Critique : The Highwaymen

Bonnie et Clyde suscitent toujours les passions : pas question ici de remettre en scène le duo de gangsters comme l’avait fait brillamment Arthur Penn en 1967 avec Faye Dunaway et Warren Beaty puisque The Highwaymen suit les Texas Rangers qui ont mis fin à l’étrange règne des gangsters, véritables stars malgré les nombreux morts laissés sur leur route.

Une histoire de violence

Il y a deux ans, avec Le Fondateur, John Lee Hancock racontait la naissance d’un empire, celui de McDonald’s. Avec ce nouveau film inspiré de faits réels, il interroge l’ambivalente place de la violence et des armes à feu aux Etats-unis. Nous sommes au Texas, en 1934, alors que Bonnie et Clyde font parler la poudre depuis déjà deux ans. Face à des policiers dépassés et malgré la naissance du FBI, personne ne parvient à mettre la main sur le couple de gangsters, qui vient de libérer trois prisonniers. Pour Ma Ferguson (Kathy Bates), gouverneuse du Texas, cela doit prendre fin, et dans la même violence que celle engendrée par les criminels, quitte à sortir d’un cadre légal. Elle décide de sortir de leur retraite deux anciens Texas Rangers, unité alors disparue, en faisant appel à de véritables tueurs au nom de la loi. Frank Hamer (Kevin Costner), dans une retraite aisée avec sa femme (Kim Dickens), et son ancien partenaire, Maney Gault (Woody Harrelson), lui, bien plus usé par la vie et dans le besoin. Ce film policier n’adopte pas la structure classique d’un duo avec une figure d’expérience et vieillissante, guidant une nouvelle génération, il y a plutôt une opposition générationnelle avec deux couples : l’un au premier plan avec ces deux coéquipiers qui reprennent la route et les armes, l’autre avec ce couple de jeunes gangsters, toujours filmés à distance ou de dos, conservant une aura mystique et glaçante, loin du romantisme que développait Bonnie and Clyde d’Arthur Penn.

En réunissant Kevin Costner et Woody Harrelson, The Highwaymen affiche deux arguments pour séduire, d’autant plus que la bande originale est signée par Thomas Newman (American Beauty, Wall-E, Les Sentiers de la perdition). Pourtant, le film se montre terriblement poussif, d’une part car la musique surligne absolument tout, et qu’en plus de passer par des scènes surannées – comme l’achat de l’arsenal pour partir à la chasse –, le montage se montre horripilant. Bohemian Rhapsody est devenu un objet de moquerie sur internet pour certaines de ses séquences découpées de façon insensée – et pourtant lauréat du Meilleur montage aux Oscars 2019 –, ce film fait de même, ruinant l’ampleur de certains plans bien pensés par le cinéaste. Mais dans sa dernière partie, The Highwaymen devient passionnant – il faut dire que le montage évolue, comme l’emploi de la musique. Dans le rapport à la violence, et plus particulièrement l’usage d’armes à feu dans le but de tuer, d’exterminer, le film dresse un amer constat. Il y a quelque chose de profondément absurde dans l’emploi d’armes à feu à des fins létales, dans la méthode employée par ces hommes de loi. Le tireur évolue dans un camp, celui du bien, régit par la loi, ou celui du mal, régit par d’éventuels codes de criminels. Les « highwaymen » ici, Texas rangers réhabilités, se situent dans un entre-deux pour cette traque vindicative : bien qu’ils ne puissent pas agir en dehors du Texas, ils seront contraints de dépasser cette frontière dans leur mission.

Grâce aux performances de Kevin Costner et Woody Harrelson, The Highwaymen saisit cette fêlure chez ceux qui ont tué de façon massive, du côté de l’ordre. Une anecdote de Hamer racontée au père de Clyde Barrow illustre parfaitement l’ambiguïté et l’absurdité derrière le meurtre. Et quelque chose de fascinant et terrifiant se dégage de Bonnie et Clyde, ces assassins glorifiés, notamment à cause des médias dont on peut déjà questionner l’influence il y a presque 100 ans. Plus peaufiné en post-production, The Highwaymen aurait été un très grand film. Mis en chantier en février 2018 par Netflix, serait-ce la résultante d’une logique de production « rapide » afin d’enrichir leur offre à un rythme soutenu ? Le nouveau John Lee Hancock est disponible sur la plateforme américaine depuis le 29 mars 2019.

3 étoiles

 

The Highwaymen

Film américain
Réalisateur : John Lee Hancock
Avec : Kevin Costner, Woody Harrelson, Kathy Bates, John Carrol Lynch, Kim Dickens, Thomas Mann, William Sadler, W. Earl Brown
Scénario de : John Fusco
Durée : 132 min
Genre : Policier, Drame
Date de sortie en France : 29 mars 2019
Distributeur : Netflix France

 

Article rédigé par Dom

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