transmettre ce sentiment de ruine avec brio, d’autant plus douloureux qu’il procède d’un tourment du domaine psychique.
Plus intéressant que Melancholia et moins tape à l’œil, Take Shelter aurait sans nul doute pu s’élever avec un acteur au profil plus magnétique pour le premier rôle. Un drame social à la troublante singularité.

Take Shelter (Jeff Nichols), avec Michael Shannon et Jessica Chastain, en salles le 7 décembre 2011.

Nous voilà donc au triste weekend de fin de l’Etrange Festival, avec, aujourd’hui, la présence de l’acteur néerlandais Rutger Hauer qui présentera trois films dont une avant-première (The Mill and The Cross). Ce soir, l’événement s’appelle Drive ; demain, Don’t be Afraid of the Dark.
Je vous reparle de tout cela dans le bilan du festival avec le gagnant de la compétition « nouveau genre. » Sur ce, portez-vous bien et surveillez le ciel.

Article rédigé par Dom

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