Critique : Le Fondateur

Après avoir mis en image la relation entre Walt Disney et P.L. Travers dans un film certes touchant mais très loin de la réalité, Dans l’ombre de Mary, John Lee Hancock reste dans le monde du biopic pour se pencher sur Ray Kroc, fondateur de la chaîne de restaurant McDonald’s. Cette fois, le film respecte bien plus les faits réels avec un Michael Keaton aussi épatant par sa persévérance qu’effrayant par ses méthodes sans scrupule.

Naissance d’un empire

Au départ, il y a Dick McDonald (Nick Offerman) et Mac McDonald (John Caroll Lynch), des frangins qui ont tenté leur chance dans le milieu de la restauration pour parvenir à créer un resto plutôt révolutionnaire, familial, loin de l’ambiance des drive-in. Un restaurant où le service rapide s’allie à la qualité des produits vendus, un service rapide dû autant à une méthode de travail très organisée qu’un menu réduit au strict minimum, il n’y avait qu’un seul type de burger à commander – aujourd’hui, aux Etats-Unis, la chaîne In-N-Out a conservé cet état d’esprit avec un menu limité à trois burgers et des frites fraîches préparées sur place. En 1954, les frères McDonald, très satisfaits de leur resto qui connaît un grand succès à San Bernardino en Californie, font appel à un certain Ray Kroc (Michael Keaton) pour l’achat de plusieurs multi-mixeurs de milkshakes. Ray Kroc, un commercial qui trime et rame depuis des années, flaire la bonne affaire et propose aux deux frangins, d’abord réticents, de franchiser leur restaurant. Le principal problème pour les frères McDonald, conserver la qualité de leur création dans les autres établissements, ayant déjà échoué dans cette entreprise. Ray Kroc, au bagout terrible, parvient à les convaincre et les trois hommes signent un contrat. Ainsi naît un empire qui éloignera de plus en plus McDonald’s de ses valeurs originelles, passées au broyeur du capitalisme.

Monopolisant le cadre, Michael Keaton, volubile, impressionne par son énergie, sa volonté de fer malgré tous les obstacles, tout en suscitant un vrai dégoût par rapport à ses méthodes, son manque de respect aux deux hommes qui lui permettront de bâtir un empire, empire de la malbouffe que nous connaissons parfaitement aujourd’hui. Le film de John Lee Hancock reste concentré sur les premières années de l’empire McDonald’s, vous ne trouverez donc pas la recette sacrée du Big Mac ni même l’origine de Ronald McDonald. C’est le portrait d’un homme qui, ayant toujours mis sa vie de famille au second plan, trouve l’opportunité fantastique de réussir enfin, de rencontrer un succès presque clé en main. La transformation d’un requin baleine vieillissant en un virulent grand requin blanc. Un cauchemar pour les frères McDonald, qui, à l’ouest, ne parviennent plus à contenir la folie d’expansion de Ray, proposant toutes sortes de changements au restaurant afin de maximiser les profits, comme l’abandon du lait pour les milkshakes, très coûteux en terme de réfrigération pour un substitut en poudre à mélanger dans de l’eau. Si le portrait se montre plutôt bienveillant, Le Fondateur montre toutes les conséquences, positives – l’emploi – et négatives – le dédain de la qualité, le mépris des vrais créateurs – sur un business d’abord pensé du côté de la clientèle, à taille humaine. Ce long métrage, plutôt habile dans sa narration au montage linéaire, témoigne aussi de la bassesse qui règne dans le milieu des affaires, Ray Kroc se montrant de moins en moins reconnaissant envers les McDonald au fil des mois – et encore, la formule se veut bien tendre.

John Lee Hancock ne transcende pas son sujet en or – scénario de Robert D. Siegel (The Wrestler) –, mais grâce à d’excellents acteurs, bien que les seconds rôles soient écrasés par Kroc, de Nick Offerman à Linda Cardellini en passant par Laura Dern, il livre avec Le Fondateur un portrait prenant d’un commercial qui n’a jamais jeté l’éponge, jusqu’à connaître ce succès phénoménal, et tant pis pour ceux projetés sur le bas-côté au cour de cette ascension fulgurante. La cruauté et la splendeur du monde des affaires entre deux tranches de pain, livrées en moins de deux heures.

3.5 étoiles

 

Le Fondateur

Film américain
Réalisateur : John Lee Hancock
Avec : Michael Keaton, Laura Dern, Nick Offerman, John Carroll Lynch, Linda Cardellini, Patrick Wilson, B.J. Novak
Titre original : The Founder
Scénario de : Robert D. Siegel
Durée : 115 min
Genre : Biopic, Drame
Date de sortie en France : 28 décembre 2017
Distributeur : EuropaCorp Distribution

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

Partagez cet article avec vos amis ou votre communauté :

Twitter Facebook Google Plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Comments links could be nofollow free.

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Avant de publier un commentaire, vous devez lire et approuver notre politique de confidentialité.