Critique : The Northman

Pour son troisième long métrage, Robert Eggers se montre des plus ambitieux avec The Northman, odyssée vindicative d’un viking au Xe siècle. Avec un Alexander Skarsgård plus imposant que jamais, ce film habité par le folklore scandinave nous emporte dans un monde cruel et violent.

Mourir par l’épée

Rares sont ces films à proposer une telle immersion dans une époque si lointaine, et ce, dès ses premiers instants qui illustrent le tragique point de bascule dans l’enfance du Prince Amleth, dont le père se fait voler son trône et sa femme par son propre frère, Fjölnir (Claes Bang), décapitant son roi sans le moindre remord. D’emblée, la musique de Robin Carolan et Sebastian Gainsborough, qui livrent leur première bande originale, transporte par une atmosphère à la fois martiale et mystique. Un travail de composition qui limite le champ des instruments à ce qui aurait pu être utilisé alors, tandis que le scénario s’est forgé avec l’appui d’historiens experts en culture viking. Un souci de réalisme qui frappe d’autant plus que la mise en scène de Robert Eggers, déjà bien inspirée sur ses deux premiers et singuliers longs métrages, The Witch (2016) et The Lighthouse (2019), trouve ici un véritable souffle épique, pour inscrire ses personnages dans des décors où la nature force le respect ou l’admiration – les prises de vue ont eu lieu en Irlande du Nord et en Islande –, mais aussi dans ces lieux clos, cavernes et fermes où la lumière se travaille notamment par le feu. Moins esthétisant que le Macbeth (2015) de Justin Kurzel, The Northman trouve sa place quelque part entre Conan le barbare (1982) de John Milius et Valhalla Rising (2009) de Nicolas Winding Refn.

Quelques années suite à l’acte tragique, on retrouve Amleth adulte en guerrier sanguinaire, mi-loup, mi-ours, et qui ne fait preuve d’aucune pitié dans les raids des siens. Bien qu’il ait déjà donné dans la performance physique dans Tarzan (2016) de David Yates, jamais Alexander Skarsgård n’a autant impressionné par sa carrure. C’est un colosse, mais suffisamment intelligent pour ne pas succomber à ses moindres pulsions : lorsqu’il retrouve le fil de sa quête vengeresse, c’est en se faisant passer pour un esclave qu’il se rapprochera de son ennemi, observant ainsi la nouvelle vie de sa mère. C’est aussi en esclave qu’il fait la rencontre d’une femme qui, elle aussi, doit accomplir son propre destin, Olga – campée par Anya Taylor-Joy, révélation du premier long métrage de Robert Eggers. Un personnage qui permet de tempérer ça et là la virilité dans laquelle baigne le film, toutefois vue au travers d’une dimension parfois mystique avec les nombreux rituels représentés. Le difficile quotidien sur le domaine de Fjölnir est palpitant car le spectateur, tout comme le protagoniste, sait pertinemment que la routine des asservis sera brisée dans une vengeance à la fois brutale et méthodique. Les nombreux accès de violence du film secouent par leur réalisme, et une caméra qui glisse parmi les décors, de jour comme de nuit – quelle esthétique, la photographie de Jarin Blaschke atteint des sommets – autour de la fureur d’Amleth.

Fondamentalement, la narration rudimentaire pourrait rebuter certains spectateurs, mais la mise en image avec une telle ferveur et cette façon de s’accrocher à ce héros de chair et de haine font de The Northman une œuvre spéciale, à la direction artistique fantastique. Envoûtant et âpre voyage dans le folklore viking, le troisième long métrage de Robert Eggers tient de l’expérience cinématographique puissante, que l’on recommande vivement aux amateurs de légendes nordiques et tout cinéphile avide de sang versé au nom de la vengeance.

Disponible en Blu-ray 4K, Blu-ray et DVD depuis le 21 septembre 2022

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