Critique : Battle of the sexes

Le couple formé par Valerie Faris et Jonathan Dayton, derrière Little Muss Sunshine et Elle s’appelle Ruby, s’attaque au biopic en s’intéressant à un match de tennis historique, qui opposa la championne Billie Jean King à une ancienne gloire du circuit, Bobby Riggs, avançant que la femme est inférieure à l’homme. Match à portée politique pour un film qui rate totalement son coup de raquette.

Egalité dans le filet

Quelque chose cloche dès la première séquence, ces mouvements flous de Billie Jean King (Emma Stone) sur un court de tennis, accompagnée par une musique insipide marquée du tampon « Biopic gentillet. » Alors que Valerie Faris et Jonathan Dayton, habitués au milieu musical avec leurs nombreux clips, avaient séduit avec leurs deux précédents longs métrages, les voilà complètement perdus pour aborder une rencontre sportive historique et y dresser le portrait d’une championne de tennis courageuse et militante. Le premier coup de poing sur la table de la numéro 1 mondiale au début des années 1970 concerne les primes de tournoi : pourquoi les hommes gagneraient jusqu’à huit fois plus que leurs homologues féminins alors que les joueuses attirent autant de public ? Face à la position injuste et ferme des dirigeants de l’USTA, huit joueuses, avec à leur tête, Billie Jean King, décident de créer leur propre tournoi féminin, avec le soutien financier de… Philip Morris. Les cigarettes, oui. Dans la nécessité d’être à nouveau sous les projecteurs, l’excentrique champion quinquagénaire Bobby Riggs (Steve Carell), souhaite organiser un match dans lequel il démontrerait, en venant à bout de la championne féminine, la supériorité de l’homme sur la femme qui devrait se cantonner aux tâches ménagères. C’est donc une confrontation entre le féminisme et le machisme qui se prépare, alors que Bille Jean, mariée, s’éprend d’une coiffeuse – une secrétaire dans la vraie vie –, Marilyn (Andrea Riseborough). Déjà dans une position délicate avec son action libérale, la joueuse doit cacher cette relation pour ne pas ternir son image publique. Avec la cause féministe au premier plan et celle des personnes LGBT au second plan, Battle of the sexes réduit son discours au néant presque absolu, incapable de gérer les deux versants.

Filmé principalement en longue focale et en caméra épaule, le film souffre de choix de mise en scène désastreux. En recherchant la reconstitution historique la plus fidèle, le couple de cinéastes obtient l’effet inverse : tout y semble factice, trop propre et organisé pour être vraisemblable. Pire encore, il faudra attendre le dernier quart d’heure pour enfin voir du tennis, dont la qualité tient de la posture retransmission TV : avant, pour les bribes de match, ce sont des cadrages impensables qui ne suivent absolument rien, ni l’action, ni les acteurs. Et ce sont les acteurs qui offrent un certain cachet à ce film. Emma Stone tout d’abord, méconnaissable dans ce rôle de championne qui atteint un stade particulier de sa vie : sportive adulée, qui soudain, se transforme en symbole de révolte, sinon de défense envers un patriarcat orgueilleux et machiste, représenté par Riggs, et, cerise sur le gâteau, elle doit taire son homosexualité. En face, Steve Carell nous offre un numéro bien connu, avec ce personnage loufoque, parieur jusqu’à l’excès, et qui, par son humour, donne de l’énergie à ce biopic au militantisme tristement mou. Seule la confrontation tant attendue donne un peu de saveur, mais la balle de match ne sauve pas la rencontre. En ratant leur approche et même leur regard porté sur leur protagoniste, Valerie Faris et Jonathan Dayton livrent le pire du domaine du biopic, un film consensuel, souvent déplaisant et particulièrement vain. Aujourd’hui, les grands tournois sous contrôle de l’International Tennis Federation pratiquent la parité dans la rémunération des joueurs et des joueuses. Un pas en avant dont l’impulsion aura été donnée par Billie Jean King, puisque cette parité est pratiquée à l’US Open depuis 1973. L’Open d’Australie s’est rallié en 2000 et c’est seulement depuis 2007 que Wimbledon et Rolland Garros ont enfin suivi le mouvement. Et ça, cette (r)évolution, Battle of the sexes ne saisit même pas sa dimension, ce qui est fort regrettable.

2 étoiles

 

Battle of the sexes

Film britannique, américain
Réalisateurs : Jonathan Dayton, Valerie Faris
Avec : Emma Stone, Steve Carell, Andrea Riseborough, Bill Pullman, Natalie Morales, Sarah Silverman, Alan Cumming, Elisabeth Shue
Scénario de : Simon Beaufoy
Durée : 121 min
Genre : Biopic, comédie dramatique
Date de sortie en France : 22 novembre 2017
Distributeur : Twentieth Century Fox France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

Partagez cet article avec vos amis ou votre communauté :

Twitter Facebook Google Plus

Un commentaire

  1. Déjà que l’idée de ce match était assez idiote, en faire un film n’est guère plus brillant…même si dans l’absolu il n’y a pas de mauvais sujet, que des mauvais film..

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Comments links could be nofollow free.

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Avant de publier un commentaire, vous devez lire et approuver notre politique de confidentialité.